«Jésus n’a pas été pressé de se présenter comme le Messie. Dans une petite ville de la périphérie de l’Empire romain, caché dans une famille très simple, ce fils a vécu une vie normale, tout en croissant en grâce et en esprit, jusqu’au moment où arriva l’heure de commencer la mission que lui avait confiée le Père », explique Mgr Follo.
L’Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris, Mgr Francesco Follo, propose ce commentaire théologique et spirituel des lectures de la messe de dimanche, 27 décembre 2015, dimanche dans l’Octave de Noël,
pour la fête de la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph (Année C). Il propose une lecture patristique d’Origène (Homléie sur saint Luc).
Lectures (rite romain) : 1Samuel 1,20-22.24-28; 1Jean 3,1-2.21-24; Luc 2, 41-52.
L’Évangile de la famille
1) D’un temple à l’autre.
A très peu de jours de la solennité de Noël, la liturgie d’aujourd’hui nous donne de célébrer la Sainte Famille de Nazareth. De cette façon, nous sommes invités à contempler et à imiter la vie de la famille « terrestre » de Jésus. Que voyons-nous ? L’Évangile de Saint Luc nous fait voir que dans cette singulière famille, ce n’est pas seulement la figure du Fils de Dieu, la personne divine qui assume totalement l’humanité de sa créature, le Dieu avec nous, le Prince de la paix qui ressort. L’évangéliste met aussi en évidence la maman de Jésus, Marie, et Joseph son époux, collaborateur du dessein divin de salut des hommes et « gardien de la Rédemption. »Saint Jean Paul II
Comment une famille aussi particulière peut-elle être un modèle pour nos familles ? Ce cercle familial, seulement en apparence semblable à tous les autres, est si irremplaçable qu’il nous pousse à croire qu’il est inimitable : un Fils qui est Dieu, une maman qui est la Vierge Immaculée, et un papa qui est le juste par excellence.
Et pourtant Jésus, le Dieu fait homme, nous montre un exemple d’enfant à l’intérieur de sa propre famille pour pouvoir devenir un modèle pour toutes les familles de tous les temps et de tous les lieux.
Jésus n’a pas été pressé de se présenter comme le Messie. Dans une petite ville de la périphérie de l’Empire romain, caché dans une famille très simple, ce fils a vécu une vie normale, tout en croissant en grâce et en esprit, jusqu’au moment où arriva l’heure de commencer la mission que lui avait confiée le Père : une mission qui le conduira à la mort et à la résurrection, faisant de nous, d’un peuple sans lendemain, un peuple appelé à le suivre dans la sainteté et la joie de la plénitude de la vie, aujourd’hui et pour toujours.
En regardant la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph, je crois que nos familles sont poussées à être toujours davantage des petites églises domestiques, où Dieu est présent et où l’on apprend à vivre, en marchant à la lumière de l’Évangile, la Bonne Nouvelle, seul guide sûr dans un monde qui a perdu la vision de la lumière du ciel et qui regarde seulement vers les lumières de la terre.
A ses parents qui le cherchent depuis trois jours, Jésus répond qu’ils doivent savoir que sa vocation est de faire la volonté de son Père. Il est donc resté trois jours dans le temple de son Père à s’occuper justement des affaires de son Père. Puis comme l’Évangile est à vivre dans le quotidien de la vie, il retourne avec Marie et Joseph dans le quotidien de la vie de Nazareth. Il descend avec ses parents à Nazareth et il leur est soumis. Il laisse le Temple pour le « temple domestique » où tout était organisé pour sa présence divine et où son humanité grandit en sagesse et en grâce.
Le Rédempteur a abandonné les maîtres de la loi qui enseignaient dans le Temple de Jérusalem pour être avec Joseph et Marie qui sont maîtres de vie dans cette école particulière qu’est leur maison de Nazareth. Le fils de Dieu apprend d’eux l’art d’être homme. Il regarde sa maman, Marie, qui est tendre et forte mais jamais passive. Il regarde Joseph, son père légale, qui eut envers lui « par don particulier du ciel, tout cet amour naturel, toute cette affectueuse sollicitude que le cœur d’un père peut connaître » (Pie XII cité dans Redemptoris Custos, n.8)
2) La Sainte Famille comme école de la famille, modèle réel et non pas seulement idéal.
