Card. Herranz @ Facebook / La Sede de Pedro

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« L’Eglise, une Mère qui communique la vie », par le card. Herranz

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Les crimes de pédophilie et la « crédibilité du message chrétien »

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Il ne s’agit pas de protéger une « image narcissique de pouvoir et de prestige mondain », mais de réaffirmer la « crédibilité du message chrétien », explique notamment le cardinal Herranz dans L’Osservatore Romano du 8 juin 2021.

Le cardinal espagnol Julian Herranz, 91 ans, docteur en médecine et en droit canon, président émérite du Conseil pontifical pour les textes législatifs, intervient sur le thème de la pédophilie dans l’Eglise.

Rappelons qu’il est l’un des trois cardinaux de confiance, avec Jozef Tomko et Salvatore De Giorgi, auxquels Benoît XVI a confié une enquête aux conclusions réservées sur l’affaire des documents volés dans la chambre du pontife – l’affaire « vatileaks » -.

Le 21 janvier 2015, il a été nommé par le pape François membre suppléant de la nouvelle commission spéciale chargée du traitement des recours au sein de la Congrégation pour la doctrine de la foi.

AB

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Cher et estimé directeur,

Bien que je sois conscient du peu d’attention que peuvent mériter les paroles d’un cardinal âgé, je me permets moi aussi – à la lumière de certains faits qui font beaucoup parler d’eux ces jours-ci – de faire quelque observation modérée sur le terrible crime de la pédophilie dans l’Eglise, ainsi que sur les responsabilités de nature personnelle et institutionnelle qui y sont liées. Je le fais, non seulement parce que, dans un passé encore récent, j’ai collaboré avec le Saint-Siège pour affronter d’un point de vue juridique et pastoral ce très grave problème, mais également parce qu’il risque de miner dans l’opinion publique et peut-être aussi dans la conscience des fidèles, la crédibilité de l’Eglise et de son message évangélique.

Ce qui apparaît évident, plus encore après la réforme du droit pénal en la matière, promulguée par Benoît XVI et surtout par le pape François, c’est le caractère personnel de cet abominable acte humain, un péché extérieur grave et un crime, commis par un clerc (diacre, prêtre, évêque ou cardinal) ou, comme l’établit la récente Constitution apostolique Pascite Gregem Dei, par un religieux ou une religieuse, ou encore par tout fidèle qui jouit d’une dignité ou qui exerce une charge ou une fonction dans l’Eglise.

Mais bien que ceci soit particulièrement douloureux pour la communauté des fidèles, il semble évident qu’aurait également un caractère personnel le délit de l’Ordinaire séculier ou religieux qui tait ou qui couvre la dénonciation d’un ou de plusieurs actes de pédophilie, ou encore qui omet de manière irresponsable les normes procédurales claires prévues par le droit de l’Eglise pour sauvegarder les droits des dénonciateurs, des victimes et des accusés. Il ne s’agit pas de voir si l’évêque ou le supérieur « reconnaît » ou « accepte » sa responsabilité : cette responsabilité personnelle morale et juridique existe, on ne peut simplement l’attribuer à d’autres, prédécesseurs ou collègues.

Il est vrai qu’en cas d’un crime ou d’erreur de l’évêque, la honte des fidèles et parfois aussi la responsabilité économique pourront retomber sur l’ensemble du corps ecclésiastique relatif, mais cela ne peut conduire à nier ou à mettre en doute la légitimité juridique et la bonté morale des finalités institutionnelles du diocèse.

Il serait encore moins logique de mettre en doute, malgré les erreurs, les péchés et parfois même les crimes de ses membres, y compris de hauts responsables de la hiérarchie, la crédibilité de l’Eglise et la valeur salvifique de sa mission et de son magistère. Il serait en revanche naïf d’ignorer que, surtout dans les circonstances historiques actuelles, les « pouvoirs forts » de ce monde cherchent à profiter des faiblesses de l’élément humain de l’Eglise pour la discréditer devant l’opinion publique mondiale.

Il semble évident que défendre l’Eglise « Corps du Christ » (1 Co 12,27), réduit par les péchés de ses membres, par nos péchés, à être comme un nouvel « Ecce Homo » devant le monde, ne doit pas être une autodéfense évidente et cléricale. Il ne s’agit pas de protéger une image « narcissique » de pouvoir et de prestige mondain d’une Eglise qui se défend en oubliant l’humilité, mais de réaffirmer la divinité de son origine, la sainteté des sacrements qu’elle offre et l’actualité et la crédibilité pérennes du message chrétien du salut. Reste toujours actuel l’avertissement de saint Cyprien, selon lequel si nous devons aimer Dieu, nous devons aussi aimer l’Eglise : « Parce que celui qui n’a pas l’Eglise pour Mère ne peut avoir Dieu pour Père » (De l’unité de l’Eglise, 6, 8).

En effet, malgré la nature pécheresse de son aspect humain (mais dans l’Eglise, il y a d’innombrables fils saints), l’Eglise est la Mère qui communique la vie : la « vie, la vérité et la voie » du Christ, grâce à laquelle nous sommes enfants du Père. C’est pourquoi, s’adressant aux jeunes après le synode qui leur était consacré, le pape François a affirmé : l’Eglise « ne craint pas de montrer les péchés de ses membres, que certains d’entre eux tentent parfois de dissimuler […]. Mais souvenons-nous qu’on n’abandonne pas sa Mère lorsqu’elle est blessée, au contraire, on l’accompagne afin qu’elle trouve en elle-même toute sa force et sa capacité de toujours recommencer » (Exhortation apostolique Christus vivit, n. 101), « pour s’ouvrir à une nouvelle Pentecôte et […] à une nouvelle jeunesse » (ibidem, n. 102).

En vous remerciant pour l’attention que vous porterez à ces considérations, je vous salue très cordialement.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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