Témoignage de Daniel Pittet préfacé par le pape François

Témoignage de Daniel Pittet préfacé par le pape François

«J’ai construit ma vie sur ce pardon», explique Daniel Pittet

Un témoignage, consacré par le pape

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Les livres préfacés par le pape François se comptent sur les doigts de la main. D’où l’intérêt de celui de David Pittet : « Mon Père, je vous pardonne », qui vient de paraitre aux Editions Philippe Rey (cf. Zenit du 14 février 2017). Ce laïc suisse très engagé dans l’Eglise, marié et père de famille, a été victime d’abus sexuels de la part d’un prêtre, quand il était enfant. Il raconte son calvaire et ses suites dans un livre, qui constitue pour le pape François « un témoignage nécessaire, précieux et courageux ».
Non seulement, affirme le pape, « des témoignages comme le sien font sauter la chape de plomb qui étouffait les scandales et les souffrances et font la lumière sur une terrible obscurité de la vie de l’Eglise », mais « ils ouvrent la voie à une juste réparation et à la grâce de la réconciliation » et « aident les pédophiles à prendre conscience de l’impact terrible de leurs actes ».
Daniel Pittet a passé son enfance à Romond puis à Fribourg, dans une famille pauvre de Suisse romande. Son père, violent et malade, a été écarté très tôt de la cellule familiale. David et ses quatre frères et sœurs ont été élevés par leur mère et leur grand-mère, toutes deux ferventes catholiques. Après la mort de cette dernière, sa mère a sombré dans la dépression et les enfants ont été placés dans des familles d’accueil successives.
Un jour de juillet 1968, l’enfance déjà précaire de David bascule dans l’horreur. Ce jour-là, le jeune servant d’autel rencontre son violeur, lors d’une messe célébrée par ce dernier à la cathédrale. Ce père capucin « sympatique et attentionné » l’invite dans son couvent pour lui « montrer un merle qui parle, tu sais ». La grand-mère donne sa bénédiction et l’enfant sonne à la porte.
La suite, Daniel Pittet la décrit de façon extrêmement crue, au risque volontaire de « choquer le lecteur » ; parce que sinon, « que comprendrait-il (le lecteur) de la souffrance né d’un viol » ? Citons seulement la conclusion de cet épisode dramatique : « Je me retrouve dans la rue, en miettes. J’ai neuf ans ».
Pris au piège, manipulé, incapable de se confier à un tiers, le jeune Daniel sera pendant quatre ans le « jouet sexuel » de ce « malade, à la double personnalité », au demeurant aumônier des jeunes préadolescents de toute la Suisse romande. Capable d’arracher les larmes par ses sermons et apprécié de tous, se souvient l’auteur, ce prêtre va le violer plus de 200 fois, entre 68 et 72. Le récit sans langue de bois de son calvaire glace le lecteur d’effroi.
L’horreur prend fin grâce à une tante, qui comprend à demi-mots la situation et déclare à l’enfant : « Dès aujourd’hui, tu n’iras plus chez lui ». Et l’auteur de témoigner : « Cette interdiction me libère de l’enfer ! Je cours chez le père pour lui dire que ma tante m’interdit désormais de le voir. Il me viole une dernière fois et tout s’arrête ».
Le prêtre – le Père Joël Allaz – est lui-même une ancienne victime. Pour Daniel Pittet, « il a certainement vécu une enfance atroce. Mais il a choisi de rester dans cette vie-là », alors qu’« on peut toujours choisir de sortir du bourbier ».
Durant son calvaire, étonnamment, l’enfant n’a perdu ni la foi, ni l’espérance. Il a même pardonné à son bourreau. « A douze ans, se souvient-il, je me suis agenouillé devant le Saint Sacrement et j’ai prononcé ces paroles : Jésus, pardonne à ce pauvre con parce qu’il a deux facettes. Il n’y peut rien. Mais tâche de me sortir de ses griffes ». Aujourd’hui il affirme : « beaucoup de personnes ne peuvent pas comprendre que je ne le hais pas. Je lui ai pardonné, et j’ai construit ma vie sur ce pardon ».
Et aussi sur les amitiés qu’il a eu la grâce de nouer par la suite, avec des hommes et des femmes d’exception. Citons pêle-mêle : les moines bénédictins d’Einsiedeln, un riche homme d’affaire suisse, un saint laïc : Georges de Reyff, le cardinal Journet, les pères Guy Gilbert et Daniel Ange, Jean Vanier, Sœur Emmanuelle… et même les trois derniers papes. Sans parler de sa femme, Valérie, et de leurs six enfants. Tous l’ont aidé d’une façon ou d’une autre à aller de l’avant et même, à s’engager activement dans l’Eglise (« une denrée plutôt rare » chez les anciennes victimes, souligne-t-il), notamment à travers l’association « Prier Témoigner ». Jusqu’à être « cet homme enthousiaste et passionné par le Christ » dont parle le pape dans sa préface. Aujourd’hui et malgré les séquelles profondes, « Je suis un homme debout », témoigne de son côté Daniel.
Un jour, parce que sa vie croise celle de Thibault, Daniel décide de sortir du silence où il est muré depuis ses douze ans : « Ce petit ne va pas bien… je l’observe… je sens qu’il souffre du même mal que moi enfant ». L’auteur découvre alors que le violeur de l’enfant est le sien. En d’autres termes, en 1989, Joël Allaz sévit toujours ! Commence alors pour l’auteur un véritable parcours du combattant, pour obtenir reconnaissance et réparation et mettre le prêtre hors d’état de nuire. Ce long combat a révélé l’existence de nombreuses autres victimes.
Le 12 novembre 2016, Daniel Pittet a été confronté à son bourreau. Affirmant « avoir rencontré un pauvre type », il a écrit dans son livre : « Le titre, « Mon Père, je vous pardonne, est à prendre au premier degré. Je n’éprouve ni respect ni compassion pour mon bourreau. Je lui ai pardonné. Grâce au pardon, je ne suis plus sous sa dépendance. Le pardon m’a permis de rompre les chaînes qui m’attachaient à lui et m’auraient empêché de vivre. Aujourd’hui, Je suis libre. »
 

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Elisabeth de Baudoüin

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