Réponse à un lecteur (suite). La méthode.

Les indices pensables Episode 54 par Brunor

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Résumé : Suite de la réponse à un  lecteur, qui exprimait une difficulté quant à la méthode adoptée par l’enquête des indices pensables, ce qui me donne une occasion de m’en expliquer, car il pourrait ne pas être le seul. 

(…) Cher René, votre courrier insiste sur le nécessaire « respect des niveaux d’analyse et les enjeux de compréhension »…
Assurément je suis d’accord avec vous et c’est un aspect essentiel sur lequel je reviens dans plusieurs des albums. Par exemple dans le Tome 4 p. 30, on voit Aristote insister sur les DEUX registres très différents que sont  « physique et métaphysique » à ne confondre sous aucun prétexte !  Déjà le Tome 3 abordait cette question avec la métaphore des Sumos, et comme vous pourrez le vérifier, j’ai développé sur plusieurs pages ce thème du respect des niveaux d’analyse. C’est un thème fondamental pour mon enquête, car tant d’abus viennent de cette confusion des niveaux entre les faits scientifiques indiscutables et les interprétations philosophiques qui, par définition, sont toujours discutables…

Le Tome 5  y revient, et devrait vous éclairer sur certains points :
J’ai cru bon d’y récapituler la méthode de la démarche générale des « indices pensables ». Ainsi vous pourrez lire à la page 17 la raison d’être de cette confrontation entre les paradigmes et le réel, que je rappelle ici :
« Les auteurs de tous ces textes anciens comme la Bible, n’ont absolument pas cherché à rédiger un traité scientifique… Le mot sciences n’existait pas, le concept non plus…
Mais on constate qu’ils ont posé des affirmations sur des sujets comme le Soleil, l’Univers, les vivants… qui sont devenus aujourd’hui vérifiables par l’outil scientifique… » (1)

A partir de ce constat, l’enquête devient possible : elle n’apportera JAMAIS aucune preuve de l’existence du Dieu de la Bible et de Jésus Christ, car les sciences ne pourront jamais prouver :
– ni l’existence de Dieu
-ni la non-existence de Dieu.

Car comme vous, je rappelle à plusieurs reprises que cette question n’est pas de la compétence des sciences :
Aucune science ne pourra jamais déclarer « Dieu existe ».
Aucune science ne pourra jamais déclarer « dieu n’existe pas. » (2) 
Car cette question appartient au domaine de la métaphysique, elle est de l’ordre de l’interprétation qui est, par définition « toujours discutable ».
Un dialogue s’engage :
-Alors ? Quels sont ces indices dont nous pourrions disposer selon Brunor ?
-Des indices tirés de notre meilleure lecture de l’Univers et de tout ce qu’il contient, grâce aux progrès des sciences expérimentales.
-Mais vous venez de dire que ces sciences expérimentales ne pouvaient rien nous dire sur Dieu qui est hors de leur domaine physique !?
-Oui en effet, c’est impossible « in recto » de façon directe,  mais cela est devenu possible « in obliquo » de façon indirecte.
– ?!? Comment ?
– Grâce au fait que chaque paradigme (3) énoncé par les cultures de l’humanité présente une cohérence interne.
-C’est-à-dire ?
-Chaque représentation du monde a entrepris de donner de façon plus ou moins mythique, son explication du monde à travers  4 grands thèmes ou 4 grandes questions qui sont pratiquement toujours les suivantes :
1-le cosmos ? Comment est-il fait et qu’est-ce que c’est ?
2-les êtres vivants ? Comment sont-ils faits et  qu’est-ce que c’est ?
3-les êtres humains ? Comment sont-ils faits et  qu’est-ce que c’est ?
4-Tout cela est-il l’œuvre d’un seul dieu ? Plusieurs ? Ou pas du tout ?

Quatre grands thèmes qui, à l’intérieur de chaque paradigme, sont en cohérence entre eux.

Or les trois premiers thèmes appartiennent tous les trois à L’univers physique et les affirmations posées à leur propos sont, pour une grande part, devenues vérifiables depuis le milieu du XX° siècle : grâce aux progrès des sciences expérimentales :
-l’astrophysique (sur le Soleil son âge sa fin, la Terre, son âge…  l’Univers entier, son âge, son expansion, sa fin annoncée…)
-La biologie ( conditions nécessaires à l’apparition de la vie, les atomes s’organisent ils seuls, sans instructions  intelligente pour composer des êtres vivants ? Les langages de l’ADN et des protéines…)
-la paléontologie et la géologie sur les étapes de construction, etc.

Donc les trois premiers thèmes, qui n’étaient pas vérifiables pendant 3 ou 4 mille ans, sont aujourd’hui devenus vérifiables, ce que constitue un tournant considérable dans l’histoire de la pensée. Car cela nous permet déjà de nous libérer de fausses croyances comme la terre plate, la terre éternelle, le soleil éternel,  la génération spontanée, le racisme pseudo scientifique dont l’antisémitisme… etc.

Les trois premiers thèmes ont donc commencé à devenir vérifiables, car ils relèvent de la compétence des sciences expérimentales, le 4 ° thème (question de Dieu) est par définition invérifiable par ces sciences, comme on vient de le voir.
Mais ces quatre thèmes sont intiment liés.  Aussi  liés que pouvaient l’être, par exemple, les trois mousquetaires qui, comme on le sait étaient quatre.
Et comme chacun sait, leur devise était : « Un pour tous, tous pour un. »
Comme les mousquetaires, ces 4 grands thèmes sont inséparables. (Vous me pardonnerez cette métaphore très Bd ! Mais pour le dessinateur que je suis, elle me semble bien illustrer le propos et elle a le mérite d’être mnémotechnique : quand on l’a entendue, on s’en rappelle.)

