Une centaine de jeunes de diverses religions et origines vont se pencher sur la nouvelle encyclique du pape François sur l’amitié sociale, Fratelli tutti : des journées d’études devraient avoir lieu en 2021, a précisé le juge Mohamed Mahmoud Abdel Salam, secrétaire général du Haut Comité pour la fraternité humaine, lors d’une conférence de presse présentant le document du pape, ce 4 octobre 2020, au Vatican.
Ces rencontres se feront à Rome, à Abou Dhabi – où le pape et l’imam d’Al-Azhar ont signé le document sur la Fraternité Humaine, et en Egypte. Il s’agira, a expliqué Mohamed Mahmoud Abdel Salam, « de réfléchir, étudier et engager une discussion libre et approfondie » afin que les jeunes deviennent « des messagers » de l’encyclique, des « acteurs » de son appel à la fraternité.
En signant le Document sur la Fraternité humaine en février 2019 à Abou Dhabi, a souligné le secrétaire général, le pape François et le grand imam d’Al-Azhar sont devenus « un nouvel emblème, un nouveau drapeau qui distingue non pas un pays particulier ni un peuple spécifique, mais le symbole puissant d’une idée noble, celle de la ‘Fraternité Humaine' ».
« En tant que jeune musulman ayant étudié la Charia de l’Islam et ses sciences, je me trouve – avec beaucoup d’amour et d’enthousiasme – d’accord avec le pape, et je partage chaque mot écrit dans cette Encyclique, a-t-il confié. Je suis, avec satisfaction et espérance, toutes les suggestions qu’il avance dans le souci de voir renaître la fraternité humaine. »
Et d’insister : « La fraternité universelle est toujours – hier, aujourd’hui et demain – une nécessité absolue pour le monde entier, essentielle au salut. Parce qu’elle donnera naissance à une civilisation heureuse et équilibrée, dont l’essence est l’être humain, quelle que soit la couleur de sa peau, son sexe, sa langue ou sa religion. »
Voici le texte de présentation du secrétaire général, traduit par le Saint-Siège.
AK
Intervention de Mohamed Mahmoud Abdel Salam
Au nom d’Allah le miséricordieux
Honorables invités!
Que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur vous.
Certaines villes et certains peuples sont connus pour un monument devenu emblématique ; par exemple, la ville Rome, est connue pour la coupole de Saint Pierre, ici au Vatican. Londres a sa célèbre tour de l’horloge Big Ben, et Paris la Tour Eiffel qui s’élève vers le ciel. New York est connue pour la statue de la Liberté et le Caire pour ses Pyramides, les minarets d’Al-Azhar et les clochers de ses églises.
Récemment, deux «monuments» du Christianisme et de l’Islam sont venus enrichir ces symboles par un nouveau pilier de vérité, de bien-être, de liberté et de fraternité. Quand on mentionne «La Fraternité Humaine», les esprits libres et les cœurs clairvoyants se tournent vers le pape François et vers le Grand Imam Ahmad Al Tayyeb, Cheikh d’Al-Azhar Al-Charif: deux personnalités qui sont devenues, ensemble, un nouvel emblème, un nouveau drapeau qui distingue non pas un pays particulier ni un peuple spécifique, mais le symbole puissant d’une idée noble, celle de la «Fraternité Humaine». Dieu, dans Sa miséricorde à l’égard des personnes, a placé ces deux illustres personnalités au service de ces nobles valeurs de l’humanité.
Mesdames et messieurs:
Si la loi de la vie dans les créatures est la croissance et le renouvellement, alors la vie n’a pas de sens sans la pensée et sans la créativité; elle est sèche et elle s’arrête. Et ce que nous sommes en train de voir au Vatican, à commencer par la plus haute autorité, prouve que, tous comptes faits, nous avançons dans la bonne direction et que la pensée créative et innovatrice qui sous-tend une nouvelle vision se projette vers des horizons plus vastes et ambitieux dans le temps et dans l’espace.
Après avoir signé le «Document sur la Fraternité Humaine», le pape François a poursuivi son chemin. C’est ainsi que sont nées ses réflexions sur la réalité des nations, des réflexions qui certaines ont été publiquement exprimées, d’autres pas. La quête de bonheur des nations exige un engagement dont les contours sont difficiles à délimiter en raison des différents niveaux impliqués et à cause des intérêts et des politiques en jeu et des conflits entre les États et les peuples, autant de problématiques qui mettent à dure épreuve les consciences et les volontés. En partant de ces constatations et grâce à son intuition limpide, le pape a écrit des paroles claires et courageuses, qui ne craignent que Dieu, parlant de la tragédie vécue par les personnes faibles, épuisées et désespérées et il a prescrit un traitement pour cette maladie incurable qui a frappé à mort notre civilisation moderne. Ce qui a donné naissance à l’Encyclique que nous célébrons aujourd’hui.
