Interpréter la mort comme une « nouvelle naissance »: c’est la lecture de Mgr Francesco Follo, pour les lectures de la messe de dimanche prochain, 10 novembre 2019 (XXXIIème Dimanche du Temps Ordinaire – Année C).
L’observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris (France) exprime le souhait que ces lectures aident à « comprendre que croire à la résurrection de la chair c’est croire que notre vocation est une vocation à la vie maintenant et pour toujours ».
La vie nouvelle : don du Dieu des vivants
1-La mort est une nouvelle naissance.
Aujourd’hui la liturgie de la Parole de Dieu nous présente la vérité de la foi de la résurrection. Foi que nous professons en priant le « Je crois » : « Nous attendons la résurrection des morts et la vie du monde à venir ». Beaucoup de monde ne croit pas à cette vérité et, au temps de la vie du Christ, c’étaient les Sadducéens qui ne croyaient pas en la résurrection finale : ils font de l’ironie sur ce sujet avec Jésus qui leur donne une réponse claire. Nous la verrons dans le deuxième paragraphe. Pour l’instant, je propose des réflexions préliminaires.
Dans une Audience générale le Pape François a rappelé que croire en la résurrection de la chair ne change pas seulement le moment de notre mort, mais change notre vie : « Si nous étions capables d’avoir cette réalité plus présente à nous, nous serions moins fatigués par la vie quotidienne, moins prisonniers de l’éphémère et plus disposés à marcher avec un cœur de miséricorde sur le chemin du salut ». Et quant à la question que nous nous posons tous, sur ce qui signifie ressusciter, le Saint-Père insiste sur le fait que Dieu « restituera vraiment la vie à notre corps en le réunissant à l’âme… Nos corps seront transfigurés en corps glorieux. Ceci n’est pas un mensonge ! Nous croyons que Jésus est ressuscité, que Jésus est vivant en ce moment. Et si Jésus est vivant, pensez-vous qu’il nous laissera mourir et il ne nous ressuscitera pas ? Non ! Lui, il nous attend, et parce qu’il est ressuscité la force de sa résurrection nous ressuscitera tous… La transfiguration de notre corps est préparée en cette vie par la relation avec Jésus, dans les Sacrements, spécialement l’Eucharistie. Nous qui en cette vie nous sommes nourris de son Corps et de son Sang, ressusciterons comme lui, avec lui et par lui … Nous avons en nous-mêmes une semence de résurrection en tant qu’anticipation de la résurrection pleine que nous recevrons en héritage… Le corps de chacun de nous est résonance d’éternité, donc il doit être toujours respecté ». Ces considérations nous rappellent à la responsabilité et, en même temps, nous donne l’espérance. « Nous sommes en chemin vers la résurrection. Voir Jésus, rencontrer Jésus : c’est notre joie, c’est notre destin ! » C’est un destin de vie que Dieu nous a donné.
Dans l’évangile d’aujourd’hui, mais aussi dans celui de Matthieu et de Marc, Jésus prouve le fait de la résurrection en disant: Dieu est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob (cf Mt 22: 31-32; Mc 12: 26-27; Lc 20: 37-38) : En disant cela, la Bible nous dit que Dieu n’est pas Dieu des morts. Si Dieu est Dieu de d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, cela signifie qu’ils sont vivants. Celui qui est inscrit dans le nom de Dieu participe à la vie de Dieu, il vit. Ainsi, croire est être inscrit dans le nom de Dieu, et nous sommes vivants. Celui qui appartient au nom de Dieu n’est pas une personne morte, il appartient au Dieu vivant. Dans ce sens, nous devons comprendre le dynamisme de la foi, qui consiste à inscrire notre nom dans le nom de Dieu et à entrer ainsi dans la vie. Elevons notre prière vers le Christ afin que cela se produise, que nous connaissions vraiment Dieu à travers nos vies, que notre nom puisse entrer dans le nom de Dieu et que notre existence devienne vraie vie: vie éternelle, amour et vérité.
2-La vie ne nous est pas enlevée, mais transformée.
Certains sadducéens 1 vont chez Jésus (Lc 20,27-38) afin de le mettre contre les Ecritures Sacrées et peut-être aussi parce que leur cœur est attiré par Jésus
Tous s’approchent de Jésus, même avec des intentions différentes. Aujourd’hui, les personnes appartenant à ce courant politico-religieux, qui -à partir de leurs théories- posent une question sur la résurrection des morts, pour défendre leur interprétation des Ecritures.
