« La miséricorde est une doctrine », explique le cardinal Georges-Marie Cottier, o.p., théologien émérite de la Maison pontificale, dans une longue interview par le directeur de la revue des jésuites italiens La Civiltà Cattolica, Antonio Spadaro.
« La miséricorde est une doctrine. C’est le cœur de la doctrine chrétienne. Seule une mentalité étroite peut défendre le légalisme et imaginer la miséricorde et la doctrine comme deux choses distinctes », explique le théologien suisse.
Il rappelle que c’est saint Jean-Paul II qui a institué le Dimanche de la miséricorde divine, et il souligne que l’Église « de nos jours, a compris que personne, quelle que soit sa position, ne doit être laissé seul » : « Nous devons accompagner les personnes, les justes comme les pécheurs. »
Cette annonce de la miséricorde est même une « mission prioritaire de l’Église » dans l’Esprit-Saint qui « a conduit l’Église à prendre de plus en plus conscience de sa mission prioritaire qui est d’annoncer au monde la force souveraine de la divine miséricorde. »
La miséricorde doit donc « marquer de son sceau toutes les initiatives pastorales de l’Église » : « Il est nécessaire que ce message rejoigne absolument tout le monde. »
Il souligne l’adjectif « divine » en précisant que la miséricorde que l’Église « a la mission de faire rencontrer est la miséricorde divine », « ce n’est donc pas seulement une espèce d’empathie à l’égard de la souffrance humaine ».
Il indique aussi le but ultime de cette pastorale de la miséricorde : « Les initiatives de miséricorde, entreprises en faveur de ceux qui vivent des situations douloureuses apparemment sans issue, doivent avec la compassion et le soulagement, aider la personne souffrante à ouvrir son cœur à la confiance dans le Père de la miséricorde. »
Pour ce qui est de l’annonce de l’Évangile aujourd’hui et face à des phénomènes comme la sécularisation et le relativisme, le cardinal Cottier est convaincu que « les moyens humains contribuent » à l’expansion du Royaume de Dieu. Cependant, il ajoute : « Je suis convaincu qu’aujourd’hui, de manière particulière, il revient aux choses divines de protéger les choses humaines et de les vivifier. Au lieu de se retrancher derrière la forteresse de leurs œuvres, les chrétiens devraient entrer dans les profondeurs du monde, en comptant sur la force de Dieu qui est la force de l’amour et de la vérité. Ce sont les choses divines qui sauveront les choses humaines. Les moyens humains de défense de la civilisation deviennent de plus en plus inadéquats face à la gravité de la crise de la culture. »
Pour ce qui est du synode pour la famille, cardinal Cottier dit souhaiter une pastorale nouvelle « qui réponde à la gravité de la crise » parce que « la pratique actuelle est devenue insuffisante ».
Il s’interroge aussi sur la situation des familles blessées, sur les personnes « divorcées remariées », sur les enfants « victimes du divorce de leurs parents ».
Il invite à « respecter les coordonnées essentielles de la vie spirituelle des personnes » : « Il y a une brutalité inhérente au rigorisme, qui est contraire à la délicatesse avec laquelle Dieu guide chaque personne. ».
« Il ne fait aucun doute, affirme-t-il, que l’Année de la miséricorde éclairera les travaux du synode 2015 et en caractérisera le style ».
« Quel que soit le jugement exprimé, il doit toujours être présenté et expliqué dans un langage qui fasse comprendre clairement la sollicitude maternelle de l’Église », insiste le cardinal Cottier.
Il rappelle que le pape François « insiste sur la beauté et la joie de la vie chrétienne que l’Église doit présenter » : « Par la voix de ses pasteurs, l’Église doit toujours faire comprendre qu’elle est guidée par les exigences de la miséricorde divine », conclut le cardinal Cottier.
Traduction de Constance Roques