"La charité se fait comme corps ecclésial, toujours", explique le pape François qui a reçu, samedi 10 janvier, au Vatican, les membres de la Commission pontificale pour l'Amérique latine, pour le 5e anniversaire du séisme de Haïti.
D'une magnitude de 7,0 à 7,3, le tremblement de terre est survenu le 12 janvier 2010. Un bilan officiel de février 2010 fait état d'un bilan de plus 230 000 morts, 300 000 blessés et 1,2 million de sans-abris.
Voici la traduction oficielle du discours du pape François.
Discours du pape François
Chers frères et sœurs,
À cinq années du catastrophique tremblement de terre en Haïti, je remercie le Conseil pontifical Cor Unum et la Commission pontificale pour l’Amérique latine d’avoir organisé cette rencontre. J’exprime ma reconnaissance aux Évêques d’Haïti, comme également à vous tous et aux institutions que vous représentez. Ma pensée cordiale va aussi à tous les fidèles qui ont voulu, de nombreuses façons, secourir le peuple haïtien après cette tragédie qui a laissé derrière elle mort, destruction et aussi désespoir. Avec l’aide apportée à nos frères et sœurs en Haïti, nous avons manifesté que l’Église est un grand corps, où les différents membres ont soin les uns des autres (cf. 1 Co 12, 25). C’est dans cette communion animée par l’Esprit Saint, que notre service de l’Église trouve sa raison profonde.
Beaucoup a été réalisé durant cette période pour reconstruire le pays ! Toutefois, ne nous cachons pas que bien du travail reste encore à faire. Et aussi bien ce qui s’est fait que ce qui, toujours avec l’aide de Dieu, pourra se faire, s’appuie sur trois piliers fondamentaux : la personne humaine, la communion ecclésiale et l’Église locale.
La personne est au centre de l’action de l’Église. Nous venons de célébrer Noël, et l’Incarnation nous dit justement combien l’homme est important pour Dieu, qui a voulu assumer la nature humaine. Notre première préoccupation doit donc être d’aider l’homme, chaque homme, à vivre pleinement comme personne. Il n’y a pas de véritable reconstruction d’un pays sans reconstruction de la personne dans sa plénitude. Cela comporte de faire en sorte que chaque personne en Haïti ait le nécessaire au point de vue matériel, mais aussi en même temps qu’elle puisse vivre sa liberté, ses responsabilités et sa vie spirituelle et religieuse. La personne humaine a un horizon transcendant qui lui est propre, et l’Église la première ne peut délaisser cet horizon, qui a pour but la rencontre avec Dieu. C’est pourquoi, également en cette phase de reconstruction, l’action humanitaireet l’action pastorale ne sont pas concurrentes, mais complémentaires, elles ont besoin l’une de l’autre : elles contribuent ensemble à former en Haïti des personnes mûres et des chrétiens qui à leur tour pourront se dépenser pour le bien de leurs frères. Que chaque type d’aide offert par l’Église à ce pays puisse avoir ce souci du bien intégral de la personne !
Un second aspect fondamental est la communion ecclésiale. En Haïti s’est vérifiée une bonne coopération de la part de nombreusesinstitutions ecclésiales – diocèses, instituts religieux, organismes caritatifs – mais aussi de beaucoup de fidèles. Chacun, avec sa particularité, a apporté une importante aide bénéfique. Une telle pluralité de sujets, et donc d’approches de l’œuvre d’assistance et de développement, est un facteur positif, parce qu’elle est signe de la vitalité de l’Église et de la générosité de beaucoup. Pour cela aussi, nous remercions Dieu qui suscite chez de nombreuses personnes le désir de se faire proche et de suivre ainsi la loi de charité qui est le cœur de l’Évangile. Mais la charité est encore plus vraie et plus incisive si elle est vécue dans la communion. La communion témoigne que la charité n’est pas seulement d’aider l’autre, mais c’est une dimension qui imprègne toute la vie et abat toutes ces barrières de l’individualisme qui nous empêchent de nous rencontrer. La charité est la vie intime de l’Église et elle se manifeste dans la communion ecclésiale. Communion entre les Évêques et avec les Évêques, qui sont les premiers responsables du service de la charité. Communion entre les différents charismes et les institutions de charité, parce que personne d’entre nous ne travaille pour soi-même, mais au nom du Christ, qui nous a montré le chemin du service. Ce serait une contradiction de vivre la charité séparés ! Cela n’est pas charité, la charité se fait comme corps ecclésial, toujours. C’est pourquoi je vous invite à renforcer toutes les méthodologies qui permettent de travailler ensemble. La communion ecclésiale se reflète aussi dans la collaboration avec les Autorités de l’État et avec les Institutions internationales, pour que tous recherchent le progrès authentique du peuple haïtien, dans l’esprit du bien commun.
Enfin, je voudrais souligner l’importance de l’Église locale, parce c’est en elle que l’expérience chrétienne se fait tangible. Il est nécessaire que l’Église en Haïti devienne toujours plus vivante et féconde, pour témoigner du Christ et pour donner sa contribution au progrès de ce pays. À ce sujet, je désire encourager les Évêques d’Haïti, les prêtres et tous les agents pastoraux, afin que par leur zèle et leur communion fraternelle, ils suscitent chez les fidèles un engagement renouvelé dans la formation chrétienne et dans l’évangélisation joyeuse et féconde. Le témoignage de la charité évangélique est efficace lorsqu’il est soutenu par la relation personnelle avec Jésus dans la prière, dans l’écoute de la parole de Dieu et dans la réception des sacrements. Là se trouve la "force" de l’Église locale.
En renouvelant à chacun d’entre vous mes remerciements cordiaux, je vous exhorte à poursuivre le chemin que vous avez commencé, en vous assurant de ma prière constante et de ma bénédiction. Que Marie notre Mère vous guide et vous protège. Je vous demande, s’il vous plaît, de prier pour moi. Merci.
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