Dans son encyclique « Laudato Si’, le souci de la maison commune », le pape François déploie « sa perspective propre et confère ainsi au processus de sensibilisation écologique une dynamique toute nouvelle », affirme le cardinal Gerhard Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, dans le guide de lecture de l’encyclique publiée aux éditions Parole et Silence / Collège des Bernardins.
A tous les hommes de bonne volonté
Pour le cardinal, le thème principal de l’encyclique « est la responsabilité de tous les hommes envers la terre vue comme notre ‘maison commune’ » : « Tous les habitants de la terre, dans la crise écologique actuelle qui met en jeu l’avenir de l’humanité sur notre planète, doivent prendre soin de la grande et belle demeure où Dieu, Créateur et Père, a donné à tous une place et un foyer. »
« Avec cette encyclique, le pape François s’adresse à tous les hommes de bonne volonté. Il les invite tous à un dialogue amical sur la crise écologique et sociale qui menace notre maison commune et il demande de suivre une voie commune pour répondre à ce défi mondial », ajoute-t-il.
« Il ne s’agit pas de considérations théoriques avec quelques objectifs pratiques. Le pape ne veut pas seulement une amélioration dans des détails, mais une conversion fondamentale au vu de l’aggravation critique de la situation générale, qui ne permet plus d’esquive » : le tournant écologique « doit être universel » et concerner « tous les hommes, tous les groupes sociaux et toutes les communautés religieuses ».
Dans la continuité du magistère mais unique
Le pape François s’inscrit dans la continuité du magistère, souligne le cardinal : « Déjà Jean XXIII, dans son Encyclique Pacem in terris, s’était adressé avec son engagement pour la paix au monde catholique, mais aussi à « tous les hommes de bonne volonté ». Paul VI a pris explicitement en considération la situation dramatique de l’environnement et a parlé de la nécessité d’une conversion radicale. Jean Paul II a forgé l’expression d’ »écologie humaine » pour mettre en exergue l’unité intérieure de l’homme dans le monde comme être naturel et corporel en même temps que moral et spirituel. Le pape François, finalement, se réfère souvent à son prédécesseur et surtout au discours devant le Bundestag du 22 septembre 2011, où le pape Benoît XVI a mis le doigt sur la plaie de la crise actuelle : se détourner du chemin d’autodestruction de l’humanité n’est possible que si la nature et les hommes ne sont plus instrumentalisés du point de vue de l’utilité économique et de la manipulation politique et médiatique de la pensée. »
« Mais la référence à la tradition magistérielle des papes n’empêche pas le pape François de déployer sa perspective propre et de conférer ainsi au processus de sensibilisation écologique une dynamique toute nouvelle », souligne-t-il : « L’expérience quotidienne vécue par le pape François dans sa patrie argentine joue aussi un rôle. L’atmosphère du grand continent latino-américain se fait sentir. »
La dynamique toute nouvelle est donnée par « deux des objectifs fondamentaux de ce pontificat : le souci pour la terre comme maison commune de tous les hommes et l’amour envers les pauvres, afin que la répartition du monde entre d’une part des centres puissants et d’autre part des périphéries existentielles et sociales oubliées puisse être surmontée ».
Un changement de cap complet
Le pape plaide pour « une réorientation fondamentale de notre vision du monde » et « un changement de cap complet de l’humanité » : il faut « un débat sérieux et sans préjugés entre toutes les parties concernées pour trouver ensemble une solution viable », explique le cardinal.
L’humanité doit passer par « une prise de conscience de l’origine commune en Dieu, notre Créateur et Père, et la compréhension d’une solidarité en tant que frères et sœurs dans la création de Dieu… Le style de vie qui a de l’avenir n’est pas celui du consumérisme et de la jouissance, mais celui de la reconnaissance et la confiance sereine en Dieu. Un nouveau style de vie au quotidien, mais aussi le mouvement généreux de l’humilité envers Dieu, de l’intimité familiale vécue les uns avec les autres et surtout de l’identification réelle du Christ avec les pauvres ». Tel est le chemin de la conversion écologique.
« Quand le Saint-Père parle d’une « conversion écologique » (n. 216), il s’agit de la disposition, dans la rencontre avec le Christ, à tirer toutes les conséquences nécessaires pour la relation avec les hommes et avec l’environnement » et notamment « accepter la corporéité masculine et féminine particulière comme don de Dieu et comme reflet de sa bonté ».
Pour le cardinal, « le développement de la pensée de l’encyclique atteint son sommet quand le Saint-Père expose le mystère de l’eucharistie avec une référence au jour du Seigneur, le dimanche, comme jour de la transformation et du salut de toute la création dans le corps transfiguré du Christ ressuscité : « L’eucharistie unit le ciel et la terre, embrasse et pénètre tout le créé » (n. 237) ».
« En Marie, conclut-il, de laquelle le Fils de Dieu le Père a assumé la nature humaine par l’action de l’Esprit Saint, nous connaissons la beauté de la vocation humaine, de la rédemption et de l’accomplissement dans l’âme et dans le corps. Dans la mère de Jésus, « pleine de grâce » (cf. Lc 1,28), nous saisissons le but de la création dans la venue du ciel nouveau et de la terre nouvelle (cf. Ap 21,1). »
Source: Editions Parole et Silence/Les Bernardins