Bien que j’aie été témoin de la plupart des étapes de la marche de la Fraternité Humaine parcourue au cours de la dernière décennie par le Pape et l’Imam, lorsque j’ai lu cette encyclique sur «la Fraternité et l’Amitié sociale», j’ai perçu dans ses lignes un goût raffiné, une sensibilité incisive et la capacité d’exprimer les thématiques de la Fraternité Humaine d’une manière qui puisse parler au monde entier; c’est un appel à la concorde adressé à un monde en pleine discorde, c’est un message clair en faveur d’une harmonie individuelle et collective, avec les lois de l’univers, du monde et de la vie. Il s’agit d’une argumentation fondée sur des raisonnements clairs basés sur les vérités applicables concrètement et sur un terrain solide.
Honorables invités!
En tant que jeune musulman ayant étudié la Charia de l’Islam et ses sciences, je me trouve – avec beaucoup d’amour et d’enthousiasme – d’accord avec le pape, et je partage chaque mot écrit dans cette Encyclique. Je suis, avec satisfaction et espérance, toutes les suggestions qu’il avance dans le souci de voir renaître la fraternité humaine.
Dans cette Encyclique, le pape met en garde, sans équivoque, contre les idéologies imprégnées d’égoïsme et de perte du sens social, qui sont à l’œuvre sous couvert de présumés intérêts nationaux et il lance un avertissement contre les dangers de la globalisation et ses conséquences, qui nous ont peut-être rapprochés mais qui certainement ne nous ferons pas devenir frères.
J’ai lu avec une joie immense la sévère critique du pape à l’égard de ce que nous pourrions appeler «la fin de la conscience de l’histoire», notamment de la dangereuse brèche culturelle que représente cette théorie, basée sur le démantèlement de l’héritage culturel, et la naissance de générations qui méprisent leur propre patrimoine et leur propre histoire avec toute sa richesse spirituelle.
Le pape est admirable quand il met en garde les peuples face aux nouvelles formes de colonialisme qui savent habilement manipuler des concepts extrêmement importants et sensibles comme la démocratie, la liberté, la justice et l’unité en les utilisant comme des outils de contrôle, de domination et d’arrogance, en les vidant de leur sens, parfois même pour justifier leur action.
Comme il fait preuve de créativité sur le versant des droits de l’homme quand il met en relief les nouvelles formes d’injustice et d’exploitation de l’homme et de négation de sa dignité, l’injustice à l’égard des femmes, et les conditions s’apparentant à l’esclavage dans lesquelles vivent tant de personnes aujourd’hui. Le pape considère, à juste titre, que les persécutions pour des motifs religieux ou ethniques, et les autres violations de la dignité humaine sont des aspects d’une «troisième guerre mondiale par morceaux».
Que le pape est grand quand il affronte à la racine la question des immigrés et des réfugiés, en réaffirmant que la dignité humaine est tombée à la frontière entre l’Europe et le tiers monde.
Le pape a voulu aborder aussi l’évènement crucial de notre époque, la pandémie de coronavirus et les autres fléaux de notre temps. Ainsi, il a appelé à une réflexion sur nos modes de vie et à l’organisation de nos sociétés.
Contrairement à mon habitude lorsque je prépare une intervention écrite, je me suis retrouvé en harmonie avec les paroles du pape. J’ai été conquis par sa franchise et par la clarté des passages que j’ai cités. Et ce n’est qu’une petite partie de cette pensée libre qui fait sienne la cause de l’homme et ses problèmes en Orient comme en Occident. Je suis convaincu que cette Encyclique, avec le Document sur la Fraternité Humaine, feront redémarrer le train de l’histoire qui s’est arrêté à la gare de l’ordre mondial, enraciné dans l’irrationalité, avec ses injustices, son orgueil et sa violence coloniale. J’espère que cette Encyclique, avec le Document sur la Fraternité Humaine, constitueront un élément de dissuasion à l’égard du mensonge sous toutes ses formes et expressions, et qu’ils puissent être la base, ou le facteur le plus déterminant, de la naissance d’un nouvel ordre mondial, fondé sur le caractère sacré de la dignité et des droits de l’homme – pour reprendre les paroles du pape – et non sur le mépris, l’exploitation et l’asservissement de l’homme. Je souhaite aussi que cette Encyclique arrive dans les mains des politiques et des décideurs afin qu’elle les aide à sortir de l’état irraisonnable dans lequel le monde se trouve aujourd’hui.
