« Le Christ, compassion de Dieu » : c’est le titre de la méditation de Mgr Francesco Follo sur les lectures de dimanche prochain, 14 février 2021 (Sixième dimanche du temps ordinaire – Année B [1])
« Dieu, souligne l’observateur permanent du Saint-Siège à l’Unesco à Paris, ne vient pas « donner une leçon » sur la douleur ; il ne vient même pas éliminer la souffrance et la mort du monde ; il en vient plutôt à prendre sur lui le poids de notre condition humaine, à la porter jusqu’au bout, à nous libérer de manière radicale et définitive. »
« Ainsi, ajoute Mgr Follo, le Christ combat les maux et les souffrances du monde : en les prenant en charge et en les surmontant avec la puissance de la miséricorde de Dieu. »
Comem lectures patristique il propose un passage de Bède le Vénérable et un passage de Paschase Radbert.
Le Christ, compassion de Dieu
1) Dans le contact entre la main de Jésus et le lépreux, toute barrière entre Dieu et l’impureté humaine est brisée.
Le récit de l’Évangile d’aujourd’hui relate la rencontre entre Jésus et un lépreux. La rencontre de Jésus avec le lépreux est le type et le modèle de rencontre qu’il fait avec chaque homme qui est guéri et ramené à la perfection de l’image divine originelle et réadmis à la communion du peuple de Dieu.
Lors de cette rencontre (comme lors des autres rencontres avec d’autres lépreux), Jésus se manifeste comme porteur d’une vie nouvelle, d’une plénitude d’humanité perdue depuis longtemps. La législation mosaïque excluait, condamnait le lépreux, interdisait de l’approcher, de lui parler, de le toucher. Jésus, au contraire, se montre d’abord souverainement libre à l’égard de la loi ancienne : il s’approche, parle, touche et même guérit le lépreux ; il redonne à sa chair la fraîcheur de celle d’un enfant.
Au lépreux (et à chacun de nous qui a la lèpre du péché) qui Lui adresse une prière humble, « agenouillée » et confiante : « Si tu veux, tu peux me purifier » (Mc 1, 40), Jésus répond avec la profonde attitude de son âme : la compassion. Et « compassion » est un mot très profond qui signifie littéralement « souffrir avec l’autre ». Le cœur du Christ manifeste la compassion paternelle de Dieu pour cet homme, en se rapprochant de lui et en le touchant. Et ce détail est très important. Jésus « étendit la main, le toucha … et à l’instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié » (Mc 1, 41).
La miséricorde de Dieu surmonte toutes les barrières et la main de Jésus touche le lépreux. Il ne se met pas à une distance de sécurité sanitaire et n’agit pas par procuration, mais s’expose directement à la contagion de notre mal ; et ainsi c’est précisément notre mal qui devient le lieu de contact : Lui, Jésus, prend notre humanité malade et nous prenons de Lui son humanité saine et guérissante. Cela se produit chaque fois que nous recevons un sacrement avec foi : le Seigneur Jésus nous « touche » et nous donne sa grâce. Dans ce cas, la pensée va surtout vers le sacrement de réconciliation, qui nous guérit de la lèpre du péché. Une fois de plus, l’Évangile nous montre ce que Dieu fait face à notre mal : Dieu ne vient pas « donner une leçon » sur la douleur ; il ne vient même pas éliminer la souffrance et la mort du monde ; il en vient plutôt à prendre sur lui le poids de notre condition humaine, à la porter jusqu’au bout, à nous libérer de manière radicale et définitive. Ainsi, le Christ combat les maux et les souffrances du monde : en les prenant en charge et en les surmontant avec la puissance de la miséricorde de Dieu.
Donc, le Messie quitte Capharnaüm où il a commencé les premières guérisons, et va dans les villages voisins où il devait porter l’Évangile de miséricorde et de compassion. Dans le désert qui entourait ces petites villes de Galilée, il n’y avait certainement pas de sable, comme dans le Sahara, mais plutôt une nature si aride que personne ne voulait y vivre. C’était une région de passage, une terre inhospitalière. Mais cela ne signifie pas qu’il n’y avait personne parce que, parfois, l’homme vit là, justement, par choix ou à cause d’une faute ou parce que quelqu’un l’y a envoyé. C’est le cas du lépreux. Quand on avait été frappé de la lèpre, « le premier-né de la mort » (Job 18,13), on devait se tenir à l’écart et on ne pouvait s’approcher de personne parce que la loi de l’Ancien Testament prescrivait : « Le lépreux habitera à l’écart, sa demeure sera hors du camp » (Lv 13,46)[2]. Le lépreux était abandonné à lui-même, destiné à une mort lente, sujet d’opprobre parce qu’il était considéré comme un pécheur qui méritait d’avoir contracté une maladie repoussante, incurable et contagieuse.
