Le futur bienheureux José Gregorio Hernandez était un « homme du service universel », a déclaré le pape François à la veille de la béatification de ce « médecin du peuple » vénézuélien.
Le pape François a adressé un message vidéo en espagnol aux évêques et à tout le peuple du Venezuela, à la veille de la béatification à Caracas du docteur José Gregorio Hernandez Cisneros, ce jeudi 29 avril 2021.
Ce service était vécu à l’exemple du Christ au cours de la dernière Cène, « lorsqu’il s’est mis à laver les pieds de ses disciples », a ajouté le pape.
Que signifie le commandement de Jésus de se « laver les pieds les uns aux autres » ? a demandé le pape. Cela signifie « s’accueillir, se recevoir les uns les autres » et également « se servir les uns les autres, être disposés à servir, mais aussi laisser les autres nous aider, nous servir. Aider et nous laisser aider ». « Nous avons tous besoin d’aide, tous », a-t-il insisté.
Le pape a invité les citoyens vénézuéliens à demander « la grâce de la réconciliation » et à vivre une « conversion vers une plus grande solidarité des uns envers les autres, pour produire tous ensemble la réponse du bien commun si nécessaire pour que le pays revive, renaisse après la pandémie dans un esprit de réconciliation ».
Le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin, ancien nonce apostolique au Venezuela, qui devait présider la cérémonie de béatification, a annoncé l’avant-veille qu’il devait renoncer à se rendre à Caracas en raison de la pandémie.
Médecin à Caracas
José Gregorio Hernandez Cisneros est né le 26 octobre 1864 à Isnotu, dans l’État andin de Trujillo (Venezuela). Ses parents sont propriétaires du magasin de la ville, mais la mère – une femme très pieuse – décède alors que José n’a que huit ans.
Don Pedro Celestino Sánchez, premier professeur du petit José Gregorio à Isnotú, découvre les capacités de l’enfant et recommande à son père de l’envoyer étudier à Caracas. Il y étudie la médecine avec un tel succès que le président de la République de l’époque, Juan Pablo Rojas Paúl, l’envoie à l’université de Paris, à la faculté de médecine, pour y développer des études en microscopie, histologie normale, pathologie et physiologie expérimentale.
De retour dans son pays natal, José Gregorio apporte les instruments nécessaires à un cabinet de physiologie et enseigne à l’Université Centrale de Caracas les spécialités scientifiques qu’il a étudiées.
L’attrait de la Chartreuse
Ayant rempli ses engagements professionnels, José Gregorio souhaite également réaliser sa vocation religieuse. Il part pour l’Italie avec l’intention de devenir un moine cloîtré et, en 1908, il entre dans la Chartreuse de Farneta, dans la province de Lucques, en prenant le nom de « frère Marcelo ». Mais neuf mois après son admission, il tombe malade au point que le père supérieur lui ordonne de retourner au Venezuela pour se rétablir.
Il arrive à Caracas en avril 1909 et ce même mois il reçoit la permission d’entrer au séminaire « Santa Rosa de Lima ». Il rêve toujours à la vie radicale du monastère. Après trois ans, il décide de réessayer et part pour Rome où il commence à suivre les cours de théologie du Collège Pío Latino Americano, pensant ainsi à se préparer pour le monastère. Mais encore une fois, ses plans sont détruits: une maladie pulmonaire le force à retourner au Venezuela.Même si le docteur Hernández Cisneros n’a pas pu devenir moine, il garde pour toujours son amour pour l’Église et la vie religieuse. Il dit que la prêtrise est « la plus grande chose qui existe sur terre ».
Médecin des pauvres et tertiaire franciscain
Il entre dans le Tiers-ordre franciscain et travaille en tant que médecin passant 2 heures par jour à servir les pauvres. Il achète souvent des médicaments aux patients et ne prend pas l’argent pour son travail. On l’appelle le « médecin des pauvres ».
Le 29 juin 1919, alors qu’il traverse la rue pour acheter des médicaments à une vieille femme très pauvre, il est renversé par un véhicule. Un témoin rapporte que José Gregorio s’est exclamé lorsqu’il a vu que la voiture arriver: « Sainte Vierge! ». Il est transporté d’urgence à l’hôpital où un prêtre réussit à lui donner le sacrement des malades.
Les habitants de Caracas sont choqués par sa mort et beaucoup disent: « un saint est mort ».
En 1949, son procès en canonisation commence. Il est déclaré vénérable le 16 janvier 1986 par le pape Jean-Paul II.
