« Le pèlerinage a renouvelé notre élan missionnaire, à l’instar de leur grand amour du Seigneur et de leur désir de construire la société sur l’Evangile de Jésus Christ », a confié à la presse le cardinal Gérald Cyprien Lacroix, archevêque de Québec, au Vatican, samedi 11 octobre. Une rencontre à laquelle a participé l’évêque anglican Dennis Drainville et son épouse, eux aussi pèlerins en France et à Rome.
Le cardinal Lacroix évoquait le pèlerinage en France et à Rome de quelque 130 pèlerins du Canada, du Japon et des Philippines, sur les pas des deux nouveaux saints franco-canadiens, canonisés par le pape François le 3 avril dernier.
Leur vie a été un miracle
Une canonisation « équipollente », ou « équivalente », a expliqué le cardinal du Québec, sans célébration, par décret du pape François, étant donné le nombre de témoignages de miracles dus à leur intercession. Deux miracles avaient été choisis pour leur béatification en 1980.
Mais surtout le cardinal Lacroix insiste sur le fait que « toute leur vie a été un miracle » : le miracle d’avoir « persévéré dans la fidélité au Seigneur et au service des autres ».
Une célébration d’action de grâce à eu lieu à Québec le 18 mai dernier, et le pape a offert cette possibilité de fêter aussi les nouveaux saints à Rome.
La date a été choisie au milieu du synode pour la famille, étant donné « l’impact important et beau » de la mission des deux saints pour les familles. François de Laval avait une grande dévotion à la Sainte-Famille et l’introduction dans la liturgie catholique de la fête de la Sainte-Famille est due notamment à son influence.
Il a constitué des communautés pour soutenir les familles, et Marie de l’Incarnation a investi dans l’éducation qui est « une grande aide pour les familles », françaises ou amérindiennes.
Leur vie était « centrées sur l’amour de la vérité et le don de soi et spécialement aux plus nécessiteux », car « ils croyaient à la construction d’une structure spirituelle source de justice et de développement » de la société.
Pèlerinage aux sources
Le pèlerinage a mené les pèlerins – du Canada, de France, du Japon et des Philippines – en France sur les lieux de la naissance et de la croissance, de la vocation, de la « préparation missionnaire » des deux saints.
Le cardinal Lacroix a dit sa gratitude pour « ce grand cadeau du Seigneur et de la France », et « ces deux saints missionnaires évangélisateurs de la Nouvelle France ».
Il a souhaité qu’ils « servent de modèles pour poursuivre la mission de la nouvelle évangélisation » : « on a besoin de retrouver le cœur de l’Evangile » et ils « nous laissent un témoignage éloquent qui nous interpelle, du don de soi, de la persévérance, de leur enracinement dans la foi et d’une vie spirituelle profonde, indispensable pour vivre la mission de l’Eglise » qui est de « présenter la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ au monde ».
L’Union canadienne des Ursulines fondée par Marie de l’Incarnation s’est ancrée ensuite au Pérou, et au Japon, puis les sœurs japonaises se sont rendues aux Philippines : c’est pourquoi les Ursulines de ces pays se sont jointes au pèlerinage, a expliqué l’archevêque.
Le pèlerinage est passé lundi dernier, 6 octobre, par Paris (Saint-Germain-des-Prés), puis Chartres, et Montigny-sur-Arve, où est né Mgr de Laval, La Flèche (Sarthe), où il a étudié. Puis il est passé par Tours, Solesmes, sur les pas de Marie de l’Incarnation.
« Partout, a expliqué Mgr Lacroix, nous avons rencontré non seulement des pèlerins comme nous mais des gens du lieu très intéressés par la vie de ces nouveaux saints : des maires, pas seulement des personnes de l’Eglise. Trois maires nous ont dit : « Merci de nous aider à découvrir les gens de chez nous à valoriser ces personnages ». L’un d’eux a ajouté : « on n’est pas prophète dans son propre pays » ».
Il a souhaité que ces lieux deviennent « encore davantage » des « lieux des pèlerinages » pour les Canadiens et que les lieux canadiens le deviennent pour les Français : « Bienvenus ! » s’est-il exclamé à l’adresse des Français.