Jésus, le Médecin venu pour guérir tous les malades, touche le lépreux et le guérit. Nos lois ne peuvent que reconnaître le mal et le condamner. Jésus, lui, le guérit.
L’impur, le châtié, l’intouchable devient une source d’émerveillement et d’Evangile. Mais pourquoi le Christ touche-t-il ce malade répugnant ? Puisqu’il guérit les malades par sa volonté et sa parole, pourquoi Jésus vient-il, en plus, le toucher de sa main ? « Je crois qu’il n’y pas d’autre raison que de montrer que rien n’est impur pour un homme pur. » (Saint Jean Chrysostome).
L’explication la plus profonde de ce miracle nous est donnée par l’exemple de François d’Assise. Saint François d’Assise, qui aimait le Christ jusqu’à lui ressembler physiquement dans ses stigmates, a baisé les lépreux. Pas toute de suite, bien sûr.
Thomas de Celano le confirme : « Au début, la seule vue des lépreux lui était tellement insupportable que dès qu’il apercevait leur habitation à deux milles de distance, il se bouchait le nez avec ses mains. Or, à l’époque où il avait déjà commencé, par la grâce et la vertu du Très-Haut, à nourrir des pensées saintes et saines tout en vivant dans le monde, un lépreux se présenta un jour devant lui : se faisant violence, il s’approcha de lui et l’embrassa. Dès lors, il décida de s’abaisser de plus en plus jusqu’à ce que la miséricorde du Rédempteur lui obtînt la victoire complète ». Il vécut ainsi non par peur, mais par amour parce qu’il était amoureux de Dieu. En fait, il le faisait avec son cœur « Quelque temps après, il voulut répéter ce geste : il se rendit à la léproserie et, après avoir donné de l’argent à chaque malade, il lui baisa la main et la bouche ».
Dans son testament, Saint François lui-même écrivit : « Le Seigneur m’a donné à moi, François, de commencer à faire pénitence de cette manière : quand j’étais dans le péché, il me semblait trop difficile de voir des lépreux ; et c’est le Seigneur lui-même qui me conduisit parmi eux et je leur montrai de la miséricorde. Et quand je les eus quittés, ce qui m’avait semblé si difficile s’est changé en douceur de l’âme et du corps. Ensuite, j’ai attendu un peu, puis j’ai quitté le monde “ (Sources franciscaines, 110). Dans les lépreux que rencontra François alors qu’il était encore « dans le péché » – comme il le dit – Jésus était là. Et quand François s’approcha de l’un d’eux, et surpassant son dégoût, le prit dans ses bras, Jésus le guérit de sa lèpre, c’est-à-dire de son orgueil, et le convertit à l’amour de Dieu. Voilà la victoire du Christ : notre profonde guérison et notre résurrection à une vie nouvelle.
Saint François d’Assise a montré et montre encore que l’Evangile n’est pas un conte de fées fait pour inspirer de bons sentiments et enseigner une morale, mais c’est le récit d’une Présence qui accomplit des miracles. Le miracle, pour Jésus, est la convergence de deux volontés bienveillantes ; le contact vivant entre la volonté de bonté de celui qui agit et la foi de celui qui est agi. La collaboration des deux forces. La concordance, la convergence de deux certitudes : une qui demande : « Si tu le veux, tu peux me guérir » et l’autre, purificatrice, qui guérit non seulement le corps mais aussi le cœur malade.
2) Jésus nous purifie de notre « lèpre »
Il n’a pas de nom ou de visage, le lépreux de l’Évangile, de sorte que chacun de nous peut s’identifier à lui. Sa voix exprime notre désir de santé physique et spirituelle. Discrètement il supplie : « Si tu le veux, guéris-moi ».
