Mme Falminia Giovanelli, sous-secrétaire du Conseil pontifical Justice et Paix, a présenté cette réflexion sur les réseaux sociaux et les familles et l’Eglise, à l’occasion de la présentation au Vatican, le 9 décembre, de la campagne du BICE contre le harcèlement sur Internet, en présence du président du BICE, M. Olivier Duval, et de Laetitia Chanut, témoin – et non plus victime – au service de la prévention, et du cardinal Peter A.K. Turkson, président de Justice et Paix, auquel M. Duval a remis les engagements de plus de dix mille signataires en ligne.
A.B.
Intervention de Mme Flaminia Giovanelli
Durant cette brève intervention je voudrais présenter quelques réflexions liées au rapport entre la famille et les réseaux sociaux. Ceci, en considération du rôle de la famille, et en particulier celui des parents, revêtent dans la lutte contre la violence sur Internet.
La campagne du BICE, « Stop au harcèlement sur Internet », recommande d’en parler, quand on en est victime, avec des personnes de confiance et la Campagne en ligne sur Internet, en premier, comme c’est naturel, vont dans cette direction.
Perdre du temps
Nous le savons, le Pape François a le don de l’efficacité pour aller au cœur du problème. L’année dernière, son discours à l’assemblée plénière du Conseil pontifical pour la famille a raconté son expérience de confesseur : « Quand je confesse un homme ou une femme mariés, jeunes, et que dans la confession vient quelque chose en rapport à un fils ou une fille, je demande : mais combien d’enfants avez vous ? Et ils me le disent, peut-être attendent-ils une autre question après celle-ci. Mais je fais toujours cette seconde question : Dites-moi, Monsieur ou Madame, vous jouez avec vos enfants ? – Comment mon Père ? – Vous perdez votre temps avec vos enfants ? Vous jouez avec vos enfants ? – Mais non, dit-il, quand je sors de la maison le matin – me dit l’homme – ils dorment encore et quand je retourne ils sont au lit. Même la gratuité, cette gratuité du père et de la mère avec ses enfants, est si importante : « perdre son temps » avec les enfants, jouer avec les enfants (1) ».
Perdre du temps, en réalité cela veut aussi dire prendre du temps et, par rapport à certaines problématiques, ce qui semble une attitude négative est positif. Le Saint-Père nous l’a toujours rappelé avec la même efficacité dans Evangilii Gaudium, en affirmant comment le temps est supérieur à l’espace (2).
Par ailleurs, dans le cas du WEB : nous ne nous demandons jamais combien de temps on perd pour chercher, outre des informations utiles et enrichissantes, mais aussi des informations d’aucun intérêt, si non nocives, se substituant aux relations familiales ? Le même remarque pour la participation aux réseaux sociaux.
Ensuite, dans le cas de la question du Pape François à ses pénitents, on en vient spontanément à se demander si la connexion continuelle dans laquelle vivent les adolescents et les jeunes, dont nous nous lamentons tous, n’a pas une origine dans le fait que nous n’avons pas perdu et ne perdons pas de temps avec eux, c’est à dire de ne pas avoir pris et de ne pas prendre le temps de les écouter.
Rapports familiaux et réseaux sociaux
Nombreuses sont les enquêtes sociologiques qui prennent en examen la question des risques que comporte le développement galopant des technologies de l’information (Information and Communication Technology), qui exigent que les parents se fassent médiateurs face à l’expérience technologique des enfants (3), enquêtes qui évidemment sont proches des Campagnes présentées il y a peu de temps. Ensuite, il y a des enquêtes qui révèlent comment les réseaux sociaux peuvent être des lieux de rencontre entre les parents et les enfants. Ainsi on constate, par exemple, que la ou les relations familiales sont positives, les potentialités des réseaux sociaux se traduisent plus facilement en une cohésion plus grande, aussi bien inter que intra générations. Par contre là où les relations familiales sont réduites ou conflictuelles, les réseaux sociaux favorisent plus facilement des parcours individualistes, et aussi des formes réduites de relations (4).
Certainement, notre monde globalisé dans lequel les familles, passées l’âge de la formation des enfants et petits enfants, voient toujours plus souvent leurs composants vivre loin les uns des autres, les réseaux sociaux constituent un véhicule important d’informations et d’entretien des relations familiales.
