Dédicace de la basilique du Latran, capture @ Vatican Media

Dédicace de la basilique du Latran, capture @ Vatican Media

Le pape François parle à son diocèse (traduction complète)

« Personne n’est condamné sur cette terre à être séparé à jamais de Dieu »

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Le pape François invite son diocèse à annoncer l’Evangile avec espérance: « Personne, même blessé par le mal, n’est condamné sur cette terre à être séparé à jamais de Dieu. De manière souvent mystérieuse mais réelle, le Seigneur ouvre de nouvelles perspectives aux cœurs, aux désirs de vérité, de bonté et de beauté ».
Le pape a présidé la messe de la fête de la dédicace de la basilique papale du Latran, sa cathédrale, ce samedi 9 novembre 2019, à 17h30.
L’ordinaire de la messe, nouvelle composition, aux accents des choeurs slaves, accompagnait la célébration, chanté par des séminaristes de trois séminaires romains.
Le  pape invite son diocèse à ne pas entretenir d’angoisse de « performance » mais à agir avec  » légèreté spirituelle » et à « saisir la présence et l’action de Dieu dans la ville. C’est une contemplation qui naît de l’amour. »
Il ne faut pas se laisser « bloquer », car les blocages face à l’Evangile sont toujours limités: « Il ne faut pas se laisser bloquer, mais plutôt garder la conviction que Dieu a besoin de trois jours pour ressusciter son Fils dans le cœur de l’homme ».
Pour le pape, les chrétiens qui vivent à Rome « ressemblent au fleuve qui coule du temple: ils apportent une Parole de vie et d’espérance capable de rendre féconds les déserts des cœurs, comme le torrent décrit dans la vision d’Ezéchiel ».
A 17h, le pape avait rendu hommage aux victimes de la misère, sur le parvis de la basilique, en priant, avec des représentants d’ATD-Quart Monde, la prière universelle du p. Joseph Wresinski, composée pour la messe du 17 octobre 1987, en la cathédrale Notre-Dame de Paris.
La « dalle » en l’honneur des « victimes de la misère » a été placée là sous le pontificat de Jean-Paul II et elle rappelle la Dalle du parvis des droits de l’homme du Trocadéro, à Paris, où Jean-Paul II s’est arrêté le 21 août 1997, rendant hommage au p. Wresinski, fondateur d’ATD.
A la fin de la célébration, le pape a imposé les mains aux forces vives de son diocèse pour qu’il soit renouvelé dans les dons de l’Esprit Saint et le zèle à annoncer l’Evangile. Puis il est allé confier son diocèse à la Vierge Marie, par une prière à « la Vierge de l’écoute » qui est aussi la « Vierge de l’action », avant le chant du Salve Regina.
Le diocèse a offert au pape François un livre regroupant des enseignements sur son exhortation apostolique « Exultate et gaudete »: « La sainteté est le visage le plus beau de l’Eglise. Un itinéraire à la lumière de Gaudete et exsultate« .
Laudate et exsultate, receuil d'enseignements @ LIbrairie éditrice du Vatican

Laudate et exsultate, recueil d’enseignements @ Librairie éditrice du Vatican

Voici notre traduction, rapide, de travail, de l’homélie du pape François, prononcée en italien.
AB
Chant du Salve Regina, capture @ Vatican Media

Chant du Salve Regina, capture @ Vatican Media

Homélie du pape François
Ce soir, je voudrais tirer de la Parole de Dieu trois versets à vous donner afin que vous puissiez en faire l’objet de votre méditation et de votre prière.
Le premier, je sens qu’il s’adresse à tous, à toute la communauté diocésaine de Rome. C’est le verset du psaume responsorial: « Un fleuve et ses canaux encouragent la cité de Dieu » (46,5). Les chrétiens qui vivent dans cette ville ressemblent au fleuve qui coule du temple: ils apportent une Parole de vie et d’espérance capable de rendre féconds les déserts des cœurs, comme le torrent décrit dans la vision d’Ezéchiel (cf. ch. 47) féconde le désert de l’Araba et purifie les eaux salées et sans vie de la mer Morte. L’important c’est que le ruisseau sorte du temple et se dirige vers des terres d’apparence hostile. La ville ne peut que se réjouir lorsqu’elle voit les chrétiens devenir de joyeux annonceurs, déterminés à partager avec d’autres les trésors de la Parole de Dieu et à œuvrer pour le bien commun. La terre qui semblait destinée à l’aridité pour toujours révèle un potentiel extraordinaire: elle devient un jardin avec des arbres à feuillage persistant, et des feuilles et des fruits dotés d’un pouvoir médicinal. Ezéchiel explique la raison de tant de fécondité: « Leurs eaux coulent du sanctuaire » (47,12). Dieu est le secret de cette nouvelle force de vie!
Puisse le Seigneur se réjouir de nous voir en mouvement, prompts à écouter de tout son cœur ses pauvres qui crient vers lui. Que l’Eglise mère de Rome puisse éprouver la consolation de voir une fois de plus l’obéissance et le courage de ses enfants pleins d’enthousiasme pour cette nouvelle saison d’évangélisation. Rencontrer les autres, entrer en dialogue avec eux, les écouter avec humilité, gratuité et pauvreté de cœur … Je vous invite à vivre tout cela non pas comme un effort pesant, mais avec une légèreté spirituelle: au lieu de se perdre dans des angoisses de performance, il est plus important d’élargir la perception pour saisir la présence et l’action de Dieu dans la ville. C’est une contemplation qui naît de l’amour.

