Mgr Ivan Jurkovic © RV

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La dette mondiale empêche le développement durable, alerte Mgr Jurkovic

Il plaide pour une « nouvelle donne verte mondiale »

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Reprenant le rapport de la CNUCED sur le commerce et le développement 2019, Mgr Jurkovič sonne l’alarme : « La montagne de la dette mondiale, dont une grande partie a été manipulée pour en faire une activité lucrative à court terme, n’a jamais été aussi élevée et a continué à croître à un rythme alarmant depuis la crise financière mondiale de 2008 », ce qui « laisse peu de place aux stratégies de développement durable », affirme-t-il.

Mgr Ivan Jurkovič, observateur permanent du Saint-Siège auprès de l’Organisation des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève, est intervenu à la 68ème session exécutive du Conseil du commerce et du développement de la CNUCED, à Genève, le 2 octobre 2019.

Il s’est exprimé en faveur d’une « nouvelle donne verte mondiale », à travers un « nouveau multilatéralisme » qui « doit s’attaquer aux trois principaux moteurs de la crise mondiale – stagnation économique et développement bloqué, inégalité et injustice, et destruction de l’environnement – dans une perspective intégrée qui comprend les liens entre ces différents aspects d’une même médaille ».

Voici notre traduction du discours en anglais de Mgr Jurkovič.

HG

Traduction du discours en anglais de Mgr Jurkovič

Monsieur le Président,

Tout d’abord, la Délégation du Saint-Siège tient à remercier le Secrétaire général et le Secrétariat pour le Rapport sur le commerce et le développement 2019 sur le « Financement d’une Nouvelle donne verte mondiale ». Comme le Rapport le souligne, la montagne de la dette mondiale, dont une grande partie a été manipulée pour en faire une activité lucrative à court terme, n’a jamais été aussi élevée et a continué à croître à un rythme alarmant depuis la crise financière mondiale de 2008. Cela laisse peu de place aux stratégies de développement durable, car elles reposent sur l’accès aux marchés étrangers, sur des relations commerciales et des transferts de technologie florissants, ainsi que sur un financement abordable du programme de développement. Au lieu de cela, trop de pays en développement dépendent encore des exportations de produits de base, sont confrontés à des difficultés financières et d’endettement croissantes sur des marchés financiers internationaux non réglementés et sont continuellement exposés à des chocs extérieurs pour leurs économies en difficulté, devant se serrer la ceinture alors qu’ils devraient croître rapidement.

En raison de ces conditions persistantes, les salaires réels ont stagné au cours des trois dernières décennies, même dans les économies avancées, tandis que la valeur des actifs a augmenté. La prédominance de la spéculation à court terme sur le progrès productif et collectif est l’une des principales sources d’inégalités en forte augmentation, en particulier au niveau des revenus, ce qui entraîne un mécontentement croissant parmi ceux qui sont marginalisés et une déstabilisation générale de l’économie mondiale.

Cette situation difficile en matière de développement est exacerbée par les effets du changement climatique, qui causent déjà de graves dégâts dans le monde entier. Entre autres, les conséquences économiques seront dramatiques sur toute la planète, mais ce sont les communautés vulnérables qui en souffriront le plus. Et le changement climatique n’est qu’un aspect d’une crise environnementale beaucoup plus vaste provoquée par un modèle de croissance extractive qui a fait passer les profits avant la vie humaine et le bien-être communautaire. Ensemble, ces inquiétudes croissantes, si elles ne sont pas dissipées, entraîneront une plus grande déstabilisation, tant économique que politique, que celles dont nous sommes déjà témoins.

Monsieur le Président,

Comme l’affirme le rapport, dans un monde interdépendant (et hyper-mondialisé), pour s’attaquer aux facteurs de crise interdépendants, il faut « une nouvelle donne verte mondiale », c’est-à-dire la création proactive d’un consensus politique et la reconstruction d’un multilatéralisme qui peut être bénéfique pour beaucoup, plutôt que pour seulement quelques uns. En d’autres termes, il faut de toute urgence prendre des mesures politiques et réglementaires coordonnées qui donnent la priorité à la prestation efficace et équitable des biens publics et à la promotion du bien commun. Ce nouveau multilatéralisme doit s’attaquer aux trois principaux moteurs de la crise mondiale – stagnation économique et développement bloqué, inégalité et injustice, et destruction de l’environnement – dans une perspective intégrée qui comprend les liens entre ces différents aspects d’une même médaille.

Cela signifie également que les acteurs, les outils et les politiques doivent changer : Une Nouvelle donne verte mondiale devrait s’appuyer sur la récupération systématique de la sphère publique et d’un agenda politique pour la justice économique et maîtriser le rentierisme improductif des entreprises, la spéculation financière et le capital non régulé.

Un tel accord devrait avoir pour objectif de : (i) décarboniser et revitaliser l’économie mondiale en augmentant l’investissement public et en promouvant des politiques industrielles vertes, (ii) inverser les inégalités de revenus par des politiques économiques qui augmentent la part des salaires dans nos économies et renforcent ensuite les finances publiques par une taxation progressive, et (iii) mener un programme mondial de réformes qui réprime les pratiques commerciales abusives, assure l’allégement de la dette là où cela est le plus nécessaire et qui permette de financer la protection environnementale et une transformation structurelle inclusive, à un coût abordable pour le développement futur.

Monsieur le Président,

Avec honnêteté, responsabilité et courage, la communauté internationale doit mettre les connaissances et les talents « au service d’un autre type de progrès, plus sain, plus humain, plus social, plus intégral » (Laudato si’, 112), capable de mettre l’économie au service de la personne humaine, de construire la paix et de protéger l’environnement.

Merci, Monsieur le Président.

© Traduction de l’anglais par Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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