« On ne pouvait pas faire la différence entre hommes et femmes », témoigne une survivante de la bombe atomique du 6 août 1945, devant le pape François.
Au Mémorial de la paix d’Hiroshima, où le pape s’est rendu ce 25 novembre 2019, Yoshiko Kajimoto a raconté le drame du bombardement, qui a causé la mort de ses amis et de ses parents, à plus ou moins long terme.
Témoignage de Yoshiko Kajimoto
Je m’appelle Yoshiko Kajimoto. Quand nous avons été bombardés j’avais 14 ans et j’étais une étudiante de quatrième. A l’époque je me trouvais à 2,3 kilomètres au nord de l’épicentre, et je travaillais à la production de parties d’hélices des avions.
Au moment où une lumière bleue a traversé la fenêtre, j’ai tout de suite pensé à une bombe. Puis l’usine s’est écroulée bruyamment et je me suis évanouie. Je suis revenue à moi parmi les cris de mes compagnons, mais il faisait sombre et je n’arrivais pas à bouger parce que j’étais ensevelie sous les décombres. Je me suis alors rendue compte qu’une amie était ensevelie sous moi, je l’ai appelée pour savoir si elle était vivante. J’ai essayé de m’échapper, mais j’avais le pied bloqué par un bout de bois. Quand finalement j’ai réussi à me libérer, mon tibia était blessé et saignait abondamment.
Quand je suis sortie, tous les édifices alentours étaient détruits. Il faisait sombre comme si c’était déjà le soir et ça puait comme le poisson pourri. Un incendie se déclara très vite dans le quartier et les compagnons qui ne pouvaient pas marcher furent évacués sur des civières. J’ai aidé moi-même à en porter une.
Le long du chemin, il y avait des personnes qui marchaient côte à côte comme des fantômes ; des personnes dont le corps était si brûlé qu’on ne pouvait pas faire la différence entre hommes et femmes, les cheveux dressés, les visages bouffis, les lèvres pendantes, les mains tendues et la peau brûlée qui pendait. Personne en ce monde ne peut imaginer une scène si infernale.
Les jours suivants, les cadavres ont commencé à pourrir et un fleuve blanc envelopper tout : Hiroshima était devenue un four crématoire. Pendant longtemps je n’ai pas réussi à enlever la mauvaise odeur de mon corps et de mes vêtements. Trois jours plus tard, sur la route vers ma maison, j’ai rencontré mon père par hasard. Il m’avait cherchée pendant trois jours et il supposait que j’étais morte. Il était vraiment heureux. Cependant, mon père a été exposé aux radiations et après un an et demi il a commencé à vomir du sang et il mourut. Quand j’arrivais chez moi j’avais de la fièvre et mes gencives saignaient.
Ma mère est morte à cause des effets de la bombe atomique après en avoir souffert pendant 20 ans. Deux tiers de mon estomac ont été enlevés à cause du cancer en 1999. La plupart de mes amis sont morts à cause du cancer. En outre à cause des radiations, 74 ans après le souffre de leucémie et de cancer.
Je travaille dur pour témoigner que nous ne devons jamais utiliser de telles bombes atomiques terribles ni permettre que personne au monde ne supporte une telle souffrance.
Traduction de Zenit, Anne Kurian
Mémorial de la paix, Hiroshima, Japon, 24 novembre 2019 © Vatican Media
Hiroshima : "On ne pouvait pas faire la différence entre hommes et femmes", témoignage
Une survivante de la bombe atomique témoigne devant le pape François