À vous, prêtres, je veux dédier un verset de la deuxième lecture, de la Première lettre aux Corinthiens: « Nul ne peut poser un fondement autre que celui qui existe déjà, à savoir Jésus-Christ » (3,11). Telle est votre tâche, le cœur de votre ministère: aider la communauté à rester toujours aux pieds du Seigneur pour écouter la Parole; l’éloigner de toute mondanité, des mauvais compromis; garder le fondement et la racine sainte de l’édifice spirituel; la défendre des loups voraces, de ceux qui voudraient la faire dévier de la voie de l’Évangile. Comme Paul, vous êtes aussi de « sages architectes » (cf. 3, 10), sages parce que bien conscients que toute autre idée ou réalité que nous voudrions placer comme fondement de l’Église ,à la place de l’Évangile, pourrait peut-être nous garantir plus de succès, peut-être des gratifications immédiates, mais impliquerait inévitablement l’effondrement de tout l’édifice spirituel!

Depuis que je suis évêque de Rome, j’ai appris à connaître de plus près beaucoup d’entre vous: j’admire votre foi et votre amour pour le Seigneur, votre proximité des personnes et votre générosité dans le soin des pauvres. Vous connaissez les quartiers de la ville comme personne et vous gardez dans votre coeur les visages, les sourires et les larmes de tant de personnes. Vous avez mis de côté les oppositions idéologiques et les « protagonismes » personnels pour faire place à ce que Dieu vous demande. Le réalisme de qui a les pieds sur terre et qui sait « comment vont les choses de ce monde » ne vous a pas empêchés de voler haut avec le Seigneur et de rêver grand. Que Dieu vous bénisse. Puisse la joie de l’intimité avec lui être la récompense la plus vraie pour tout le bien que vous faites quotidiennement.
Et enfin un verset pour vous, membres des équipes pastorales, qui êtes ici pour recevoir une mission particulière de l’évêque. Je ne pouvais le choisir que dans l’Évangile (Jn 2, 13-22), où Jésus se comporte d’une manière divinement provocatrice. Afin de secouer le caractère obtus des hommes et de les amener à opérer des changements radicaux, Dieu choisit parfois d’agir avec force pour rompre la situation. Par son action, Jésus veut produire un changement de rythme, une inversion de direction. Beaucoup de saints ont eu le même style: certains de leurs comportements, incompréhensibles pour une logique humaine, étaient le résultat d’intuitions suscitées par l’Esprit et visaient à provoquer leurs contemporains et à les aider à comprendre que « mes pensées ne sont pas vos pensées », dit Dieu par le prophète Isaïe (55,8).

Pour bien comprendre l’épisode évangélique d’aujourd’hui, il faut souligner un détail important. Les vendeurs étaient dans le parvis des païens, un endroit accessible aux non-Juifs. Ce parvis avait même été transformé en marché. Mais Dieu veut que son temple soit une maison de prière pour tous les peuples (cf. Is 56,7). D’où la décision de Jésus de renverser les tables des changeurs et de chasser les animaux. Cette purification du sanctuaire était nécessaire pour qu’Israël redécouvre sa vocation: être une lumière pour tous les peuples, un petit peuple choisi pour servir le salut que Dieu veut donner à tous. Jésus sait que cette provocation lui coûtera très cher. Et quand ils lui demandent: « Quel signe nous montre-tu pour faire ces choses? » (v. 18), le Seigneur répond en disant: « Détruisez ce temple et en trois jours je le relèverai » (v. 19).

Et c’est précisément le verset que je veux vous confier ce soir, à vous, équipes pastorales. Vous avez pour tâche d’aider vos communautés et vos agents pastoraux à rejoindre tous les habitants de la ville, en identifiant de nouveaux moyens de rencontrer ceux qui sont loin de la foi et de l’Église. Mais, en accomplissant ce service, amenez-y cette conscience, cette confiance: il n’y a pas de cœur humain dans lequel Christ ne veuille pas et ne puisse pas renaître. Dans nos vies de pécheurs, nous nous trouvons souvent en train de nous détourner du Seigneur et d’éteindre l’Esprit. Nous détruisons le temple de Dieu qui est chacun de nous. Pourtant, ce n’est pas une situation définitive: il faut trois jours au Seigneur pour reconstruire son temple en nous!

Personne, même blessé par le mal, n’est condamné sur cette terre à être séparé à jamais de Dieu. De manière souvent mystérieuse mais réelle, le Seigneur ouvre de nouvelles perspectives aux cœurs, des désirs de vérité, de bonté et de beauté qui ouvrent l’espace à l’évangélisation. On peut parfois rencontrer des méfiances et de l’hostilité: il ne faut pas se laisser bloquer, mais plutôt garder la conviction que Dieu a besoin de trois jours pour ressusciter son Fils dans le cœur de l’homme. C’est aussi l’histoire de certains d’entre nous: des conversions profondes, fruit de l’action imprévisible de la grâce! Le Concile Vatican II dit dans Gaudium et spes: « Le Christ est mort pour tous et la vocation ultime de l’homme est effectivement une, divine; nous devons donc soutenir que le Saint-Esprit donne à tous la possibilité d’être associé, comme Dieu le sait, au mystère pascal » (n. 22).
Que le Seigneur nous donne de faire l’expérience de tout cela dans notre action d’évangélisation. Puissions-nous grandir dans la foi dans le mystère pascal et être associés à son « zèle » pour notre maison. Bonne route!
Copyright de la traduction – Zenit, Anita Bourdin
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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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