Le lépreux exprime ce désir parce que, plus ou moins consciemment, il se demande : « Qu’est-ce que Dieu veut de moi ? Que veut-Il de cette chair décrépite, de ce corps couvert de plaies, de ces années de douleur (pour ceux qui souffrent le temps de la maladie est toujours long). Les scribes de chaque époque répètent que la souffrance est la punition de nos péchés ou bien un maître de vie, ou encore la volonté incompréhensible de Dieu. La question du lépreux est « théologique » car à partir de son expérience de la souffrance, cet homme se tourne vers le Fils de Dieu –Amour. La foi du lépreux n’est pas théorique ou abstraite : elle est née d’un cœur qui bat et qui a compris que Dieu est le Dieu de la compassion. La douleur fait ressortir l’amour à partir duquel on est né.
Faisons nôtre cet appel du lépreux : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Il ne s’agit pas de notre pureté selon la Loi, mais de notre misère qui nous donne le droit de nous tourner vers le Seigneur, de l’invoquer et de tomber à genoux parce que nous reconnaissons sa divinité et son amour. Nous avons besoin de Dieu et de son amour. L’important, c’est de reconnaître notre mal et de vouloir guérir.
Et Jésus, saisi de compassion[3], nous touche. Pour Jésus, le lépreux (chacun de nous) n’est pas un cas à résoudre, mais c’est un couteau dans la chair. Pour lui, le lépreux n’est pas une question théorique à laquelle donner une réponse, mais un frère pour qui ses entrailles frémissent, comme celles d’une mère pour son enfant. Dieu a pour nous cette commisération maternelle qui génère des gestes, qui fait quasiment violence à la main, la fait se tendre, la fait toucher. Jésus touche le lépreux, sachant que, pour la loi mosaïque, toucher un lépreux rend impur. Pour lui, l’homme vaut plus que cette loi. Avec une caresse, qui purifie, le Rédempteur porte l’ancienne loi à son accomplissement grâce à la nouvelle loi de l’amour et de la liberté.
Dieu veut des enfants guéris pour l’éternité. A chacun de nous, comme au lépreux, à Lazare, à la fille de Jaïre, à la belle-mère de Simon, Jésus répète : je le veux, lève-toi, sois guéri.
Dieu est la santé et le salut, la guérison du mal de vivre. Nous ne savons pas quand et comment, mais nous savons, par la foi, qu’il renouvellera notre cœur, un battement après l’autre. Avec de la compassion, une caresse de Sa main, avec la force de sa voix tendre, Il nous arrache toujours et pour toujours à l’abîme de la douleur.
Un exemple actuel de cette compassion nous est donné par les Vierges Consacrées dans le monde. En vertu de cette consécration, elles sont appelées à être des témoins de la compassion de Dieu pour chaque frère et sœur. Si ces femmes, par le don total d’elles-mêmes, sont appelées à être dans la virginité pour servir Dieu dans la prière, en particulier dans la liturgie, elles sont, par ailleurs, appelées au service de la charité envers le prochain, qui consiste précisément en ceci qu’en Dieu et avec Dieu, elles aiment aussi la personne que l’on n’aime pas, dont la maladie inspire la répulsion. « Totalement consacrées à Dieu, elles sont entièrement données à leurs frères, pour apporter la lumière du Christ là où les ténèbres se font plus épaisses et pour répandre Son espérance dans les cœurs sans courage. Les personnes consacrées sont un signe de Dieu dans les différents domaines de la vie, elles sont ferment de croissance d’une société plus juste et plus fraternelle, elles sont prophétie de partage avec les pauvres et les petits. Ainsi comprise et vécue, la vie consacrée nous apparaît sous son jour véritable : un don de Dieu, un don de Dieu à l’Eglise, un don de Dieu à son peuple » (Pape François).
Lecture patristique
Saint Bède le Venérable (environ 672 – 25 mai 735)
Dans Evang. Marc., 2, 3-5
La guérison du paralytique, et le salut de l’âme
« Et ils se approchèrent de lui portant un paralytique qui a été porté par quatre hommes » (Mc 2,3).