La vie simple de Jésus, Marie et Joseph ressemble tellement à la nôtre. Marie est une maman comme nos mamans, attentive et vigilante, mais surtout, en tant qu’immaculée et donc toute donnée à Dieu, elle aura éduqué son fils au vrai sens de la vie qui est d’accomplir la mission que le Père lui avait confiée en l’envoyant parmi nous. La maison de Nazareth n’est donc pas seulement une école pour Jésus, mais aussi pour nous, comme l’enseigne le Bienheureux Pape Paul VI: « La maison de Nazareth est l’école où l’on commence à comprendre la vie de Jésus, c’est à dire l’école de l’Évangile. Là, on apprend à observer et à écouter, à méditer, à pénétrer la signification si profonde et si mystérieuse de cette manifestation du Fils de Dieu, si simple, humble et belle. » (Homélie à Nazareth, 5 janvier 1964).
L’Evangile de Saint Luc nous raconte la vie quotidienne et sainte de Joseph et de Marie qui dans leurs hésitations, leurs interrogations, leurs façons de faire, leurs faiblesses, loin de la perfection et de l’idéal, ressemblent à tant de parents. Ils sont en même temps le modèle réel et originel de la famille, où coexistent la virginité, la conjugalité et la parentalité. Maintenant, le Seigneur demande aux époux chrétiens que se réalise par leur union la double finalité du mariage : le bien des époux eux-mêmes et la transmission de la vie. On ne peut pas séparer ces deux valeurs du mariage sans altérer la vie spirituelle du couple et compromettre les biens du mariage et l’avenir de la famille. Il est demandé aux époux chrétiens de vivre dans la chasteté conjugale. A cet égard le catéchisme de l’Église catholique enseigne : « Les actes qui réalisent l’union intime et chaste des époux sont des actes honnêtes et dignes. Vécus d’une manière vraiment humaine, ils signifient et favorisent le don réciproque par lequel les époux s’enrichissent tous les deux dans la joie et la reconnaissance. » (n. 2362)
La virginité cependant au sens propre appartient aux consacrés et renvoie à l’éternité. Mais la virginité est quand même constitutive de la famille originelle, il existe donc un lien indissoluble entre les époux chrétiens et les consacrés pour le Royaume de Dieu et ce lien se trouve dans la Sainte Famille de Nazareth.
Les vierges consacrées dans le monde témoignent que la virginité n’est pas de ne pas avoir des affections, même si elle implique de renoncer à une famille charnelle et au rapport physique avec un homme, mais c’est être totalement disponible au devoir de fécondité spirituelle et concrète auquel le Seigneur les a appelées. Le Christ est au cœur du mariage chrétien et les vierges consacrées témoignent qu’en donnant tout au Christ, la vie est vraiment féconde. Comme la vierge Marie, elles conservent dans leur cœur un mystère plus grand qu’elles et le portent dans le monde.
Saint Augustin très justement enseigne l’importance de la maternité spirituelle qui ne s’oppose pas à la maternité charnelle : « L’Église reproduit le modèle de la mère de son époux et de son sauveur et elle est, elle aussi, mère et vierge. Si en effet, elle n’est pas vierge, pourquoi tant se préoccuper de son intégrité ? Et si elle n’est pas mère, de qui sont ces enfants à qui nous adressons la parole ? Marie mit au monde physiquement le Chef de ce corps ; l’Église génère spirituellement les membres de ce Chef. Dans un cas comme dans l’autre, la virginité ne fait pas obstacle à la fécondité et la fécondité ne fait pas obstacle à la virginité. L’Église est toute entière sainte de corps comme d’esprit mais dans ses membres, elle n’est vierge que d’esprit et non pas de corps. De quelle sainteté ne devra-t-elle donc pas briller dans ceux de ses membres qui conservent à la fois la virginité dans le corps et dans l’âme ? Un jour – raconte l’Évangile – la mère et les frères de Jésus (c’est à dire ses cousins) se firent annoncer mais restèrent dehors parce que la foule ne leur permettaient pas de s’approcher (du maître). Jésus dit ces paroles : Qui est ma mère ? Et qui sont mes frères ? Et étendant la main vers ses disciples, il dit : Voici mes frères ! Et quiconque fait la volonté de mon père, celui-là est mon frère, ma mère et ma sœur » (La sainte viriginité, 2.2-3.3)
Les vierges consacrées montrent que l’exemple de Marie, Vierge et Mère, est actuelle et possible même aujourd’hui et elles sont appelées à vivre une maternité de grâce.
