Mgr Bernardito Auza 13/12/2017 © Oss_romano

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ONU: de la protection sociale des personnes trisomiques, par Mgr Auza (traduction complète)

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Répondre à la tendance eugénique par l’amour

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Si la vulnérabilité des femmes à travers le monde est préoccupante, la situation est « particulièrement grave pour les femmes et les filles atteintes du syndrome de Down », estime Mgr Auza. Dans la réalité, dénonce-t-il, il n’existe « aucune protection sociale pour les personnes dont le diagnostic établi dans le sein maternel révèle qu’ils ont un troisième chromosome 21 » et « leurs besoins particuliers sont souvent largement négligés, notamment par une communauté internationale qui s’est engagée à ne laisser personne en arrière ».

 

Mgr Bernardito Auza, nonce apostolique, observateur permanent du Saint-Siège, est intervenu lors de l’événement parallèle intitulé « Protections sociales pour les femmes, les filles et toutes les personnes qui ont le syndrome de Down », aux Nations Unies à New York, le 21 mars 2019.

 

Le représentant du Saint-Siège s’insurge contre les pays qui prétendent « éliminer le syndrome de Down » alors qu’en fait, ils éliminent « les personnes atteintes du syndrome de Down ». De même, il proteste contre « certains membres du système des Nations Unies » qui, « malgré la Convention relative aux droits des personnes handicapées » et « malgré l’engagement déclaré de l’Assemblée générale des Nations Unies », sont « complices de ce génocide ». La seule réponse à cette « tendance eugénique », affirme-t-il en reprenant les mots du pape François, est « l’amour vrai, concret et respectueux ».

 

Voici notre traduction du discours de Mgr Auza prononcé en anglais. 

 

HG

 

Discours de Mgr Bernardito Auza

 

Excellences, Mesdames et Messieurs les panélistes, Chers amis,

 

Je suis très heureux de vous accueillir ce matin à l’événement sur la protection sociale des femmes, des filles et de toutes les personnes atteintes du syndrome de Down, que le Saint-Siège est heureux de parrainer, en cette Journée internationale de sensibilisation au syndrome de Down, avec le Centre pour la famille et les droits de l’homme.

 

Au cours de la 63e session de la Commission de la condition de la femme qui se tient depuis dix jours, nous nous sommes concentrés sur la question de la protection sociale, de l’accès aux services publics et aux infrastructures durables pour parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes et des filles. Nous avons analysé les lacunes de ces protections et les diverses vulnérabilités auxquelles les femmes et les filles sont exposées. Nous avons examiné la situation de l’accès dans le monde entier à des services tels que l’éducation, le travail, les soins de santé et les infrastructures telles que le logement, l’énergie, l’eau et l’assainissement, et nous avons abordé la discrimination souvent responsable de la raison de leur manque d’accès à ces services.

 

Mais ce qui est une situation préoccupante pour toutes les femmes à travers le monde est particulièrement grave pour les femmes et les filles atteintes du syndrome de Down, ainsi que pour les parents d’enfants atteints du syndrome de Down. Et s’il y a un domaine où il ne semble pas y avoir beaucoup d’écart entre les filles et les garçons, c’est bien dans ce qui se produit lorsque les parents reçoivent un diagnostic de syndrome de Down. Dans de nombreux pays, ce diagnostic équivaut malheureusement à une condamnation à mort. Malgré les assurances données par la Convention relative aux droits des personnes handicapées de 2006 de « promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par toutes les personnes handicapées, y compris celles qui souffrent de handicaps physiques, mentaux, intellectuels ou sensoriels durables » et de « promouvoir le respect de leur dignité inhérente », il n’existe en réalité aucune protection sociale pour les personnes dont le diagnostic établi dans le sein maternel révèle qu’ils ont un troisième chromosome 21. Pour les enfants nés avec le syndrome de Down, dans de nombreux endroits, l’accès aux services publics – à l’éducation, au travail, à des soins de santé adéquats – est inadéquat ou inexistant. Et dans les lieux où l’infrastructure est en retard, les difficultés des personnes atteintes du syndrome de Down et de leur famille peuvent être exacerbées. Leurs besoins particuliers sont souvent largement négligés, notamment par une communauté internationale qui s’est engagée à ne laisser personne en arrière et à garantir la pleine et égale jouissance de tous les droits fondamentaux des personnes handicapées.

 

En 2011, l’Assemblée générale des Nations Unies s’est engagée à faire en sorte que les personnes atteintes du syndrome de Down ne soient pas laissées pour compte. Par sa résolution 66/149, elle a proclamé le 21 mars Journée mondiale de la trisomie et invité tous les États membres, les organisations compétentes du système des Nations Unies, les autres organisations internationales et la société civile à la célébrer chaque année afin de sensibiliser le public, y compris les familles, aux personnes atteintes du syndrome de Down. Le 21 mars (soit en chiffres 3-21 pour Trisomie-21) avait déjà été marqué à partir de 2006 comme Journée mondiale du syndrome de Down par des groupes de défense et de recherche.