Le cas qu’ils soumettent parle d’une femme qui a été épouse de sept frères. Ils sont tous morts l’un après l’ autre, sans enfants 2, et cette veuve, prise et laissée sept fois, est non seulement stérile mais condamnée à une vie incertaine et inféconde .La conclusion des sadducéens est ironique et terrible : « Vous dites que la résurrection existe. Comment devons-nous comprendre le cas de cette femme? Elle a eu sept maris. De qui sera-t-elle l’épouse dans l’ au-delà? Tous les sept en auraient le droit ? ».
Avec la patience typique de celui qui aime, Jésus répond en élargissant la perspective et en amenant un peu à la fois, à la logique de la Vie. Les critères de la vie actuelle ne peuvent s’appliquer à la vie future, parce que la différence est substantielle : « Il ne s’ agit pas de nourriture ou de boissons, mais il s’agit de justice, paix et joie dans le Saint Esprit » (cf. Rm 14,17), pour toujours : la dimension change complètement ou « Sur chaque instant l’ éternel gravite » (Ada Negri), « la grandeur de l’ homme , sa gloire et sa majesté, consiste dans la connaissance de ce qui est réellement, de s’ y attacher et dans la demande de la gloire du Seigneur de la Gloire » (Saint Basile, Homélie 20 sur l’ humilité, chap.3).
En effet, en répondant, Jésus cite l’Ecriture mais, étonnamment, il fait référence à Exode 3,6 qui est un texte sur Dieu et non pas sur la résurrection : « Quant à dire que les morts doivent ressusciter, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur : ‘le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob’. Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants ; tous vivent en effet pour lui ».
Où est la preuve que les morts resurgissent? Si Dieu se définit « Dieu d’ Abraham, d’Isaac, et de Jacob et il est un Dieu des vivants, et non des morts, alors, cela veut-il dire que Abraham, Isaac et Jacob vivent quelque part, même si au moment où Dieu parle à Moïse, ils sont morts depuis des siècles.
En répondant aux sadducéens, Jésus en profite pour corriger les idées des pharisiens, qui concevaient la résurrection en termes matériels, en se prêtant à l’ironie des esprits plus libéraux, ironie dont parle l’évangile aujourd’hui : une femme a eu sept maris, dans la résurrection, de qui sera-t-elle l’ épouse?. Jésus affirme que la vie des morts échappe aux schémas de ce monde actuel : c’est une vie différente parce que divine et éternelle : on pourrait la ressembler à celle des anges (cfr Lc 20,36).
Les anges 3 ne sont pas les créatures gentilles et un peu évanescentes de notre imagination. Dans la Bible, les anges ont la puissance de Dieu, un dynamisme qui dépasse, monte, pénètre, vole dans la lumière, dans l’amour, dans la beauté. Leur tâche est de protéger, illuminer, tenir et rendre beau l’amour. Les anges qui contemplent sans cesse Dieu, sont les mêmes à qui la pitié céleste nous a été confiée. Ils illuminent, nous protègent constamment dans la vie et nous conduisent sur la route du Seigneur vers la demeure définitive. Nous sommes appelés à une vie angélique, ici et pour l’éternité. L’éphémère devient éternel.
Avec la croix, le Christ ne s’est pas libéré de l’éphémère 4 pour fuir vers l’éternité, mais il a semé la semence de l’éternité dans le ciel du monde, pour faire germer le Règne de Dieu et introduire une vie angélique dans le monde.
3-La vie angélique de la vie consacrée
Avant de faire allusion à comment la vie consacrée est une vie angélique et transforme l’éphémère en éternel, je désirerais préciser que ceux qui soutiennent que le mariage n’a aucune suite au ciel, interprètent de façon erronée, la réponse que Jésus donne aux Sadducéens. Avec l’affirmation : « Les enfants de ce monde se marient. Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part du monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne se marient pas, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont fils de Dieu, en étant héritiers de la résurrection » (Lc 20,34-35).
