Messe in Cena Domini, Jeudi Saint 2021, card. Re © Vatican Media

Messe in Cena Domini, Jeudi Saint 2021, card. Re © Vatican Media

Messe de la Cène à Saint-Pierre: homélie du card. Re (traduction complète)

Devant le tabernacle, « réconfort, force et paix du cœur »

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« Celui qui croit en l’Eucharistie ne se sent jamais seul dans la vie. Il sait que dans la pénombre et le silence de toutes les églises, il y a quelqu’Un qui connaît son nom et son histoire, quelqu’Un qui l’aime, qui l’attend et qui l’écoute volontiers. Et devant le tabernacle, chacun peut confier ce qu’il a dans son cœur et recevoir réconfort, force et paix du cœur », a expliqué le cardinal Giovanni Battista Re, qui a présidé la Messe de la Cène, ce Jeudi Saint, 1er avril 2021, à 18h, et au nom du pape, à l’autel de la Chaire, en la basilique Saint-Pierre.

« L’existence de l’Eucharistie ne s’explique, a-t-il fait remarquer, que parce que le Christ nous a aimés et a voulu être proche de chacun de nous pendant tous les siècles, jusqu’à la fin du monde. »

« Seul un Dieu pouvait concevoir un si grand don et seuls un pouvoir et un amour infinis pouvaient le réaliser », a ajouté le cardinal devant une assemblée réduite en raison de la pandémie.

Il a souligné que le Jeudi Saint, l’Eglise rappelle l’amour du Christ, porté à un « degré le plus élevé et insurpassable de la capacité d’aimer »: « le Fils de Dieu, dans son affection pour nous, ne nous a pas donné quelque chose, mais nous a donné lui-même – son corps et son sang – c’est-à-dire la totalité de sa personne ».

« L’Eucharistie est le centre et le cœur de la vie de l’Église. Elle doit aussi être le centre et le cœur de la vie de chaque chrétien », a fait observer le cardinal italien.

Mais l’eucharistie c’est en même temps un appel à la fraternité: « C’est une lumière reconnaître le visage du Christ face aux frères, en particulier aux blessés et aux plus nécessiteux. »

Il a souligné combien le sacerdoce, grâce auquel le baptisé a accès à l’eucharistie et au pardon, constitue « un cadeau incomparable ».

Le cardinal Re a invité à prolonger la célébration par la prière chez soi, – l’adoration nocturne dans les églises n’étant pas possible en raison de la pandémie -, de façon à y « puiser la force dont nous avons besoin, maintenant plus que jamais »: « Nous devons élever une grande prière unanime pour que la main de Dieu nous vienne en aide et mette un terme à cette situation tragique. »

Enfin, il a invité à « mettre de l’ordre dans nos vies » et à « nous mettre sur le chemin du repentir et du renouveau pour obtenir le pardon de Dieu ».

Le cardinal Re était entouré à l’autel des cardinaux Leonardo Sandri (Argentine), 77 ans, préfet de la Congrégation pour les Eglises orientales catholiques, et Francis Arinze (Nigeria), 88 ans, préfet émérite du dicastère pour la liturgie.

En raison de la pandémie, la liturgie n’a pas inclus le rite traditionnel du lavement des pieds.

La messe a été suivie d’une brève adoration du Saint-Sacrement et elle s’est achevée par la procession jusqu’au reposoir en la chapelle Saint-Joseph de la basilique vaticane.

Pour sa part, le pape François est allé concélébrer avec le cardinal Giovanni Angelo Becciu: un geste inédit pour un Jeudi Saint, qui semble indiquer une reprise du dialogue après la brusque rupture de septembre 2020.

Voici notre traduction, rapide, de travail, de l’homélie du doyen du collège cardinalice.

AB

Homélie du card. Re 

«Jésus, sachant que l’heure était venue de passer de ce monde au Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout» (Jn 13, 1).

Ces paroles solennelle de l’évangéliste Jean, qui viennent de résonner il y a quelques instant, introduisent le récit du lavement des pieds aux disciples de la part de Notre Seigneur Jésus Christ et elles ouvrent le souvenir du don de soi que Jésus nous a laissé à l’heure de l’adieu; en même temps, elles lancent le grand discours prononcé à la veille de l’offrande de lui-même au Père pour notre salut.

Cette célébration eucharistique, chargée d’une extraordinaire intensité de sentiments et de pensées, nous fait revivre la soirée où le Christ, entouré des Apôtres au Cénacle, a institué l’Eucharistie et le sacerdoce et nous a confié le commandement de l’amour fraternel.

«Il les a aimés jusqu’au bout»; cette affirmation touchante signifie qu’il les a aimés jusqu’à sa mort sur la croix le lendemain, le vendredi saint, mais cela signifie aussi un amour jusqu’à l’extrême, c’est-à-dire jusqu’au degré le plus élevé et insurpassable de la capacité d’aimer.

La soirée du Jeudi Saint nous rappelle donc combien nous avons été aimés; nous dit que le Fils de Dieu, dans son affection pour nous, ne nous a pas donné quelque chose, mais nous a donné lui-même – son corps et son sang – c’est-à-dire la totalité de sa personne, et que, pour notre rédemption, il a accepté souffrir la mort la plus ignominieuse en s’offrant comme victime: «Ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne » (Jn 10, 18).

L’existence de l’Eucharistie ne s’explique que parce que le Christ nous a aimés et a voulu être proche de chacun de nous pendant tous les siècles, jusqu’à la fin du monde. Seul un Dieu pouvait concevoir un si grand don et seuls un pouvoir et un amour infinis pouvaient le réaliser.