La guérison de ce paralytique représente le salut de l’âme, qui, soupirant au Christ après la longue charnelle inertie de l’oisiveté, il a d’abord besoin de tout le monde à être élevé et éduqué au Christ, ce est l’aide de bons médecins qui inspirent l’espoir dans la guérison et intercèdent pour elle. Une bonne loi est rapporté que le paralytique a été menée par quatre personnes; soit parce qu’ils sont les quatre livres du saint Évangile que valider le mot et l’autorité de ceux qui répandent l’évangile, et parce qu’il ya quatre vertus qui infusent l’esprit de sécurité et lui mènent au salut. Ces vertus parlent quand nous louons la sagesse éternelle: « Temperance et elle enseigne la prudence et la justice, et le courage, dont il n!y a plus besoin d’eux pour les hommes dans la vie» (Sg 8,7). Certains, pénétrer la signification de ces noms, ils appellent ces vertus de prudence, le courage, la tempérance et la justice.
« Et ne pouvant pas l’amener devant Lui à cause de la foule, ils découvrirent le toit et le fairent descendre où il était» (Mc 2,4).
Souhaitent présenter le Christ au paralytique, mais ils sont entravés par la foule qui les pressait de tous côtés. Il arrive trop souvent à l’âme, après l’inertie de torpeur charnelle, qui se tourne vers Dieu et désirant être renouvelé par le médicament de la grâce céleste, est retardé par les obstacles des vieilles habitudes. Souvent, quand l’âme est immergé dans la douceur de la prière intérieure et divertit presque une douce conversation avec le Seigneur, vient la foule des pensées terrestres et empêche les yeux de l’esprit de voir Christ. Que devrions-nous faire dans de telles situations? Nous ne devons certainement pas rester en dehors et en bas où sont les foules; nous devons aller sur le toit de la maison dans laquelle le Christ enseigne, que nous tâtons pour atteindre les hauteurs de la Sainte Ecriture et de méditer jour et nuit, avec le psalmiste, la loi du Seigneur. « Comment pourra faire un jeune homme pour garder son sentier pur? En gardant – dit le Psalmiste – vos paroles « (Ps 118,9).
« Et ayant crée une ouverture, ils descendu le lit sur lequel été le paralytique» (Mc 2,4).
Découvert le toit, le malade est présenté devant Jésus: en effet, révélé les mystères des Écritures, nous parvennons à la connaissance du Christ, on revient à son humilité et la piété de la foi. Selon un autre évangéliste, n’est pas sans raison que la maison de Jésus apparaît couverte de tuiles, parce que, si quelqu’un déchire le voile de la lettre qui peut également apparaître une valeur non significative, vous trouverez la puissance divine grâce spirituelle. Retirez les tuiles à l’accueil de Jésus, dans l’humilité de la lettre est de découvrir le sens spirituel des mystères du ciel. Enfin, le fait que le malade est amené le long de son lit, signifie que nous devons connaître le Christ alors que nous sommes encore dans notre chair.
Lecture Patristique
Saint Paschase Radbert (v. 790-865)
Commentaire sur l’évangile de Matthieu, 5, 8, CCM 56 A, 475-476.
Le Christ guérit celui qui croit
Le Seigneur guérit chaque jour l’âme de tout homme qui l’implore, l’adore pieusement et proclame avec foi ces paroles : Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier (Mt 8,2), et cela quel que soit le nombre de ses fautes. Car celui qui croit du fond du cœur devient juste (Rm 10,10). Il nous faut donc adresser à Dieu nos demandes en toute confiance, sans mettre nullement en doute sa puissance.
Et si nous prions avec une foi pleine d’amour, nous bénéficions certainement, pour parvenir au salut, du concours de la volonté divine qui agit en proportion de sa puissance et qui est capable de produire son effet. C’est la raison pour laquelle le Seigneur répond aussitôt au lépreux qui le supplie : Je le veux (Mt 8,3). Car, à peine le pécheur commence-t-il à prier avec foi, que la main du Seigneur se met à soigner la lèpre de son âme.
Ce lépreux nous donne un conseil excellent sur la façon de prier. Ainsi ne met-il pas en doute la volonté du Seigneur, comme s’il refusait de croire en sa bonté. Mais, conscient de la gravité de ses fautes, il ne veut pas présumer de cette volonté. Quand il dit que le Seigneur, s’il le veut, peut le purifier, il fait bien d’affirmer ainsi le pouvoir qui appartient au Seigneur, de même que sa foi inébranlable. Car, pour obtenir une grâce, la foi pure et vraie est à bon droit requise tout autant que la mise en œuvre de la puissance et de la bonté du Créateur.
