Pour reformer le « pacte éducatif » qui a été « rompu » dans les sociétés du monde, le pape invite les pays à « chercher dans [leur] tradition les éléments fondateurs de la patrie », « en partant de ce qui a donné du sens à la nation », pour « en tirer l’universalité qui harmonise ».
Le pape François a participé à la cérémonie de clôture du IVe Congrès mondial éducatif de « Scholas Occurrentes », qui a eu lieu du 2 au 5 février 2015 au Vatican, sur le thème « Responsabilité sociale éducative. Un engagement de tous les acteurs ».
Au cours de la rencontre avec les quelque 300 participants, dans la salle du synode du Vatican, le pape a échangé en liaison vidéo avec sept jeunes handicapés de divers endroits du globe – États-Unis, Amérique du sud, Afrique, Australie, Moyen-Orient.
Discours de clôture du pape François
Je vous remercie avant tout de l’effort que vous avez fait pour participer à ce IV congrès. Je vous remercie pour vos contributions qui sont le fruit de votre expérience.
Il y a une chose qui me préoccupe beaucoup : comment obtenir des harmonies ? Cela qui ne consiste pas simplement à atteindre des compromis, des accords, des compréhensions partielles. L’harmonie c’est, d’une certaine façon, créer une compréhension des différences, accepter les différences, valoriser les différences et les laisser s’harmoniser, qu’elles ne se fragmentent pas.
Le message de la Lumsa, que nous avons écouté, reprenait une phrase que j’ai dite : « Nous ne changerons pas le monde, si nous ne changeons pas l’éducation ». Et il y a quelque chose de totalement disharmonique. Je pensais que c’était seulement en Amérique latine ou dans quelques pays d’Amérique latine, car c’était ce que je connaissais le mieux. Mais c’est dans le monde. C’est le pacte éducatif, le pacte éducatif qui se crée entre la famille, l’école, la patrie et la culture. Il s’est rompu, complètement rompu et on ne peut plus le rattacher. Le pacte éducatif rompu signifie que la société, la famille, les diverses institutions délèguent toutes l’éducation aux agents éducatifs, aux enseignants qui – généralement mal payés – ont sur leurs épaules cette responsabilité et s’ils n’obtiennent pas un succès, on les réprimande. Mais personne ne réprimande les diverses institutions qui ont négligé le pacte éducatif, qui l’ont délégué au professionnalisme d’un enseignant. Je veux rendre hommage aux enseignants, parce qu’ils se sont retrouvés avec cette pomme de terre brûlante dans les mains et ils ont eu le courage d’avancer.
« Scholas » veut, en quelque sorte, réintégrer l’effort de tous pour l’éducation, veut refaire le pacte éducatif de manière harmonique parce que c’est seulement de cette façon, si nous tous qui sommes responsables de l’éducation de nos enfants et de nos jeunes, nous nous harmonisons, que l’éducation pourra changer. C’est pour cela que Scholas cherche la culture, le sport, la science ; c’est pour cela que Scholas cherche les ponts, sort de ce qui est « petit » et va chercher plus loin. Aujourd’hui elle met en œuvre cette interaction, cette connaissance, sur tous les continents. Mais Scholas cherche aussi à harmoniser l’éducation même de la personne du garçon, du jeune, de l’étudiant. Il ne s’agit pas seulement de chercher de l’information, le langage de la tête. Cela ne suffit pas. Scholas veut harmoniser le langage de la tête avec le langage du cœur et le langage des mains. Qu’une personne, qu’un enfant, qu’un jeune pense ce qu’il sent et ce qu’il fait, sente ce qu’il pense et ce qu’il fait, fasse ce qu’il sent et ce qu’il pense. Harmonie dans la personne elle-même, dans celui qui éduque, et harmonie universelle, de sorte que tous, nous assumions le pacte éducatif et qu’ainsi, nous sortions de cette crise de la civilisation dans laquelle nous vivons et que nous accomplissions le pas que la civilisation elle-même exige de nous.