 

Lors de la première célébration de la Journée mondiale de la trisomie aux Nations Unies, il y a sept ans aujourd’hui, le Secrétaire général de l’époque, Ban Ki-Moon, a déclaré : « Réaffirmons que les personnes atteintes du syndrome de Down ont le droit de jouir pleinement et effectivement de tous les droits de l’homme et libertés fondamentales. Faisons chacun notre part pour permettre aux enfants et aux personnes trisomiques de participer pleinement au développement et à la vie de leur société sur un pied d’égalité avec les autres. Construisons une société inclusive pour tous. »

 

Mais c’est un combat de construire cette société inclusive. En 2017, une grande chaîne de télévision américaine a signalé qu’un pays était sur le point d’éliminer le syndrome de Down, mais cela signifiait en réalité qu’il éliminait les personnes atteintes du syndrome de Down, car pratiquement 100 % des parents de bébés ayant reçu un diagnostic prénatal de trisomie choisissaient de mettre fin à la vie de leur fils ou de leur fille. Plusieurs autres pays disposent de statistiques similaires, à tel point que de nombreux défenseurs des droits des personnes atteintes du syndrome de Down et d’autres observateurs objectifs qualifient de « génocide » ce qui arrive aux enfants auxquels a été diagnostiqué une trisomie 21 dans le sein de leur mère.

 

Même certains membres du système des Nations Unies, malgré la Convention relative aux droits des personnes handicapées, malgré l’engagement déclaré de l’Assemblée générale des Nations Unies, sont complices de ce génocide. En novembre 2017, l’un des membres du Comité des droits de l’homme des Nations Unies, basé à Genève, a déclaré lors d’une réunion officielle : « Si vous dites à une femme : “Votre enfant a… le syndrome de Down”… ou qu’il peut avoir un handicap pour toujours, pour le reste de sa vie… il devrait lui être possible de recourir à l’avortement pour éviter ce handicap en tant que mesure préventive ». Défendre les personnes handicapées, a-t-il dit, « ne signifie pas que nous devons accepter de laisser vivre un foetus handicapé ». Une telle position est en contradiction flagrante avec le souci de l’ONU de ne laisser personne en arrière et de défendre les droits des personnes handicapées. Comme l’a dit un jour le Pr Jérôme Lejeune, qui a découvert la cause du syndrome de Down en 1958, après que sa découverte avait été utilisée contre les personnes atteintes du syndrome de Down, plutôt qu’en leur faveur : « La médecine devient une science folle quand elle attaque le patient au lieu de combattre la maladie ». Il a plutôt souligné que « nous devons toujours être du côté du patient » et que la pratique de la médecine doit toujours être de « haïr la maladie [et] aimer le patient ».

 

Le pape François a dit en 2017 que la réponse à la tendance eugénique de mettre fin à la vie des enfants à naître qui montrent une certaine forme d’imperfection est, en bref, l’amour. « La réponse, a-t-il dit, c’est l’amour : non pas cet amour faux, mielleux et moralisateur, mais l’amour vrai, concret et respectueux. Dans la mesure où l’on est accepté et aimé, inclus dans la communauté et soutenu pour regarder l’avenir avec confiance, le vrai chemin de la vie évolue et l’on expérimente un bonheur durable ».

 

Et on ne peut nier le bonheur des personnes atteintes du syndrome de Down et celui qu’elles apportent aux autres. Une étude publiée en 2011 dans l’American Journal of Medical Genetics par des chercheurs de l’Université Harvard associés au Boston Children’s Hospital a montré que 99 % des personnes atteintes du syndrome de Down se disent satisfaites de leur vie, 97 % aiment ce qu’elles sont, 96 % aiment leur apparence, 99 % aiment leur famille, 97 % aiment leur frère ou leur sœur et 86 % disent qu’ils se font des amis facilement. L’étude a également montré que 99 pour cent de leurs parents ont dit qu’ils aimaient leur enfant atteint du syndrome de Down, et 79 pour cent ont dit que leur vision de la vie est plus positive à cause de leur enfant. Et parmi les frères et sœurs de 12 ans et plus, l’enquête a indiqué que 94 pour cent d’entre eux se disaient fiers d’avoir un frère ou une sœur atteint du syndrome de Down, et 88 pour cent se disaient meilleurs grâce à lui ou elle.

 

Je ne vois pas d’autre situation où il y aurait des chiffres aussi élevés parmi des enfants atteints d’une maladie particulière ou sans maladie du tout, et parmi leurs parents, leurs frères et sœurs. Nous pourrions même dire que les enfants atteints du syndrome de Down et leurs familles font tout simplement partie des groupes de personnes les plus heureuses – et le monde est plus heureux grâce à eux.

 

Aujourd’hui, nous aurons l’occasion d’entendre Karen Gaffney, Michelle Sie Whitten, Deanna Smith et Rick Smith nous dire d’où vient ce bonheur contagieux.

 

Je vous remercie de votre présence aujourd’hui et de l’intérêt que vous portez à la protection sociale et à l’accès aux services publics – en fait, à la pleine et effective jouissance de tous les droits de la personne et de toutes les libertés fondamentales – pour toutes les personnes atteintes du syndrome de Down, et de travailler non seulement à bâtir une société qui les inclut, mais qui les aime et bénéficie de leur présence et de tous leurs dons.

 

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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