Jésus rejette l’idée caricaturale des sadducéens qui présentent l’au-delà comme une simple suite des rapports terriens entre époux. Il n’exclut pas que ceux-ci puissent retrouver en Dieu, le lien qui les a uni sur la terre. 5
En plus de la famille, un autre « lieu » est une école de l’amour : c’est la vie consacrée qui « éduque » en transformant l’existence des personnes en un chant de pure louange au Seigneur : comme la vie des anges, comme la vie des saints. Mais pour que cela puisse arriver, il faut raccorder la harpe, il faut acquérir la pureté du cœur.
Les personnes consacrées le font avec le vœu et la pratique de la virginité. La nature prétend que l’homme écrive quelque chose de définitif sur la superficie d’un matériel éphémère. A travers l’eucharistie, l’éphémère du pain et du vin devient éternel.
D’une manière analogue, cela arrive dans la consécration virginale. Lorsque les vierges se consacrent à leur idéal: « qui est vraiment élevé en soi, n’exige cependant aucun changement extérieur particulier. Normalement, chaque consacrée reste dans son cadre de vie. C’est un chemin qui semble dépourvu des caractéristiques spécifiques de la vie religieuse, surtout de l’obéissance. Mais pour vous, l’amour se fait « sequela »: votre charisme comporte un don total au Christ, une assimilation à l’Epoux qui requiert implicitement l’observance des conseils évangéliques, pour garder intègre votre fidélité à Lui (cf. RCV, 47). L’être avec le Christ exige intériorité, mais en même temps, il ouvre à la communication avec les frères: c’est ici que se greffe votre mission. Une règle de vie « essentielle » définit l’engagement que chacune de vous assume avec le consentement de l’évêque, au niveau spirituel comme au niveau existentiel. Il s’agit de chemins personnels. Parmi vous, il y a des styles de vie et des modalités différentes de vivre le don de la virginité consacrée et cela devient d’autant plus évident lors d’une rencontre internationale comme celle qui vous voit réunies ces jours-ci. Je vous exhorte à dépasser l’apparence en accueillant le mystère de la tendresse de Dieu que chacune porte en elle, et en vous reconnaissant comme des sœurs, même dans votre diversité… ( Benoît XVI…)
De cette façon, elles témoignent, à travers leur existence, que la tendre grâce de Dieu vaut plus que la vie (cf. Ps 62/63,4).
NOTES
1 Les Sadducéens constituaient un courant spirituel important du Judaïsme et également un groupe politique précis, composé par les anciennes familles aristocrates au sein desquelles étaient recrutés les prêtres ayant les rangs les plus élevés, ainsi que, en particulier, le Grand Prêtre. Ils cherchaient à vivre un Judaïsme illuminé, et donc de trouver également un compromis avec le pouvoir romain. Nous ne connaissons que peu de choses au sujet des Sadducéens et de leur spiritualité, car leur faction, reconnue coupable de collaboration avec les Romains fut littéralement exterminée, pendant la révolte juive du Ier siècle après Jésus-Christ. Sur le plan doctrinal et sur la base des maigres informations qui nous sont parvenus, on pense que les Sadducéens, à la différence des Pharisiens, considéraient seulement comme contraignante ce qu’on appelle la Loi écrite, c’est-à-dire se référant à la tradition des cinq premiers livres (Pentateuque) de la Bible ou Torah, transmis verbalement. Au contraire, les Pharisiens soutenaient que la loi orale c’est-à-dire la tradition interprétative de la Torah transmis verbalement avait la même importance. Au contraire des Pharisiens, les Sadducéens ne croyaient pas à la résurrection des morts. Dans tous les cas, il est permis de douter qu’ils avaient, à cet égard, une position arrêtée ferme ; soit parce que cette dernière ne se concilie pas avec le contenu de cette même Loi écrite ; soit parce que l’évidence archéologique apportée par les formes sépulcrales suivies par les Sadducéens atteste une foi dans l’existence d’un autre monde auquel le défunt, à sa mort, devient partie.
2 L’être sans fils était considéré par les Hébreux comme une grande honte (cf., par ex., Lc 1,25) et comme une punition de Dieu (cf. par ex., Os 9,14).