Mais à ce propos, je crois qu’il n’est jamais si vrai ce qu’écrivait le Pape dans le Message pour la Journée Mondiale des Communications Sociales de cette année : « Il ne suffit pas de suivre les « routes » numériques, c’est à dire tout simplement être connectés : il faut que la connexion soit accompagnée d’une vraie rencontre. Nous ne pouvons vivre seuls, renfermés sur nous même. Nous avons besoin d’aimer et d’être aimés. Nous avons besoin de tendresse (5) ». Et de toutes façons, dans les moments de solitude, dans les moments extrêmes, le voisinage virtuel même s’il est capable d’exprimer ce voisinage spirituel, ne peut pas se substituer au voisinage physique.
Une mère ou un père peuvent être au courant d’un voyage effectué par leurs enfants le dimanche, ou de ce que les petits enfants ont mangé la veille, mais face à la maladie, si non à la mort, sans qu’un membre de la famille puisse leur tenir la main, il se trouvent dans la solitude absolue. Et que dire des crises existentielles, des dépressions ? Le cas du suicide du fameux acteur Robin Williams m’a profondément touchée : son dernier tweet avait été pour souhaiter une bonne année à sa fille Zelda et cette dernière, pour sa part – ainsi que le rapportaient les journaux l’été dernier – a quitté les réseaux sociaux à cause des offenses à son père qui l’avaient atteinte, joints à tant de messages de solidarité, après sa mort.
Quel rôle pour l’Eglise ?
On en vient alors à se demander spontanément : quel rôle pour l’Eglise face à ces développements des rapports entre la famille et les communications sociales ?
De la lecture des documents des derniers Synodes des évêques, en réalité, il ne me semble pas que soit émergé une attention particulière des Pères Synodaux à ce thème, qui a été, par contre, approfondi dans le Message pour la Journée mondiale des communications sociales de 2013 ? Le Pape émérite relevait, à juste titre, dans le Message de l’année passée, comment l’environnement numérique ne soit pas un monde parallèle ou purement virtuel, mais une partie de la réalité quotidienne de beaucoup de personnes, spécialement des plus jeunes, et que la capacité d’utiliser les nouveaux langages ne soit pas si demandée pour être dans son temps, tant pour permettre à l’Evangile de trouver des formes d’expression capable d’atteindre nos contemporains (6). Ici sont bien observées les possibilités offertes par le web pour l’évangélisation ou l’assistance spirituelle et comment sont suivis les tweets du Saint-Père ou bien ceux (pas toujours quotidiens!) du cardinal Turkson !
Mais en réalité, les problèmes liés à des situations comme celles que j’évoquais il y a peu de temps, ont besoin d’un engagement de l’Eglise qui soit
un engagement pastoral pour la famille considérée dans son ensemble, ce « bien immatériel » qui est le fondement de la cohabitation et garant contre la désagrégation social de la nation (7). En d’autre mots, on remarque qu’un engagement pastoral pour la formation des familles est de plus en plus nécessaire, si l’on peut dire, « transcendants », qui soient un lieu privilégié de création, d’éducation, de formation de la personne entendue comme crée par Dieu, faite pour exister par une transcendance imprégnée de mystère. C’est seulement si elle est ainsi comprise que la famille peut dépasser cette conception qui voit seulement ce lieu d’aide mutuelle et de satisfactions des besoins dans laquelle la spiritualité est réduite à une fusion affective, se révélant, ainsi, incapable de donner des réponses aux problèmes existentiels et ultimes de ses composantes (8).
© Traduction de Zenit, Hugues de Warren
NOTES
1 Pape François, audience du 25 octobre 2013.
2 Evangelii Gaudium, nn. 222-225.
3 Cf. Enquête EU « Kids On Line » (www.eukidsonline) présentée au Family TAG Conference, Milan, Ateneo Studi e Ricerche sulla
Famiglia, Université Catholique, 18 octobre 2013
http://centridiateneo.unicatt.it/famiglia-2349.html
4 Cf., p.ex., Family TAG, C. Regalia.
5 Pape François, Message pour la Journée mondiale des communications sociales, 1er juin 2014.
6 Cf. Benoît XVI, Message pour la Journée mondiale des communications sociales, 24 janvier 2013.
7 Cf. Pape François, Discours au Colloque sur la Complémentarité Homme-Femme, 17 novembre 2014.
<p>8 Cfr. G. Riconda in Filosofia della famiglia, Brescia, La Scuola, 2014, recension de F. Tomatis in Avvenire, 5 décembre 2014, p.15.