La Prière eucharistique: la Préface (2)

5e volet de la chronique sur les prières eucharistiques

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La Prière eucharistique

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La Préface (2)

Les préfaces comportent toutes trois mouvements, en empruntant ce mot au vocabulaire musical : le lancement, le motif, l’élargissement. La chronique précédente traitait du lancement.

Venons-en au motif : pourquoi est-il juste et bon de rendre grâces à Dieu ? En jouant un peu sur les mots, disons que nous « rendons » grâce parce que Dieu nous a « fait »  grâce, qu’il nous a manifesté sa grâce.

Les épîtres de saint Paul regorgent de prières d’action de grâce. La plus développée est celle qui se trouve dans l’épître aux Ephésiens (1, 3-14) : en quelques phrases, saint Paul évoque le Salut de Dieu, « dès avant la création du monde » et jusqu’au rassemblement final, « à la louange de sa gloire ». Dans les autres épîtres, il rend grâce pour l’œuvre que Dieu a réalisée dans la communauté à laquelle l’apôtre s’adresse. L’épître aux Galates fait exception : il n’y a pas de motif à rendre grâce, car les Galates ont été infidèles à la grâce.  

Dans l’Antiquité chrétienne, les préfaces étaient innombrables et, sans doute, le célébrant glosait à partir de schémas bien connus. On dit souvent aujourd’hui qu’il « improvisait ». Le mot n’est peut-être pas tout-à-fait exact, car il laisse entendre que le célébrant disait ce qui lui passait par la tête ou ce qu’il croyait entendre de la part du Saint-Esprit. Or la liturgie n’a jamais été le domaine de la fantaisie, fût-elle édifiante.

Avec le temps, le nombre de préfaces avait beaucoup diminué et, avant la  dernière réforme liturgique, le Missel en présentait 15 : sept pour les temps liturgiques majeurs (Noël, Epiphanie etc…), six pour des fêtes (la préface de la Trinité, qui servait aussi pour les dimanches, celle pour les fêtes de la Vierge Marie etc…), une pour les défunts et une pour les jours ordinaires. Celle-ci était d’ailleurs réduite à sa plus simple expression : elle ne donnait aucun motif particulier d’action de grâce. Les personnes qui allaient à la Messe en semaine étaient censées savoir pourquoi il était juste et bon de rendre grâce à Dieu.

Aujourd’hui, de nouveau, les préfaces sont très nombreuses. Certaines correspondent à telle ou telle Prière eucharistique : par exemple la préface de la Prière IV, qui rend grâce pour la Création ; d’autres valent pour telle fête précise : par exemple, le 15 août, nous rendons grâce à Dieu de nous avoir donné Marie pour « soutenir l’espérance du peuple encore en chemin » ; d’autres seront dites quand un sacrement est célébré dans le cadre de la Messe : par exemple, lors d’une Messe de mariage, avant de féliciter les époux, nous bénissons Dieu, le remerciant d’avoir créé l’homme et la femme.

Pour chaque temps liturgique, plusieurs préfaces sont proposées, en plus de l’ancienne qui a été conservée. Par exemple, en Avent, le motif d’action de grâce change quand Noël approche. Cinq variantes existent pour le Temps pascal, trois pour Noël, trois pour le Carême.

Enfin, pour le Temps ordinaire, des préfaces sont prévues, certaines pour les dimanches, d’autres pour les jours de semaine (préfaces « communes »). C’est donc un ensemble très riche qui nous est ainsi proposé. Savons-nous en tirer parti ?

En Occident, la liturgie n’est pas bavarde. Le motif d’action de grâce est énoncé d’ordinaire en une seule phrase. Il faut donc y faire très attention : chaque mot porte. Il est chargé de sens théologique mais il ne se contente pas d’énoncer une vérité, un fait. Il invite à la prière de louange. Les préfaces peuvent nourrir la prière personnelle tout autant qu’elles expriment la prière, pourrait-on dire, « officielle » de l’Eglise.

La préface commune n° 5 me semble un exemple assez typique. Le premier « mouvement » s’est achevé en nommant « le Christ, notre Seigneur ». La préface continue : « Le rappel de sa mort provoque notre amour, l’annonce de sa résurrection ravive notre foi et la promesse de sa venue nourrit notre espérance. » On peut difficilement faire plus court ou plus dense. Nous sommes au cœur de notre foi. L’Eucharistie a précisément pour but de rappeler la mort du Seigneur, d’annoncer sa résurrection et de raviver notre attente. C’est ce que nous chantons après la consécration.

Ces quelques phrases qui se trouvent au milieu des préfaces, une fois réunies, formeraient une sorte de Credo développé et déjà orienté vers la prière : « Toi, le Dieu de bonté, la source de la vie… » Faites l’expérience : sur un grand tableau, écrivez les « articles » du Credo et, en face, les motifs d’action de grâce que vous aurez trouvés dans les préfaces. Ils se répondent et nous donnent des mots pour dire notre foi et rendre grâce à Dieu.   

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Jacques Perrier

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