3 Le catéchisme de l’Eglise Catholique (CCC) affirme l’existence des Anges, comme ”vérité de la foi”, témoignée par l’Ecriture et par la Tradition (CCC n.328). Leur création, à partir de rien, selon l’énoncé du Concile de Latran IV del 1215 (CCC n.327). Le CCC spécifie toujours encore l’identité des Anges : ils sont créatures spirituels douées d’intelligence et volonté et ils sont supérieures ou créatures visibles (CCC n.330). La Mission des Anges consiste dans le fait d’être des serviteurs et messagers de Dieu et exécuteurs puissants de ces ordres (CCC n.329). Il ne faut pas oublier la relation des Anges avec le mystère du Christ : « le Christ est le centre du monde angélique » (CCC n.331). Les Anges, ensemble avec la création entière ont été crées par lui et en vue de lui, et en outre, ils sont messagers de son dessein de salut (CCC n.331). Le CCC esquisse une catéchèse biblique sur les Anges et sur leur mission dans l’Ancien Testament et dans le Nouveau Testament. Les épisodes provenant de l’Ancien Testament (CCC n.332) parlent des Chérubins qui, après l’expulsion de l’homme, gardent le Jardin d’Eden et l’Arbre de la Vie (Gn 3,24) ; les Anges qui protègent Loth (Gn 19) ; L’Ange qui sauve Agar et son enfant assoiffés et perdus dans le désert (Gn 21,17) ; l’Ange qui arrête la main d’Abraham en train de immoler Isaac (Gn 22,11-12) ; l’Ange qui guide le peuple dans le désert (Ex 23,20-23) ; l’Ange qui annonce la naissance de Samson (Jg 13) ; l’Ange qui annonce la vocation de Gédéon (Jg 6,11-24) ; l’Ange qui assiste Elie apeuré et en fuite avec du pain et une jar d’eau (Livre des Rois 19,5- 7). Les épisodes provenant du Nouveau Testament mentionnent avant tout Gabriel qui annonce la naissance du Baptiste et de Jésus (CCC n.332). On se souvient ensuite des interventions des Anges qui chantent l’hymne de louanges pour la naissance du Sauveur, qui protègent son enfance, qui le servent dans le désert, qui le réconfortent dans l’agonie, qui annoncent la bonne nouvelle de la Résurrection et qui le serviront jusqu’au dernier jour (CCC n.333). Pour une bonne présentation synthétique à ce sujet, voir l’entrée Anges dans le Dictionnaire critique de Théologie (Rome 2006- [Paris, 2007 3ème édition]) publié sous la direction de Jean-Yves Lacoste.
4 Ephémère est un adjectif [du latin tardif ephemerus, gr. Εφημερος, composé de επι « sur » et ημερα « jour »], qui indique ce qui dure un seul jour et, par extension, ce qui a une durée brève : la renommée, la gloire, la grandeur éphémère ; illusions, espérances éphémères, les richesses matérielles sont éphémères.
5 A cet égard, P. Raniero Cantalamessa, O.F.M. Capp., prédicateur de la Maison Pontificale écrit : « Estil possible que deux époux, après une vie qui les a associés à Dieu dans le miracle de la création, n’aient plus rien en commun dans la vie éternelle, comme si tout avait été oublié, perdu ? Cela ne serait-il pas en opposition avec la parole du Christ qui dit que l’on ne doit pas séparer ce que Dieu a uni ? Si Dieu les a unis sur la terre, comment pourrait-il les séparer au ciel ? Une vie commune peut-elle finir dans le vide sans que soit démenti le sens même de la vie ici-bas qui est de préparer l’avènement du royaume, les cieux nouveaux et la terre nouvelle ? L’Ecriture elle-même – et pas seulement le désir naturel des époux – confirme cette espérance. Le mariage, dit l’Ecriture, est « un grand sacrement » car il symbolise l’union entre le Christ et l’Eglise (Ep 5, 32). Est-il donc possible que cela soit annulé précisément dans la Jérusalem céleste, où l’on célèbre l’éternel banquet de noces entre le Christ et l’Eglise, dont le mariage est l’image ? Selon cette vision, le mariage ne se termine pas avec la mort, mais il est transfiguré, spiritualisé. On lui enlève toutes les limites qui caractérisent la vie sur la terre. De la même manière, les liens entre parents et enfants ou entre amis ne tombent pas non plus dans l’oubli. Dans la préface de la messe des défunts, la liturgie dit qu’avec la mort « la vie est changée, elle n’est pas enlevée » ; cela vaut également pour le mariage qui est partie intégrante de la vie. »
Lecture Patristique
Saint Augustin d’Hippone
Exposition sur le Psaume 64
Discours au Peuple
Ce psaume a pour titre : « Pour la fin, chant du psaume de la résurrection 1 ». Lorsque dans l’énoncé d’un psaume vous entendez « pour la fin », comprenez: pour le Christ, d’après cette parole de l’Apôtre : « Le Christ est la fin de la loi, pour justifier ceux qui croiront 2 ». Vous allez donc entendre un chant de résurrection, et savoir qui ressuscite, autant qu’il voudra bien lui-même nous en donner l’intelligence. Nous autres, chrétiens, nous connaissons la résurrection qui s’est opérée dans notre chef, et qui aura lieu dans ses membres. « Le Christ est chef de l’Eglise, et l’Eglise forme les membres du Christ 3 ».