Chacun des pays où Scholas est présent doit chercher dans sa tradition – dans sa tradition historique, dans sa tradition populaire – les éléments fondateurs, quels sont les éléments qui, culturellement, sont fondateurs de la patrie. Et en partant de ce qui a donné du sens à cette patrie, à cette nation, en tirer l’universalité qui harmonise. La culture italienne par exemple ne peut pas renier Dante comme élément fondateur. La culture argentine, qui est celle que je connais, ne peut pas renier Martin Fierro, notre poème fondateur. Et j’ai envie de demander mais je ne le ferai pas, combien d’Argentins parmi vous ici ont étudié, lu, médité Martin Fierro. Revenir aux aspects culturels qui nous ont donné un sens, qui nous ont donné la première unité de la culture nationale des peuples. Récupérer, chaque pays, ce qui lui est propre pour le partager avec les autres et harmoniser ce qui est plus grand : c’est cela, éduquer à la culture.
D’autre part, il faut chercher ce qui fonde la personne, la santé fondatrice, la capacité ludique, la capacité créative du jeu. Le livre de la Sagesse dit que Dieu jouait, la Sagesse de Dieu jouait. Redécouvrir le jeu comme chemin éducatif, comme expression éducative. Alors l’éducation n’est plus seulement information, elle est créativité dans le jeu. Cette dimension ludique qui nous fait grandir dans la créativité et dans le travail ensemble.
Enfin, chercher en chacun de nous, dans nos peuples, la beauté, la beauté qui nous fonde, avec notre art, avec notre musique, avec notre peinture, avec notre sculpture, avec notre littérature. Le beau. Éduquer à la beauté, parce qu’harmonie signifie beauté et nous ne pouvons pas obtenir l’harmonie du système éducatif si nous n’avons pas cette perception de la beauté.
Je vous remercie pour tout ce que vous faites et pour la façon dont vous collaborez à ce défi, qui est créatif : créatif du pacte éducatif – le recréer parce qu’ainsi nous recréons l’éducation – ; créatif de l’harmonie entre les trois langages de la personne, celui des mains, celui du cœur et celui de l’esprit ; créatif dans la dimension ludique d’une personne, cette saine aptitude à perdre du temps dans le travail lié au jeu ; créatif dans la beauté, que nous avons déjà rencontrée dans les fondements des identités nationales, tous ensemble. C’est là le défi. Qui a inventé cela ? On ne le sait pas, mais c’est ainsi. Y a-t-il des problèmes ? Il faut encore faire beaucoup, beaucoup dans l’organisation de tout cela. Sommes-nous tentés ? Oui, toute œuvre qui commence est tentée ; tentée de s’arrêter, de se corrompre, de dévier. C’est pourquoi le travail ensemble et la vigilance de tous sont nécessaires, afin que cette étincelle qui est née continue de se répandre dans un feu qui aide à reconstruire, à harmoniser le pacte éducatif. Ceux qui y gagnent, dans tout cela, ce sont les enfants. Par conséquent, je vous remercie pour ce que vous faites pour l’avenir, parce que dire « enfants » c’est dire « avenir ». Merci.
Vidéomessage à l’attention des jeunes handicapés
En chacun de vous, il y a un coffre, une boîte et dedans, il y a un trésor. Votre travail, c’est d’ouvrir le coffre, de sortir le trésor, de le faire grandir, de le donner aux autres et de recevoir le trésor des autres. Chacun de nous a un trésor en lui. Si nous le gardons fermé, il reste fermé ; si nous le partageons avec les autres, le trésor se multiplie avec les trésors qui viennent des autres.
Ce que je veux vous dire, c’est de ne pas cacher le trésor que chacun de vous possède. Parfois, on le trouve tout de suite, parfois, il faut faire comme dans le jeu de la chasse au trésor, on ne le trouve pas immédiatement. Mais une fois que vous le trouvez, partagez-le ! Parce que, en le partageant, on reçoit de l’autre et cela se multiplie
. C’est cela que je veux vous dire, les enfants. Avancez ! Ce que vous faites là où vous vous trouvez nous aide tous aussi à comprendre que la vie est un beau trésor, mais qu’elle n’a de sens que si nous la donnons. Merci !
Traduction de Zenit, Constance Roques