Marie a ouvert la route à toutes les femmes qui, à sa suite, accueillent l’appel divin à donner tout leur cœur au Seigneur dans la virginité. Certes, ce ne sont pas seulement les femmes qui sont appelées à la vie virginale ; il faut rappeler que le Christ lui aussi s’est engagé sur cette voie et il y a engagé aussi ses apôtres.
Toutefois l’expression des «épousailles avec Dieu» convient davantage à la femme. Les vierges chrétiennes ont été considérées depuis l’antiquité comme les épouses du Christ. On peut dire qu’elles représentent, de la manière la plus appropriée et la plus complète, la qualité d’épouse du Christ que l’on attribue à l’église. Les vierges consacrées personnifient cette relation d’épouse du Christ.
Lecture patristique Origène (+ 253)
Homélies sur saint Luc, 18, 2-5 (SC 87, 266-271)
Comme il avait douze ans, il demeure à Jérusalem. Ne sachant où il est, ses parents le cherchent avec inquiétude et ne le trouvent pas. Ils le cherchent parmi leurs parents, ils le cherchent parmi leurs compagnons de route, ils le cherchent parmi leurs connaissances (Lc 2,44), et ils ne le trouvent pas. Jésus est donc recherché par ses parents, par son père nourricier qui l’avait accompagné dans sa descente en Égypte, et pourtant ils ne le trouvent pas aussitôt qu’ils le cherchent. Car on ne trouve pas Jésus parmi les parents et parmi les proches selon la chair, parmi ceux qui lui sont unis par le corps. Mon Jésus ne peut être trouvé dans la foule.
Apprenez-donc où l’ont découvert ceux qui le cherchaient, afin que vous aussi, en le cherchant avec Marie et Joseph, vous puissiez le découvrir. A force de le chercher, dit l’évangéliste, ils le trouvèrent dans le Temple (Lc 2,46). Non pas n’importe où, mais dans le Temple, et là, en outre, au milieu des docteurs de la Loi qu’il écoutait et interrogeait (Lc 2,46-47). Vous aussi, cherchez Jésus dans le Temple de Dieu, cherchez-le dans l’Église, cherchez-le auprès des maîtres qui sont dans le Temple et n’en sortent jamais. Si vous cherchez ainsi, vous le trouverez. Mais si quelqu’un se dit un maître, et ne possède pas Jésus, il n’est maître que de nom, et on ne peut trouver auprès de lui Jésus, qui est le Verbe et la Sagesse de Dieu. <>
Ils le trouvent assis au milieu des docteurs, et non seulement assis, mais les interrogeant et les écoutant. Maintenant encore Jésus est ici: il nous interroge et il nous écoute parler. Et tous étaient dans l’admiration (Lc 2,48). A propos de quoi? Non de ses interrogations, bien qu’elles fussent admirables, mais de ses réponses (Lc 2,47).
Dans la sainte Écriture, « répondre » ne désigne pas un simple dialogue, mais un enseignement. Que la loi divine te l’apprenne: Moïse parlait, et Dieu lui répondait par sa voix (cf. Ex 19,19). Tantôt Jésus interroge, tantôt il répond et, nous l’avons dit, bien que son interrogation soit admirable, sa réponse l’est bien davantage. Pour que nous puissions l’entendre, nous aussi, et qu’il nous propose des questions qu’il résoudra lui-même, supplions-le et cherchons-le avec beaucoup d’efforts et de douleur, et alors nous pourrons trouver celui que nous cherchons. Ce n’est pas pour rien qu’il est écrit: Moi et ton père, nous te cherchions tout affligés (cf. Lc 2,49). Celui qui cherche Jésus ne doit pas chercher avec négligence, mollement, par intermittence, ainsi que certains le cherchent et qui, à cause de cela, ne peuvent le trouver. Quant à nous, disons: Nous te cherchons tout affligés.
Et quand nous lui aurons parlé ainsi, il répondra à notre âme qui se fatigue à le chercher dans la douleur: Ne le saviez-vous pas? C’est chez mon Père que je dois être (Lc 2,49-50).
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L’Évangile de la famille
«Dans une petite ville de la périphérie de l’Empire romain… »