Ce qui s’est tout d’abord accompli dans le chef, doit ensuite s’accomplir dans le corps. Telle est notre espérance voilà pourquoi nous croyons, voilà ce qui nous soutient, ce qui nous fait supporter la malice de ce monde, parce que l’espérance nous console, jusqu’à ce que l’espérance devienne réalité; or, elle se réalisera quand nous ressusciterons, alors que devenus célestes nous serons semblables aux anges. Qui oserait l’espérer, si la vérité même ne l’avait promis ? Ces promesses, cette espérance, les Juifs les avaient aussi; de là vient qu’ils se glorifiaient de leurs bonnes œuvres, comme des œuvres de justice, parce qu’ils avaient reçu la loi, et qu’en la prenant pour règle de vie, ils devaient posséder ici-bas des biens temporels, et à la résurrection des morts, acquérir ces mêmes biens qui faisaient leur joie ici-bas. Aussi les Juifs ne pouvaient-ils répondre aux Sadducéens, qui niaient la résurrection future, et qui leur proposaient la question qu’ils firent au Seigneur. Nous comprenons, en effet, par l’admiration que leur causa la solution du Seigneur, que cette question était pour eux insoluble.
Les Sadducéens le questionnaient donc au sujet d’une femme qui avait eu sept (56) maris, non pas simultanément, mais successivement. Pour favoriser l’accroissement du peuple, la loi ordonnait que si un homme venait à mourir sans enfants, son frère, s’il en avait, épouserait sa veuve, afin de susciter des enfants à son frère 1. Ils proposèrent donc une femme qui avait eu sept maris, tous morts sans enfants, et qui n’avaient épousé cette veuve de leur frère, que pour accomplir ce devoir, et firent alors cette question : « A la résurrection, duquel des sept sera-t-elle la femmes 2 ? » Assurément, cette question n’eût été pour les Juifs ni insoluble, ni même difficile, s’ils n’avaient pas espéré après la résurrection le même genre de biens qu’en cette vie. Mais le Seigneur en leur promettant d’être comme les anges, et non point dans la corruption d’une chair humaine, leur dit : « Vous êtes dans l’erreur, ne sachant ni les Ecritures, ni la puissance de Dieu; à la résurrection, les hommes n’auront point de femmes, ni les femmes de maris, ils ne seront plus assujettis à la mort, mais ils seront comme les anges de Dieu 3».
Il leur montre qu’il y a besoin de succession, là seulement où il y a des décès à pleurer; mais qu’il n’est plus besoin de successeurs quand il n’y a point de décès. C’est pour cela qu’il ajoute : ils ne seront plus assujettis à la mort. Toutefois, comme les Juifs croyaient à la résurrection future, quoique d’une manière charnelle, ils furent heureux de cette réponse faite aux Sadducéens, avec lesquels ils étaient en dispute au sujet de cette question captieuse et obscure. Donc les Juifs croyaient à la résurrection des morts ; et ils espéraient qu’eux seuls ressusciteraient pour la vie heureuse, à cause de l’œuvre de la loi, à cause de la justification des saintes Ecritures, qu’ils possédaient seuls, à l’exclusion des Gentils. « Le Christ a été crucifié, l’aveuglement est tombé sur une partie d’Israël, jusqu’à ce que la plénitude des nations entrât dans l’Eglise 4» : ainsi dit l’Apôtre. Or, la résurrection fut promise aux Gentils, quand ils crurent à la résurrection de Jésus-Christ. De là vient que notre psaume combat cette orgueilleuse présomption des Juifs, et célèbre la foi des Gentils appelés à la même espérance de résurrection.
NOTE
- Ps. LXV, 1.— 2. Rom. X, 4. — 3. Coloss. I, 18.