Véronique, Chemin de croix © Bradi Barth

Véronique, Chemin de croix © Bradi Barth

Le secret de la vie : fixer notre regard sur le visage de Jésus

Message du pape François pour le XL Meeting pour l’amitié entre les peuples

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« L’homme d’aujourd’hui vit souvent dans l’insécurité, marchant comme à tâtons, étranger à lui-même », lit-on dans un message du pape François, qui interroge : « Comment l’homme peut-il se retrouver lui-même et reprendre espoir ? ». La réponse à cette question, répond-il, « le secret de la vie » « qui nous fait sortir de l’anonymat », c’est de « fixer notre regard sur le visage de Jésus et nous familiariser avec lui », à l’image de sainte Véronique, évoquée dans un poème de Jean-Paul II.
Le pape François a envoyé à Mgr Francesco Lambiasi, évêque de Rimini, un message signé du cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin et daté du 16 août 2019, à l’occasion du XL Meeting pour l’amitié entre les peuples. Le thème du rassemblement, qui se tient cette année à Rimini du 18 au 24 août, est emprunté à un hommage du pape polonais à sainte Véronique : « Ton nom est né de ce que tu fixais ».
« Combien de personnes oubliées ont un besoin urgent de voir le visage du Seigneur pour pouvoir se retrouver elles-mêmes ! », souligne le message qui invite chacun à refléter « le visage du Christ ressuscité ». « Nous aussi, nous avons été regardés, choisis, embrassés » et ce qui fait du chrétien « une présence dans le monde différente de toutes les autres », c’est qu’il « porte l’annonce dont les hommes et les femmes de notre temps ont le plus besoin, sans le savoir : il est parmi nous, Celui qui est l’espérance de la vie ».
Voici notre traduction intégrale du message du pape François.
HG
Message du pape François (Traduction intégrale)
Excellence,
À l’occasion du XL Meeting pour l’amitié entre les peuples, je suis heureux de vous faire parvenir, ainsi qu’aux organisateurs, aux volontaires et à toutes les personnes qui y participeront, les salutations et les meilleurs voeux du souverain pontife.
Le thème choisi cette année est tiré d’un poème de saint Jean-Paul II, qui se réfère à Véronique, lorsqu’elle se fraie un passage parmi la foule pour essuyer le visage de Jésus sur le chemin de la croix : « Ton nom est né de ce que tu fixais » (K. Wojtyła, «III. Il nome», in Id., Tutte le opere letterarie, Milano 2001, 155). Le serviteur de Dieu don Luigi Giussani commentait ainsi ce verset poétique : « Imaginons la foule, le Christ qui passe avec la croix, et elle qui fixe le Christ et qui se fraie un passage parmi la foule en le regardant. Tout le monde la regarde. Elle, qui n’avait pas de visage, qui était une femme comme les autres, elle a acquis un nom, c’est-à-dire un visage, une personnalité dans l’histoire, par lesquels nous nous la rappelons, à travers ce qu’elle fixait. […] Aimer, c’est affirmer l’autre (La convenienza umana della fede, Milano 2018, 159-160).
« Ainsi il vit et on le vit ; […] mais il n’aurait pas vu si on ne l’avait vu d’abord » (S. Augustin, Sermons, 174, 4.4), dit saint Augustin à propos de Zachée. Telle est la vérité que l’Église annonce à l’homme depuis deux mille ans. Le Christ nous a aimés, il a donné sa vie pour nous, pour chacun de nous, pour affirmer notre visage unique et incomparable. Mais pourquoi est-il si important que cette annonce résonne encore aujourd’hui ? Parce que beaucoup de nos contemporains tombent sous les coups des épreuves de la vie et se retrouvent seuls et abandonnés. Et souvent, ils sont traités comme un chiffre dans des statistiques. Pensons aux milliers d’individus qui fuient chaque jour les guerres et la pauvreté : avant d’être des chiffres, ce sont des visages, des personnes, des noms et des histoires. Nous ne devons jamais l’oublier, surtout quand la culture du déchet exclut, discrimine et exploite, menaçant la dignité de la personne.