Peut-on maintenant concrétiser ces belles idées et ces nobles concepts? Je pense que c’est possible; puisque les personnes justes veulent le bien et le soutiennent.
Dans le but d’apporter une modeste contribution en ce sens, j’ai envisagé avec mes collègues du Comité Supérieur pour la Fraternité Humaine la mise en place d’un forum pour 100 jeunes du monde entier, et la tenue de journées d’étude consacrées à cette Encyclique, certaines ici à Rome, et d’autres à Abu Dhabi, le pays où a été promulgué le document sur la Fraternité Humaine, mais aussi en Egypte, le pays où se trouve Al-Azhar, pour offrir aux participants l’opportunité de réfléchir, étudier et engager une discussion libre et approfondie. Ainsi, l’Encyclique atteindra des jeunes, appartenant à différentes religions et races, avec l’espoir que cela constitue un pas dans la bonne direction, vers une fraternité humaine globale.
Mesdames et messieurs!
En cette période cruciale de l’histoire de l’humanité, nous sommes au carrefour entre un monde de fraternité universelle capable de faire le bonheur de l’humanité, et un monde de grande misère qui augmentera la souffrance et les privations des hommes. Le chemin de la Fraternité est un chemin à la fois ancien et nouveau, qui se renouvelle et que l’on parcourt à l’ombre des valeurs spirituelles et morales, gouverné par l’équilibre et l’harmonie entre la science et la foi, entre ce monde et la vie à venir. Il est donc impératif que nous agissions ensemblesur le chemin de la fraternité, de la connaissance réciproque et de la coopération pour atteindre le but de nos objectifs communs: le bien de l’humanité entière.
Nous sommes en faveur de l’unification des énergies religieuses pour affronter la discrimination, le racisme et la haine. Et dans le même temps, nous travaillons en faveur de la consolidation de notre propre doctrine, de l’approfondissement de ce qui nous caractérise pour éviter la désunion et la désagrégation. C’est l’approche de toute personne fidèle à sa propre religion.
En effet, la fraternité universelle est toujours – hier, aujourd’hui et demain – une nécessité absolue pour le monde entier, essentielle au salut. Parce qu’elle donnera naissance à une civilisation heureuse et équilibrée, dont l’essence est l’être humain, quelle que soit la couleur de sa peau, son sexe, sa langue ou sa religion.
Pour conclure, Je m’adresse à Sa Sainteté le Pape François et au Grand Imam d’Al-Azhar:
« Vos efforts et votre lutte pour parvenir à la coexistence humaine et à la fraternité mondiale, qui ont culminé avec le Document sur la Fraternité Humaine, que vous avez annoncé – dans une scène sans précédent de notre histoire moderne – l’année dernière à Abu Dhabi, ont représenté un tournant dans le monde arabe et musulman, un rayon de lumière pour le monde entier. Chaque jour, nous voyons des jeunes se rallier autour des principes de fraternité et de coexistence, et nous assistons à une ouverture sans précédent dans les relations entre les fidèles des religions. En effet, beaucoup de ceux qui ont l’esprit fermé envers les fidèles appartenant à une autre religion ont commencé à revoir leur manière de penser.
Avec mes collègues du Comité Supérieur de la Fraternité Humaine, nous vous promettons de continuer à travailler avec dévouement pour transformer ce Document en une réalité pour tous, à travers les initiatives concrètes et ambitieuses, auxquelles le Comité travaille, avec le soutien sincère de Son Altesse Cheikh Mohammed Bin Zayed -le Prince héritier d’Abu Dhabi- ce leader arabe authentique, qui reste fidèle à l’engagement qu’il a pris avec vous d’activer les principes du Document sur la Fraternité Humaine, afin qu’il puisse porter les fruits escomptés en faveur de chaque personne sur la face de la terre, quelle que soit sa religion, son sexe ou sa race.
Merci, Sainteté, pour ce message papal fort et audacieux.
Traduction de travail du Saint-Siège