Voici notre traduction à partir de l’italien du message vidéo du pape prononcé en espagnol.
Message vidéo du pape François
Chers frères dans l’épiscopat,
Chers Vénézuéliens et Vénézuéliennes,
Chers frères dans le Seigneur,
Je vous salue avec affection, à l’occasion de la béatification du vénérable docteur José Gregorio Hernandez Cisneros. Je sais avec quel enthousiasme vous attendiez depuis des années le moment où l’Eglise confirmerait quelque chose à quoi vous croyez fermement : que le médecin du peuple est auprès de Dieu et qu’avec Nuestra Senora del Coromoto il intercède pour ses compatriotes et pour chacun de nous. Je vous avoue que je n’ai jamais rencontré un Vénézuélien, ici au Vatican, sur la Place ou en audience privée, qui ne me dise pas au milieu de la conversation : quand a lieu la béatification de Gregorio ? Ils le portaient dans leur âme. Eh bien, ce désir se réalise maintenant.
Le docteur José Gregorio s’offre à nous, chrétiens, et à toutes les personnes de bonne volonté comme un exemple de croyant disciple du Christ, qui a fait de l’Evangile le critère de sa vie, a cherché sa vocation, observé les commandements, participé tous les jours à l’Eucharistie, consacré du temps à la prière et cru en la vie éternelle, ; comme un modèle de bonté personnelle et de vertus civiques et religieuses, d’ouverture, de sensibilité devant la souffrance, de modestie et d’humilité dans sa vie et dans l’exercice de sa profession, et également comme un homme amoureux du savoir, de la recherche, de la science, au service de la santé et de l’enseignement. C’est un modèle de sainteté engagée dans la défense de la vie, avec les défis de l’histoire et, en particulier, comme un paradigme du service du prochain, comme un bon samaritain, sans exclure personne. C’est un homme du service universel.
L’un des aspects les plus significatifs et fascinants de sa personnalité a été qu’il témoignait d’un dépassement de soi et de service des citoyens. Un service compris à partir de l’exemple que le Christ nous a laissé au cours de la dernière cène, lorsqu’il s’est mis à laver les pieds de ses disciples et de tous parce qu’il les aimait tous, même Judas, tout en sachant qu’il allait le trahir. Jésus ne s’est vengé de personne, il les a tous aimés.
A ce moment-là, Jésus laisse un mandat à ses disciples : lavez-vous les pieds les uns aux autres. Il me semble important de commenter « les uns aux autres », parce que le Seigneur nous exhorte non seulement à être des sujets actifs dans le service, mais également à avoir l’humilité de nous laisser laver les pieds par les autres. Et que signifie aujourd’hui se laver les pieds les uns aux autres, je me le demande, pour nous tous, et concrètement pour vous, qui fêtez aujourd’hui la béatification de ce grand laveur de pieds ?
Cela signifie par exemple s’accueillir, se recevoir les uns les autres, voir l’homme comme un égal, quelqu’un comme moi, sans mépriser. Ne mépriser personne. C’est aussi se servir les uns les autres, être disposés à servir, mais aussi laisser les autres nous aider, nous servir. Aider et nous laisser aider. Un autre exemple : se pardonner les uns les autres, parce que nous devons pardonner et permettre qu’on nous pardonne. Nous sentir pardonnés. En définitive, se laver les pieds les uns aux autres, c’est s’aimer les uns les autres.
Parfois, nous pensons que personne n’a besoin d’être aidé, que nous sommes autonomes, que nous n’avons besoin de rien, pas même de pardon. N’est-ce pas ? Nous avons tous besoin d’aide, tous. Nous avons tous besoin de pardon. Jésus a dit quelque chose de très beau : « Que celui qui est sans péché jette la première pierre » (Jn 8,7) ; que celui qui n’a pas de raison de se repentir accuse les autres. Parfois, nous devenons une famille – je pense par exemple à un noyau familial – d’accusateurs les uns des autres ou un peuple d’accusateurs les uns des autres. Ce n’est pas le chemin que nous a enseigné le bienheureux que nous célébrons aujourd’hui, qui est plutôt celui du service, de nous écouter et de nous pardonner et de nous laisser pardonner.