Combien de personnes oubliées ont un besoin urgent de voir le visage du Seigneur pour pouvoir se retrouver elles-mêmes ! L’homme d’aujourd’hui vit souvent dans l’insécurité, marchant comme à tâtons, étranger à lui-même ; on dirait qu’il n’a plus de consistance, tant il est vrai qu’il se laisse facilement saisir par la peur. Mais alors, quelle espérance peut-il y avoir dans ce monde ? Comment l’homme peut-il se retrouver lui-même et reprendre espoir ? Il ne peut le faire qu’à travers un raisonnement ou une stratégie. Voilà alors le secret de la vie, celui qui nous fait sortir de l’anonymat : fixer notre regard sur le visage de Jésus et nous familiariser avec lui. Regarder Jésus purifie la vue et nous prépare à tout regarder avec un regard neuf. En rencontrant Jésus, en regardant le Fils de l’homme, les pauvres et les simples se retrouvent eux-mêmes, se sentent profondément aimés d’un amour sans mesure. Pensons au moment où l’Innominato, dans Les Fiancés, se trouve devant le cardinal Federigo qui l’embrasse : « L’Innominato, se défaisant de cette étreinte, se couvrit à nouveau les yeux d’une main et, relevant le visage, il s’exclama : “Dieu vraiment grand ! Dieu vraiment bon ! Maintenant, je me connais” » (A. Manzoni, Les Fiancés). Nous aussi, nous avons été regardés, choisis, embrassés, comme nous le rappelle le prophète Ézéchiel dans l’étonnante allégorie d’une histoire d’amour avec son peuple : « Tu étais fille d’étrangers, tu avais été abandonnée ; mais je suis passé et je t’ai lavée et je t’ai prise avec moi » (cf. Ez 16). Nous aussi, nous étions « étrangers », et le Seigneur est venu, il nous a donné une identité et un nom.
À une époque où les personnes sont souvent sans visage, des figures anonymes parce qu’elles n’ont personne sur qui poser les yeux, le poème de saint Jean-Paul II nous rappelle que nous existons dans la mesure où nous sommes en relation. Le pape François aime le souligner, en faisant allusion à l’Évangile de la vocation de Matthieu : « Un jour, pareil à n’importe quel autre, alors qu’il était assis à la table de perception des impôts ; Jésus passait, le vit, s’approcha et lui dit : « Suis-moi ». Et lui, se levant, le suivit. Jésus le regarda. Quelle force d’amour a eu le regard de Jésus pour faire bouger Matthieu comme il l’a fait ; quelle force ont dû avoir ces yeux pour le faire lever ! […] Et Jésus s’est arrêté, il n’est pas passé au large à la hâte, il l’a regardé sans hâte, il l’a regardé tranquillement. Il l’a regardé avec des yeux de miséricorde ; il l’a regardé comme personne ne l’avait fait auparavant. Et ce regard a ouvert son cœur, l’a rendu libre, l’a guéri, lui a donné l’espérance, une vie nouvelle » (Homélie, Place de la Révolution, Holguin, Cuba, 21 septembre 2015).
C’est cela qui fait du chrétien une présence dans le monde différente de toutes les autres, parce qu’il porte l’annonce dont les hommes et les femmes de notre temps ont le plus besoin, sans le savoir : il est parmi nous, Celui qui est l’espérance de la vie. Nous serons « originaux » si notre visage reflète le visage du Christ ressuscité. Et cela sera possible si nous prenons davantage conscience de l’invitation que Jésus adressait à ses disciples, comme la fois où, après qu’il les avait envoyés en mission, « les soixante-douze revinrent tout joyeux » en raison des miracles qu’ils avaient accomplis ; mais Jésus leur dit : « réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux » (cf. Lc 10, 20-21). C’est le miracle des miracles. C’est l’origine de la joie profonde que rien ni personne ne peut enlever : notre nom est inscrit dans les cieux, et non pas en raison de nos mérites, mais d’un don que chacun de nous a reçu par le baptême. Un don que nous sommes appelés à partager avec tous, sans exclure personne. C’est ce que signifie être des disciples missionnaires.
Le Saint-Père François forme le voeu que le Meeting reste toujours un lieu accueillant, où les personnes puissent « fixer des visages », faisant l’expérience de leur identité incomparable. C’est la plus belle façon de fêter cet anniversaire, en regardant en avant sans nostalgie ni crainte, toujours soutenus par la présence de Jéus, immergés dans son corps qu’est l’Église. Puisse le souvenir reconnaissant pour ces quatre décennies d’engagement zélé et d’action apostolique créative susciter de nouvelles énergies, pour donner un témoignage de foi ouvert aux vastes horizons des urgences de nos contemporains.
Sa Sainteté invoque la maternelle protection de la Vierge Marie et envoie de tout coeur la Bénédiction apostolique à Votre Excellence et à toute la communauté du Meeting.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat
 

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Hélène Ginabat

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