Cette métaphore des trois mousquetaires permet de comprendre comment les progrès des sciences expérimentales constituent une révolution considérable pour la pensée, car nous pouvons y voir beaucoup plus clair et mesurer si tel ou tel paradigme est encore compatible avec  le réel, ou pas.

Car il est devenu désormais possible de comparer tous les paradigmes dont nous disposons.
 
Selon les lois statistiques, en étudiant les énoncés de tous ces paradigmes, nous devrions nous attendre à compter à peu près le même nombre d’énoncés exacts et d’énoncés erronés. Autrement dit, à l’arrivée, ces grands courants de pensée en compétition devraient tous être à peu près ex aequo.
Par exemple, n’ayant aucun moyen pour savoir si le soleil a eu un commencement ou non, on s’attendrait à ce que la moitié des cultures réponde oui et l’autre moitié non. Une répartition assez logique… Or ce n’est pas le cas. Nous observons, et chacun peut le vérifier, qu’une culture se singularise (les Hébreux) et cette singularité devient donc pertinente, car elle est statistiquement improbable. Mais nous n’en tirons aucun conclusion hâtive, uniquement la curiosité de poursuivre l’enquête pour voir si ce phénomène de réussite se reproduit ou pas.

Donc, si on observe des réponses originales, elles deviennent pertinentes et interpellent la curiosité du chercheur. Car il n’est pas seulement question ici de poésie ou de récit cultuel ou de mythe religieux, mais véritablement ce sont des représentations cohérentes du monde qui sont en jeu, cela concerne la compréhension du réel exprimé par chaque culture : quand les hébreux affirment au péril de leur vie que le soleil n’est qu’une « lampe », et que l’empereur n’est pas un dieu mais un simple mortel, ce n’est pas de la poésie, c’est sérieux. Beaucoup de fils d’Israël sont morts pour avoir eu ce courage d’une intelligence des choses qui ose aller jusqu’au bout de la cohérence, en refusant de s’incliner devant l’empereur comme un devant un dieu, ou devant d’autres « idoles ».

C’est sur ces bases que nous entreprenons donc l’enquête pour cher
cher des indices vérifiables. Enquête sur la question de Dieu, où nous n’avons en ce monde (à ma connaissance) aucune preuve. Il faut toujours le rappeler tant le désir de rassurement par des preuves est manifeste. (4)

 Car, le cas échéant, il serait intéressant de savoir si tel ou tel paradigme se détachait en tête de cette compétition,  pour avoir répondu de façon juste à un certain nombre de questions dont nous connaissons depuis peu les réponses. 
Nous cherchons objectivement si éventuellement, telle culture pourrait avoir mieux décrit le monde que les autres… Bien entendu nous ne cherchons que ce qui concerne les questions vérifiables (nos fameux 3 mousquetaires) le 4° étant invérifiable, pour le moment, nous le laissons de côté.
Parenthèse :
Au passage, je suis évidemment d’accord avec vous sur ce constat que certaines civilisations comme les Babyloniens, ont pu élaborer une science du cycle des étoiles remarquable, mais ce n’est pas cela dont il est question dans l’enquête, ce n’est pas du tout notre objet d’étude, pas plus que de chercher à savoir quel peuple a inventé la roue ou la poudre à canon… On ne cherche pas quelle culture serait la plus géniale, la plus inventive, la plus artiste ou observatrice ou autre … On cherche si telle culture a énoncé un paradigme proche du réel ou pas. Une représentation du monde compatible avec la réalité du monde tel qu’il est, une fois qu’il est débarrassé des fausses croyances.

Ne pensez-vous pas que si telle culture nous relatait un paradigme compatible avec le réel tel que les sciences expérimentales nous le font découvrir, il y aurait là matière à interpeller notre curiosité ?
Eh bien, c’est le cas avec les enseignements d’Aristote, et des hébreux.

Reste à leur demander comment ils ont fait pour avoir vu le monde de façon si juste… (5)

Sincèrement j’espère que ces lignes  contribueront à lever ces malentendus qui m’attristent.

N’hésitez pas à me joindre pour tout complément d’information.

Bien amicalement

Brunor

(1)  Chose que Tom disait d’une autre façon, dès le Tome 1 des indices pensables, page 15.

(2)    Tome 4 p 30

(3)  Le mot paradigme vient du grec ancien paradeïgma qui signifie modèle. Un paradigme est une représentation du monde, un modèle cohérent de vision du monde.

(4)  Pour ma part, je ne connais pas de preuve de l’existence de Dieu. Tout au mieux la preuve de l’existence de ce que Parménide nomme l’Être Absolu, ce qui est déjà beaucoup, mais qu’il serait abusif d’identifier au Dieu de la Bible et de Jésus-Christ sans en avoir effectué une démonstration intelligible qui est devenue possible*. Mais une déclaration ne suffit pas.
*Comme nous venons de le montrer et où nous disposons e nombreux ’indices qui ont le mérite d’être vérifiables. Mais je ne connais pas de preuves. On peut aussi se demander si une preuve, par définition contraignante, serait compatible avec l’exercice de la liberté ?

(5)  Voir le tome 5

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