Dialogue avec l’anglicanisme
A la conférence de presse et dans le pèlerinage, deux pèlerins exceptionnels : l’évêque anglican de Québec, Mgr Dennis Paul Drainville – « frère et ami » a dit le cardinal Lacroix – et son épouse, Mme Cynthia Ann Patterson, qui ont souhaité participer au voyage.
Pour le cardinal Lacroix, ce fut une « expérience exceptionnelle de partage, de prière, d’échange, de fraternité, pour mieux nous connaître et marcher ensemble afin de favoriser l’unité ».
Mgr Drainville a dit son « grand plaisir de venir ici à Rome » pour ce « grand événement de la vie de l’Eglise », « important pour des raisons historiques, culturelles, spirituelles ». Il s’agit d’un pèlerinage sur les lieux où ces saints ont « commencé à travailler fort pour changer le monde », et donc d’un « voyage spirituel en relation avec les autres ».
« Ces deux saints, a-t-il poursuivi, nous parlent de travailler avec les pauvres, de rassembler les gens pour répondre à l’amour que Dieu nous manifeste ».
Il a confié que son travail au service du dialogue entre chrétiens au Canada, avec le cardinal et les deux communautés, constitue une « grande possibilité pour révéler la présence de Dieu au monde » : « c’est le moment de changer, grâce à l’Esprit-Saint, de créer un monde nouveau et plus beau ».
Son épouse a souligné l’importance de l’exemple de Marie de l’Incarnation pour la femme d’aujourd’hui : mère de famille, travailleuse, avec une grande spiritualité, dédiée à l’éducation des jeunes filles.
Mgr Drainville a aussi souligné cet aspect de la canonisation de Marie de l’Incarnation, qui offre un « parfait exemple » pour les jeunes femmes en tant que mère de famille et travailleuse : elle a été mère, veuve et elle a donné sa vie à Jésus, est partie au Canada, avec le « désir de faire des choses jamais faites ».
Si les Anglicans n’ont pas de « processus de canonisation », il a souligné que la dernière conférence de Lambeth (Cantorbéry), a été l’occasion pour les Anglicans de fêter leurs martyrs en Indonésie : « un grand événement, qui nous donne du courage ».
François, apôtre de l’Amérique
Le cardinal Lacroix a souligné la force du film intitulé « François, apôtre de l’Amérique » réalisé par des jeunes Canadiens sur saint François de Laval. Il manifeste « le cœur de cet homme et son esprit missionnaire profond ».
En France, il a « étudié chez les jésuites, à La Flèche, puis à Paris » : « l’Eglise se demandait comment évangéliser le nouveau continent, et ce film nous fait découvrir ce qui brûle dans le cœur de cet homme. Si j’étais jeune, cela me donnerait le goût d’aller servir comme prêtre et comme serviteur de l’Evangile jusqu’au bout du monde ».
Or, a-t-il ajouté, la « Nouvelle évangélisation vise à reconstruire les familles, les personnes, pour approfondir leur foi » : il faut « investir dans les personnes plus que dans les institutions », favoriser une « rencontre personnelle avec le Christ », pour les 70% de la population du Québec qui se déclare catholique, les « conduire à une relation plus profonde avec le Christ », il seront ainsi de « meilleurs citoyens » !
Un trio de saints
Enfin, il a ouvert la perspective d’une autre canonisation, celle de Marie-Catherine de saint Augustin : les Augustines ont travaillé aussi pour « construire la Nouv
elle France ».
François de Laval, Marie de l’Incarnation et Marie-Catherine de saint Augustin forment, a indiqué le cardinal Lacroix, « un trio du début de la colonie française ». Cette dernière est béatifiée : on attend un miracle pour la canoniser. Il a invité à « prier » pour cela.
La « beauté » de ces saints, a-t-il expliqué, c’est qu’ils « nous aident à être de meilleurs êtres humains » : ils ne vivaient pas « dans les nuages », mais « dans la réalité ».
Marie de l’Incarnation a voulu que les filles aillent à l’école – elle a fondé la première école de filles d’Amérique du Nord – : et pour cela elle a fait des dictionnaires, des catéchismes, dans leurs cultures, dans leurs langues.
Ces célébrations servent, a-t-il conclu, à « mieux connaître Marie et François : ils transcendent leur période historique, voilà pourquoi le pape nous les donne ».