La béatification du docteur José Gregorio a lieu en un moment particulier, difficile pour vous. Comme mes frères évêques, je connais bien la situation que vous subissez et je suis conscient que vos souffrances et angoisses prolongées ont été aggravées par la terrible pandémie de covid-19 qui nous frappe tous. Je garde particulièrement à l’esprit aujourd’hui tous les morts, toutes les personnes contaminées par le coronavirus qui ont payé de leur vie, pour avoir accompli leurs tâches dans des conditions précaires. Cette pandémie qui, ces jours-ci, a des conséquences sur cette grande fête de la foi qu’est la béatification, et qui la réduit afin d’éviter les contagions, pour des raisons de sécurité, de santé, nous renvoie tous chez nous, ne nous permet pas de sortir dans la rue pour célébrer, crier, non, parce que la pandémie est dangereuse. Et je vous accompagne dans cette célébration – permettez-moi le terme – « pandémique », c’est-à-dire une célébration sans rien, à cause de la souffrance de la pandémie. J’ai également à l’esprit toutes les personnes qui ont quitté le pays en quête de conditions de vie meilleures, et aussi tous ceux qui sont privés de leur liberté ou qui manquent du nécessaire. Vous êtes tous concitoyens du Bienheureux, vous tous. Et vous avez tous les mêmes droits. Je vous accompagne avec amour, tous. Et de même que je connais bien les souffrances, je connais aussi la foi et les grandes espérances du peuple vénézuélien.
La béatification du docteur Hernandez est une bénédiction particulière de Dieu pour le Venezuela et nous invite à la conversion vers une plus grande solidarité des uns envers les autres, pour produire tous ensemble la réponse du bien commun si nécessaire pour que le pays revive, renaisse après la pandémie dans un esprit de réconciliation. C’est une grâce qu’il faut demander : l’esprit de réconciliation ; parce qu’il y a toujours des problèmes dans les familles, dans les villes, dans la société, il y a des gens qui se regardent un peu de travers, qui se regardent mal et il y a toujours besoin de réconciliation, la main tendue ! Et c’est un bon investissement social, la main tendue.
C’est pourquoi, au milieu de toutes les difficultés, je vous demande à tous, vous qui aimez tant le docteur José Gregorio, de suivre son admirable exemple de service désintéressé des autres. Je crois sincèrement que ce moment d’unité nationale, autour de la figure du médecin du peuple, représente un moment particulier pour le Venezuela et exige de vous que vous alliez au-delà, que vous accomplissiez des pas concrets en faveur de l’unité, sans vous laisser vaincre par le découragement.
Qu’à l’exemple du docteur José Gregorio, vous soyez capables de vous reconnaître réciproquement comme égaux, comme frères, comme enfants d’une même patrie. Que vous vous montriez disponibles à servir et que vous ayez assez d’humilité pour vous laisser servir, pour aider et vous laisser aider, pour pardonner et vous laisser pardonner. N’oubliez pas cela : les uns aux autres ou, comme le disait cette petite vieille, « et les autres aux uns ». Réciproque, toujours. Je prie Dieu pour la réconciliation et la paix entre les Vénézuéliens, je voudrais venir vous rendre visite. Que les institutions publiques sachent toujours offrir à tous la sécurité et la confiance, et que le peuple de cette belle terre trouve toujours des opportunités pour le développement humain et la cohabitation.
Chers frères et sœurs, je prie afin que le nouveau bienheureux inspire, en particulier, tous les dirigeants, tous : syndicalistes, académiciens, politiques, entrepreneurs, religieux, tous, universitaires, et les autres, à s’engager sérieusement pour obtenir une unité opérationnelle où tous, avec sérieux et sincérité, à partir du respect et de la reconnaissance mutuelle, mettent le bien commun avant tout autre intérêt, travaillent pour l’unité, la paix et la prospérité, de sorte que les citoyens et les citoyennes vivent ainsi normalement, avec productivité, stabilité démocratique, sécurité, justice et espérance.
Je prie afin que, tous ensemble, nous retrouvions ce Venezuela où tous savent qu’ils ont une place, où tous peuvent trouver un avenir. Et je demande au Seigneur qu’aucune intervention extérieure ne vous empêche de parcourir ce chemin d’unité nationale. Comme je voudrais pouvoir vous rendre visite, au moins manifester mon accompagnement sur ce chemin. Je prie la Virgen di Caromoto, patronne de cette belle et bienaimée nation, et je prie le bienheureux José Gregorio Hernandez pour vous tous. Et à vous, je demande de ne pas oublier de prier pour moi. En avant ! Toujours ensemble, en suivant l’exemple de José Gregorio. Ne vous découragez pas. Que Dieu vous bénisse et que la Vierge vous garde.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat