CVX (3/4) : « Nous avons besoin de prêtres qui prient ! »

Le pape François répond aux interrogations d’un prêtre diocésain formateur de séminaristes

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« Nous avons besoin de prêtres qui prient ! » : dans cette troisième partie du dialogue avec les Communautés de vie chrétienne (CVX) d’Italie et la Ligue missionnaire des étudiants italiens, le pape François répond aux interrogations d’un prêtre diocésain, formateur de séminaristes.

Le pape a reçu le 30 avril 2015 la Communauté de vie chrétienne (CVX) et la Ligue missionnaire des étudiants, à l’occasion de l’ouverture du Congrès national italien des deux groupes de spiritualité ignacienne, qui s’est tenu à Frascati du 30 avril au 3 mai, sur le thème « Au-delà des murs ».

Au cours de la rencontre, le pape a répondu d’abondance de cœur à quatre questions des participants (cf. Zenit du 5 mai 2015 pour la première question). Dans la deuxième réponse (Zenit du 7 mai 2015), il a médité sur l’espérance.

A.B.

Dialogue avec le pape François (3e partie)

P. Bartolo – Très cher Saint-Père, je m’appelle Bartolo et je suis prêtre diocésain depuis neuf ans. Actuellement, la mission qui m’est confiée est celle de formateur de séminaristes et enseignant au Séminaire interrégional de Naples, dirigé par les pères jésuites, un lieu où l’on considère souvent les choses comme acquises : la formation en général… Depuis une dizaine d’années, je collabore avec le père Massimo Nevola dans l’animation de camps missionnaires, en particulier à Cuba, que l’on propose à des jeunes adultes de la Ligue missionnaire des étudiants. À travers ces expériences, j’ai touché du doigt les blessures du Seigneur dans la pauvreté des hommes de notre temps, ce qui m’a ébranlé et m’a poussé à chercher davantage son visage. Et cela a fortifié ma vocation sacerdotale, que je perçois de plus en plus comme un don pour toute l’humanité et l’Église. Je voulais vous demander, étant donné la présence de nombreuses paroisses : quel apport spécifique peut offrir un mouvement d’inspiration ignatienne, comme CVX, pour la formation chrétienne des animateurs en pastorale, et comme la Ligue missionnaire des étudiants pour l’implication des jeunes et leur éducation à la mondialité ? Merci.

Pape François Le président a rappelé une devise ignatienne : « contemplatif dans l’action ». Être contemplatif dans l’action ne signifie pas avancer dans la vie en regardant le ciel, parce que tu tomberas dans un trou, c’est sûr !… Il faut comprendre ce que signifie cette contemplation. Tu as dit quelque chose, une expression qui m’a frappé : j’ai touché du doigt les blessures du Seigneur dans les pauvretés des hommes de notre temps. Et je crois que c’est un des meilleurs médicaments pour une maladie qui nous touche tellement, qui est l’indifférence. Et aussi le scepticisme : croire qu’on ne peut rien faire. Le patron des indifférents et des sceptiques est Thomas : Thomas a dû toucher les blessures. Il y a un très beau discours, une très belle méditation de saint Bernard sur les plaies du Seigneur. Tu es prêtre, tu peux la trouver dans la troisième semaine du carême dans l’office des lectures, je ne me souviens pas quel jour. Entrer dans les blessures du Seigneur : nous servons un Seigneur blessé d’amour ; les mains de notre Dieu sont des mains blessées d’amour. Être capable d’entrer là…

Et Bernard poursuit : « Aie confiance : entre dans la blessure de son côté et tu contempleras l’amour de ce cœur ». Les blessures de l’humanité, si tu t’en approches, si tu touches – et c’est la doctrine catholique – tu touches le Seigneur blessé. Tu le trouveras dans Matthieu 25, je ne suis pas hérétique en disant cela ! Quand tu touches les blessures du Seigneur, tu comprends un peu plus le mystère du Christ, de Dieu incarné. C’est justement le message d’Ignace, dans la spiritualité : une spiritualité où Jésus-Christ est au centre, et non les institutions, non les personnes, non ! Jésus-Christ. Mais le Christ incarné ! Et quand tu fais les Exercices spirituels, il te dit qu’en voyant le Seigneur qui souffre, les blessures du Seigneur, efforce-toi de pleurer, d’éprouver de la douleur. Et la spiritualité ignatienne donne à votre mouvement cette voie, elle offre cette voie : entrer dans le cœur de Dieu à travers les blessures de Jésus-Christ. Le Christ blessé dans ceux qui ont faim, dans ceux qui sont ignorants, qui sont rejetés, dans les personnes âgées seules, dans les malades, dans ceux qui sont en prison, dans ceux qui sont fous… il est là.

Et quelle pourrait être la plus grande erreur pour l’un de vous ? Parler de Dieu, trouver Dieu, rencontrer Dieu, mais un Dieu, un « Dieu-vaporisateur », un Dieu diffus, un Dieu éthéré… Ignace voulait que tu rencontres Jésus-Christ, le Seigneur qui t’aime et a donné sa vie pour toi, blessé à cause de ton péché, à cause de mon péché, à cause de tous… Et les blessures du Seigneur sont partout. La clé est justement dans ce que tu as dit. Nous pouvons beaucoup parler de théologie, beaucoup… de bonnes choses, parler de Dieu… mais la voie est que tu sois capable de contempler Jésus-Christ, de lire l’Évangile, ce qu’a fait Jésus-Christ : c’est lui, le Seigneur ! Et d’être amoureux de Jésus-Christ et de dire à Jésus-Christ de te choisir pour que tu le suives, pour que tu sois comme lui. Et cela se fait dans la prière, et aussi en touchant les blessures du Seigneur. Tu ne connaîtras jamais Jésus-Christ si tu ne touches pas ses plaies, ses blessures. Il a été blessé pour nous. C’est cela la route, c’est la route que nous offre à tous la spiritualité ignatienne : le chemin…

Et je vais un peu plus loin : tu es formateur de futurs prêtres. S’il te plaît, si tu vois un garçon intelligent, bien, mais qui n’a pas fait cette expérience de toucher le Seigneur, d’embrasser le Seigneur, d’aimer le Seigneur blessé, conseille-lui de partir et de prendre un bon temps de vacances pendant un ou deux ans… et cela lui fera du bien. « Mais, Père, il y a peu de prêtres parmi nous : nous en avons besoin… ». S’il te plaît, que l’illusion de la quantité ne nous trompe pas et ne nous fasse pas perdre de vue la qualité ! Nous avons besoin de prêtres qui prient. Mais qui prient Jésus-Christ, qui défient Jésus-Christ pour leur peuple, comme Moïse qui a eu le toupet de défier Dieu pour sauver le peuple que Dieu voulait détruire, en se tenant courageusement devant Dieu ; des prêtres qui aient aussi le courage de souffrir, de supporter la solitude et de donner beaucoup d’amour.  Ce discours de Bernard sur les plaies du Seigneur vaut aussi pour eux. Compris ? Merci.

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ZENIT Staff

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