Par ailleurs, si la foi est faible, elle doit d’abord être fortifiée. C’est alors seulement qu’elle révélera toute sa puissance pour obtenir la guérison de l’âme et du corps. L’apôtre Pierre parle sans aucun doute de cette foi quand il dit : Il a purifié leurs cœurs par la foi (Ac 15,9). Si le cœur des croyants est purifié par la foi, nous devons entendre par là la force de la foi, car, comme le dit l’apôtre Jacques, celui qui doute ressemble au flot de la mer (Je 1,6).
Mais la foi pure, vécue dans l’amour, maintenue par la persévérance, patiente dans l’attente, humble dans son affirmation, ferme dans sa confiance, pleine de respect dans sa prière et de sagesse dans ce qu’elle demande, est certaine d’entendre en toute circonstance cette parole du Seigneur : Je le veux.
En ayant présente à l’esprit cette réponse admirable, nous devons regrouper les mots selon leur sens. Aussi bien le lépreux a-t-il dit pour commencer : Seigneur, si tu le veux, et le Seigneur : Je le veux. Le lépreux ayant ajouté : Tu peux me purifier, le Seigneur ordonna avec la puissance de sa parole : Sois purifié (Mt 8,2-3). Vraiment, tout ce que le pécheur a proclamé dans une vraie confession de foi, la bonté et la puissance divine l’ont aussitôt accompli par grâce.
Un autre évangéliste précis que l’homme qui recouvra la santé était tout couvert de lèpre (Lc 5,12), afin que personne ne perde confiance en raison de la gravité de ses fautes. Car tous les hommes sont pécheurs, ils sont tous privés de la gloire de Dieu (Rm 3,23).
C’est pourquoi, si nous croyons à bon droit que la puissance de Dieu est à l’œuvre partout, nous devons le croire également de sa volonté. Il veut, en effet, que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité (1Tm 2,4).
[1] Un lépreux vint trouver Jésus; il tombe à ses genoux et le supplie: « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Pris de pitié devant cet homme, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. » A l’instant même, sa lèpre le quitta et il fut purifié. Aussitôt Jésus le renvoya avec cet avertissement sévère : « Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre. Et donne pour ta purification ce que Moïse prescrit dans la Loi : ta guérison sera pour les gens un témoignage. » Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et répandre la nouvelle, de sorte qu’il n’était plus possible à Jésus d’entrer ouvertement dans une ville. Il était obligé d’éviter les lieux habités, mais de partout on venait à lui. (Mc 1,40-45)
[2] La première et la deuxième lecture de ce jour nous placent devant ce qui a été pendant des siècles un véritable cauchemar, un spectre horrible causant répulsion et terreur : la lèpre.
Le premier texte est extrait du Lévitique, en particulier des chap. 13-14, qui traitent de la lèpre dans les moindres détails : le chap.13 en décrit la typologie, et plus largement, dans ses diverses manifestations ( la Mishnah, repertoire des commentaires traditionnels de la Loi de l’Ancien Testament, en aurait identifié 72) des maladies de la peau, dont la plupart étaient guérissables; le chap.14 expose le rituel de la purification des lépreux et des maisons infestées. Il ne fait pas de doute que c’est un souci d’hygiène qui inspire un comportement communautaire vigilant pour ce qui est des maladies contagieuses. Les prêtres étaient habilités à examiner le malade et à décider s’il était contagieux, en faisant une déclaration d”impureté” (chap.13,a.3); ces mêmes prêtres auraient, plus tard, certifié sa guérison (chap.14, v;1-4). Dans les sociétés antiques , les précautions légales constituaient la seule défense à l’égard des maladies contagieuses, surtout celles qui ne pouvaient pas guérir; d’où les réglementations inflexibles exposées au chap. 13 (v.45-46): le lépreux atteint de cette plaie portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre, il se couvrira le haut du visage jusqu’aux lèvres, et il criera: “Impur! Impur!” Tant qu’il gardera cette plaie il sera impur. C’est pourquoi il habitera à l’écart, sa demeure sera hors du camp.”
[3] Le verbe grec, que l’on traduit par « saisi de compassion » signifie que l’on est pris aux entrailles, que l’on com-patit, que l’on souffre-avec.