Audience aux religieux Trinitaires © Vatican Media

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La meilleure pastorale des jeunes est de "vivre la joie de sa propre vocation"

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Audience aux religieux Trinitaires (Traduction intégrale)

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« La proximité est la seule chose qui peut garantir une relation féconde » avec les jeunes, a affirmé le pape François aux religieux Trinitaires qu’il a reçus en audience ce 15 juin 2019, au Vatican. « La meilleure pastorale des jeunes et des vocations est de vivre la joie de sa propre vocation », a-t-il aussi assuré.
« Brisons nos peurs ! Levons-nous ! Les jeunes, proches et lointains, nous attendent », a exhorté le pape devant les quelque 70 religieux qui participaient au Chapitre général de l’Ordre de la Très Sainte Trinité (congrégation fondée au 12e siècle par saint Jean de Matha) : « Ouvrez-leur vos cœurs. Qu’ils se sentent aimés pour ce qu’ils sont… C’est fatigant ! Et c’est le prix : votre fatigue. »
Le pape a encouragé à « aller à la rencontre des jeunes, non seulement ceux qui sont proches, mais aussi ceux qui sont éloignés » et à « les accueillir comme ils sont » sans « jamais mépriser leurs limites ». Il s’agit, a-t-il expliqué de sortir des « schémas préfabriqués », d’être « persévérant », de « semer et attendre patiemment que la graine grandisse ».
« Que votre pastorale des jeunes soit dynamique, participative, gaie, riche d’espérance, capable de prendre des risques, confiante, a-t-il recommandé. Et toujours pleine de Dieu, qui est celui dont les jeunes ont le plus besoin pour combler leur soif de plénitude. » Il a redit « la motivation » de toute action auprès des jeunes : « les conduire à Dieu ».
Voici notre traduction de ce discours.
Discours du pape François
Chers frères et sœurs !
Je vous accueille avec joie à l’occasion de votre Chapitre général. Je remercie le supérieur nouvellement élu, le p. Luigi Buccarello, et lui souhaite tout bien pour son service. Avec vous, je salue tous les membres de l’Ordre et de la Famille Trinitaire, et vos collaborateurs.
Je désire avant tout vous remercier pour votre travail dans les diverses œuvres de miséricorde, dans les écoles, dans les paroisses, dans les prisons et dans les instituts de réhabilitation, et de façon particulière pour les initiatives variées avec lesquelles vous cherchez à soutenir les Eglises qui souffrent à cause de la foi en Christ. Je vous exhorte à marcher toujours avec « les pauvres et les esclaves » (S. Jean-Baptiste de la Conception, Œuvres, III, 60); et que dans toute “Maison de la Sainte Trinité” vous puissiez être témoins de Jésus, qui est venu « porter la Bonne Nouvelle aux pauvres » (Lc 4,18).
Le thème de votre Chapitre tourne autour de la pastorale des jeunes et des vocations. Un thème vital pour l’Eglise, comme l’a mis en lumière le récent Synode des évêques dédié aux jeunes, et sûrement aussi de grande importance pour votre Ordre.
Il n’est pas facile de centrer l’objectif de cette pastorale. Le travail vocationnel, quel que soit ce travail, n’est pas prosélytisme. C’est un point de départ : ce n’est pas du prosélytisme. Vous reconnaissez vous-mêmes, dans l’Instrumentum Laboris du Chapitre, que vous avez des difficultés de langage et de méthode pour communiquer avec le monde des jeunes. Vous sentez justement la nécessité d’une formation spécifique pour la pastorale d’accompagnement et de discernement. Par ailleurs, la culture du grand vide provoquée par la pensée faible et par le relativisme qui invitent à vivre “à la carte”, la culture du fragment où les grands thèmes ont perdu leur signification, et l’immanentisme dans lequel tant de jeunes vivent enfermés, pourraient faire penser qu’il n’y a pas de place pour une proposition vocationnelle dans la foi aux nouvelles générations. Mais tirer cette conclusion serait une grave erreur.
En effet, aujourd’hui aussi il y a des jeunes qui cherchent ardemment le vrai sens de leur vie ; des jeunes qui sont capables d’engagement inconditionnel pour les grandes causes ; des jeunes qui aiment passionnément Jésus et qui montrent une grande compassion pour l’humanité. Il y a des jeunes qui peut-être ne parlent pas de signification et de sens de la vie, mais qu’entendent-ils quand ils cherchent avec anxiété le bonheur, l’amour, le succès, la réalisation personnelle ? Tout cela fait partie du monde des aspirations de nos jeunes, qui ont besoin d’être ordonnés, comme le fit le Créateur au commencement des temps, en passant du chaos à l’ordre du cosmos (cf. Gn 1,1-31).
C’est ici que vous pouvez et que vous devez entrer vous aussi, pour aider les jeunes à harmoniser leurs aspirations, à les mettre en ordre. Sans oublier qu’ils demandent justement que leur soit donné un certain rôle de protagoniste dans tout cela. Les jeunes ne supportent pas les environnements où ils ne trouvent pas leur espace et ne reçoivent pas de stimulations. Ils doivent être protagonistes, c’est la clef, et protagonistes en mouvement, non pas tranquilles.