L’Église a toujours considéré le sacrement de l’Eucharistie comme le don le plus précieux dont elle a été enrichie. C’est le don par lequel le Christ marche avec nous comme lumière, comme force, comme nourriture, comme soutien tous les jours de notre histoire.

En parlant de l’Eucharistie, le Concile Vatican II affirme qu’elle est «le sommet vers lequel tend l’action de l’Église et, en même temps, la source d’où émane toute sa force» (Sacrosanctum Concilium, 10); c’est « la source et le sommet de toute la vie chrétienne » (Lumen Gentium, 11).

En utilisant les termes «source et sommet», le Concile Vatican II signifiait que, dans la vie et la mission de l’Église, tout vient de l’Eucharistie et tout conduit à l’Eucharistie.

L’Eucharistie est le centre et le cœur de la vie de l’Église. Elle doit aussi être le centre et le cœur de la vie de chaque chrétien. Celui qui croit en l’Eucharistie ne se sent jamais seul dans la vie. Il sait que dans la pénombre et le silence de toutes les églises, il y a quelqu’Un qui connaît son nom et son histoire, quelqu’Un qui l’aime, qui l’attend et qui l’écoute volontiers. Et devant le tabernacle, chacun peut confier ce qu’il a dans son cœur et recevoir réconfort, force et paix du cœur.

L’Eucharistie est une réalité non seulement à croire, mais à vivre. L’amour du Christ pour nous nous engage à témoigner de notre amour mutuel. L’Eucharistie est un appel à l’ouverture aux autres, à l’amour fraternel, à savoir pardonner et à venir en aide aux personnes en difficulté; c’est une invitation à la solidarité, à se soutenir les uns les autres, à n’abandonner personne; c’est un appel à l’engagement industrieux pour les pauvres, pour les souffrants, pour les marginalisés; c’est une lumière reconnaître le visage du Christ face aux frères, en particulier aux blessés et aux plus nécessiteux.

Le deuxième mystère dont nous nous souvenons ce soir c’est l’institution du sacerdoce catholique. Le Christ, le vrai prêtre, a dit aux Apôtres: « Faites ceci – c’est-à-dire le sacrement de l’Eucharistie – en mémoire de moi ». Et trois jours plus tard, le soir du dimanche de Pâques, il a également dit aux apôtres: «Recevez le Saint-Esprit. Ceux dont vous pardonnez les péchés seront pardonnés » (Jn 20, 23). De cette manière, le Christ a rayonné les pouvoirs sacerdotaux sur les apôtres, afin que l’Eucharistie et le sacrement du pardon puissent continuer à se renouveler dans l’Église; a donné à l’humanité un cadeau incomparable.

Les jeudis saints des années passées, après cette messe in Coena Domini, il était de tradition de prolonger l’adoration de l’Eucharistie tout au long de la nuit avec diverses initiatives de prière d’adoration et des moments de grande intensité religieuse. La situation dramatique créée par la Covid-19 et le risque de contagion malheureusement cette année ne nous permettent pas de le faire, comme c’est arrivé aussi l’an dernier. Cependant, en rentrant chez nous, nous devons continuer à prier avec des pensées et un cœur pleins de gratitude pour Jésus-Christ, qui a souhaité rester présent parmi nous comme notre contemporain sous les voiles du pain et du vin.

De lui, qui a vécu la souffrance physique et la solitude dans sa chair et dans son âme, nous voulons puiser la force dont nous avons besoin, maintenant plus que jamais, pour faire face aux grands défis de cette pandémie qui fait chaque jour des milliers de victimes sur toute la planète. Nous avons universellement expérimenté comment un petit virus peut mettre le monde entier à genoux.

Pour que ce drame se termine, nous devons avoir recours à tous les moyens humains que la science met à notre disposition, mais un pas supplémentaire irremplaçable est nécessaire: nous devons élever une grande prière unanime pour que la main de Dieu nous vienne en aide et mette un terme à cette situation tragique qui a des conséquences inquiétantes dans les domaines de la santé, du travail, de l’économie, de l’éducation et des relations directes avec les personnes. Comme le Christ lui-même nous l’a enseigné, il faut aller frapper fort à la porte de Dieu, le Père tout-puissant (cf. Mt 7,7-8).

Une dernière considération. Le soir qui voit la plus haute manifestation d’amour et d’amitié envers nous est aussi le soir de la trahison. L’amour de Dieu et la trahison de l’homme se sont affrontés autour de la même table au Cénacle. Saint Paul le souligne lors de la deuxième lecture de la messe: « la nuit où il a été trahi ».

Dans l’histoire de l’amour sans bornes du Christ, qui nous a aimés «jusqu’au bout», il y a l’amertume de la trahison et de la trahison humaine.

Le Jeudi Saint est donc aussi une invitation à prendre conscience de ses péchés; c’est un appel à mettre de l’ordre dans nos vies et à nous mettre sur le chemin du repentir et du renouveau pour obtenir le pardon de Dieu.

Dans l’Eucharistie, Dieu est venu si près de nous que nous ne devons jamais nous sentir abandonnés, car nous sommes toujours recherchés par lui, aimés et invités à obtenir avec le repentir et le sacrement de la réconciliation la joie de son pardon et à commencer un renouveau spirituel, le cœur plus ouvert à Dieu et à tous nos frères et sœurs.

© Traduction de Zenit, Anita Bourdin

 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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