Il est évident qu’il « existe une pluralité de mondes jeunes » (Exorth. ap. postsyn. Christus vivit, 68). Il faut de la créativité, qui part de la conversion pastorale à laquelle nous sommes appelés, pour pouvoir arriver à eux et faire une proposition évangélique qui les aide à discerner la vocation à laquelle ils sont appelés dans l’Eglise. Aussi bien le Document final du Synode que l’Exhortation apostolique Christus vivit pourront vous aider dans l’engagement de rejoindre les jeunes là où vous êtes présents comme Ordre Trinitaire. Je voudrais indiquer certains défis que nous présente la pastorale des jeunes et des vocations en ce moment.
Avant tout, proximité et accompagnement. Les jeunes nous veulent proches. La pastorale des jeunes et des vocations exige accompagnement et cela comporte proximité, se faire présents dans la vie des jeunes, comme Jésus avec les disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24,15). Les jeunes veulent vous avoir comme compagnons de route, pour chercher ensemble les “puits d’eau vive” où pouvoir rassasier la soif de plénitude que sentent beaucoup parmi eux (cf. Jn 4,6-15).
La proximité est la seule chose qui peut garantir une relation féconde – évangéliquement parlant – avec les jeunes. Ouvrez vos maisons et vos communautés aux jeunes, afin qu’ils puissent partager votre prière et votre fraternité, mais surtout ouvrez-leur vos cœurs. Qu’ils se sentent aimés pour ce qu’ils sont, pour comment ils sont. Soyez pour les jeunes des grands frères avec lesquels ils puissent parler, dans lesquels ils puissent avoir confiance. Ecoutez-les, dialoguez avec eux, faites du discernement ensemble. C’est fatigant ! Et c’est le prix : votre fatigue. Qu’ils sentent que vous les aimez vraiment et que pour cela vous pouvez leur proposer la mesure de l’amour. Quelle est la grande mesure de l’amour ? La sainteté, un chemin de vie chrétienne à contre-courant comme celui des Béatitudes (cf. Exorth. ap. Gaudete et exsultate, 63-94).
Deuxièmement, en sortie. Il faut aller à la rencontre des jeunes, non seulement ceux qui sont proches, mais aussi ceux qui sont éloignés (cf. Ep 2,17). Ne pas se militer à accueillir ceux qui viennent à vous, mais aller aussi à la rencontre de ceux qui se sont éloignés. Les accueillir comme ils sont. Ne jamais mépriser leurs limites. Les soutenir et les aider jusqu’où c’est possible. Et, après les avoir rencontrés, il faut les écouter, les appeler, susciter le désir de se bouger pour aller au-delà du confort où nous nous allongeons (cf. Document préparatoire du Synode sur les jeunes, III, 1); et il faut aussi « le courage, la tendresse et la délicatesse nécessaires pour aider l’autre à reconnaître la vérité et les mensonges ou les prétextes » (Christus vivit, 293).
Je vous encourage à marcher avec eux, en sortant de schémas préfabriqués – s’il vous plaît, les pastorales préfabriquées ça ne va pas ! –, sans oublier que, spécialement avec les jeunes, il faut être persévérant, semer et attendre patiemment que la graine grandisse et un jour, quand le Seigneur viendra, porte du fruit. Votre devoir est celui de semer, Dieu fera grandir et peut-être d’autres recueilleront-ils les fruits. Que votre pastorale des jeunes soit dynamique, participative, gaie, riche d’espérance, capable de prendre des risques, confiante. Et toujours pleine de Dieu, qui est celui dont les jeunes ont le plus besoin pour combler leur soif de plénitude. Une pastorale pleine de Jésus, qui est l’unique Chemin qui les conduit au Père, l’unique Vérité qui rassasie leur soif, l’unique Vie par laquelle il vaut la peine de tout laisser (cf. Jn 14,6; 1,35-51).
Et tout cela pourquoi ? Pour qu’ils soient saints. C’est la motivation, la force de toute notre vie religieuse, et celle de notre action auprès des jeunes : les conduire à Dieu. Face à la tentation de la résignation, dans la pastorale des jeunes et des vocations, il vous est demandé l’audace évangélique pour jeter les filets (cf. Lc 5,5), même s’il semble que ce n’est pas le temps ou le moment le plus opportun. Face à une vie somnolente, endormie et lasse, il vous est demandé de rester éveillés, pour pouvoir réveiller ; il vous est demandé d’être prophètes d’espérance et de nouveauté, prophètes de la joie par votre vie même, en sachant que la meilleure pastorale des jeunes et des vocations est de vivre la joie de sa propre vocation. Et personne n’est exclu de cela. Il y a quelques semaines j’ai lu une lettre – je crois qu’elle a été rendue publique – d’un prisonnier. La lettre commence ainsi : “Cher frère Cristoforo”. Dans cette prison il avait trouvé I promessi sposi et il a commencé à les lire et il a vu que ce frère Cristoforo [personnage du roman, ndlr] avait fait les mêmes choses que lui. De là a commencé la recherche inquiète…, et ce détenu attend le moment de sortir de prison pour entrer au séminaire. Dieu appelle partout, Dieu ne donne sa préférence à personne, il appelle tout le monde. Soyez courageux !
Chers frères, que personne ne vous vole la capacité de rêver et de prophétiser ! Brisons nos peurs ! Levons-nous ! Les jeunes, proches et lointains, nous attendent. Que ma bénédiction apostolique sur vous et sur tous les frères de l’Ordre, sur les membres de la Famille Trinitaire et tous les collaborateurs, vous accompagne. Et vous, s’il vous plaît, priez pour moi, j’en ai besoin. Merci !
Traduction de Zenit, Anne Kurian

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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