Un synode pastoral et non doctrinal

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Rapport du card. Erdö avant le débat général

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« Ce ne sont pas les questions doctrinales, mais les questions pratiques – inséparables des vérités de la foi – qui sont en discussion dans ce Synode, de nature purement pastorale », affirme le cardinal Erdö.

Les travaux de la IIIe Assemblée générale extraordinaire du synode des évêques sur le thème « Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation » (5-19 octobre 2014) ont commencé lundi matin, 6 octobre, avec la première congrégation générale.

Le cardinal Péter Erdö, archevêque d’Esztergom-Budapest, rapporteur général, a notamment lu le « Rapport avant le débat général » (Relatio ante disceptationem), qui rend hommage à la famille comme « école d’humanité, de sociabilité, d’ecclésialité et de sainteté ».

Le contexte culturel du synode

Le cardinal a rappelé en préambule que « l’objectif fondamental de la proposition chrétienne sur la famille doit être « la joie de l’Évangile » » : l’annonce se présente donc « comme proposition, dialogue et cheminement ensemble ».

La méthode de travail synodal, a-t-il ajouté, sera « d’offrir aux pasteurs des communautés locales des lignes directrices claires afin de pouvoir aider ceux qui vivent dans des situations difficiles », en évitant « les improvisations d’une “pastorale de l’amateurisme” ».

Il a décrit le contexte culturel actuel, marqué par « une culture de l’audiovisuel, des sentiments, des expériences émotionnelles et des symboles » : « Beaucoup perçoivent leur vie, non pas comme un projet, mais comme une série de moments dans lesquels la valeur suprême est de se sentir bien, d’être bien. Dans cette optique, tout engagement stable semble à craindre, le futur apparaît comme une menace. »

Une doctrine connue mais peu pratiquée

Évoquant les réponses au questionnaire préparatoire du synode, le cardinal a constaté « un fait quasiment global, à savoir la diminution des mariages civils, la tendance toujours plus typique de vivre ensemble sans aucun mariage religieux ou civil ».

Mais « malgré les situations diffuses, précaires et irrégulières », il existe dans toutes les cultures « un consensus sur le fait que mariage et famille sont un patrimoine qui doit être conservé, favorisé et, si nécessaire, défendu. Aujourd’hui encore, la plupart des êtres humains cherchent le bonheur de leur vie dans un lien durable entre un homme et une femme, avec des enfants nés de leur union ».

« Il n’y a aucun motif, au sein de l’Église, pour un état d’âme de catastrophe ou d’abdication », a poursuivi le cardinal, précisant que parmi les catholiques, « la substance de l’enseignement du Nouveau Testament et du Catéchisme de l’Église Catholique sur le mariage semble assez connue », rencontre « un large consensus » et n’est « pas mise en discussion sur le principe ».

En revanche, cette doctrine n’est « souvent pas suivie dans la pratique » : « ce ne sont donc pas les questions doctrinales, mais les questions pratiques – inséparables d’ailleurs des vérités de la foi – qui sont en discussion dans ce Synode, de nature purement pastorale », a-t-il souligné.

Une conscience claire du mariage

Le cardinal a aussi noté un large consensus s’opposant aux discriminations envers les personnes à tendance homosexuelle tout en ne plaçant pas ces rapports « sur le même plan que le mariage entre un homme et une femme ».

Si beaucoup « veulent dépasser les rôles traditionnels et la discrimination à l’encontre des femmes », la très grande majorité des catholiques n’adhère pas aux théories du genre.

Face à « des structures de péché hostiles à la famille, dans un monde d’inégalité et d’injustice sociale, de consommation d’une part et de pauvreté de l’autre », le cardinal a plaidé pour « des parcours de formation solides et clairs » en accompagnant les futurs mariés « vers une conscience claire de ce qu’est le mariage dans le dessein du Créateur ».

En effet, a-t-il dénoncé, « un bon nombre s’approchent du sacrement sans avoir clairement conscience de l’engagement qu’ils prennent devant le Seigneur d’accueillir et de donner sa vie au conjoint, sans conditions et pour toujours ».

Pas de mise en question de l’indissolubilité

Il a énuméré les difficultés internes à la famille : « préoccupations de type professionnel et économique ; séparation et divorce ; mentalité égoïste si répandue qui se ferme à la vie ; diverses formes de dépendance, comme l’alcool, les drogues, les jeux de hasard, la pornographie… »

Le cardinal a détaillé également les situations pastorales difficiles, à commencer par « les concubinages et mariages civils » qui peuvent être « un germe à accompagner dans le développement vers le sacrement du mariage » et les situations irrégulières qu’il faut « discerner cas par cas ».

La question des divorcés remariés civilement ne peut être « une mise en question de la vérité de l’indissolubilité du mariage » et elle ne peut non plus « se concentrer uniquement sur la question de la réception des sacrements », a-t-il déclaré.

En ce sens il faut élargir la pastorale de la préparation au mariage en nommant « dans chaque Église particulière un prêtre, dûment préparé, qui puisse préalablement et gratuitement conseiller les parties sur la validité de leur mariage ».

La possibilité de l’invalidité

Bon nombre de mariages célébrés à l’Église peuvent résulter non valides, notamment lorsque l’un des deux époux « se réserve le droit de divorcer et de contracter un autre mariage en présence de difficultés dans la vie commune », a poursuivi le cardinal.

« Cette simulation, même sans une pleine conscience de cet aspect ontologique et canonique, rend le mariage invalide », a-t-il rappelé en préconisant après le divorce « des voies extrajudiciaires pour prouver la dite exclusion de l’indissolubilité », à associer à « un cheminement de prise de conscience et de conversion en vue d’un éventuel futur mariage ».

Mais le discernement des motifs de nullité doit « éviter toute apparence d’une simple procédure bureaucratique, reposant sur des intérêts économiques » : « Si tout cela se déroule dans le sérieux et dans la recherche de la vérité, la déclaration de nullité entraînera une libération des consciences des parties. »

Le cardinal a suggéré notamment de « revoir le caractère obligatoire de la double sentence conforme pour la déclaration de nullité du lien matrimonial, en ne procédant au second degré qu’en cas d’appel d’une ou des deux parties, ou encore de la part du défenseur du lien, dans un laps de temps défini ».

Le mot-clé de la miséricorde

« L’urgence pastorale est de permettre à ces personnes de panser leurs blessures, de guérir et de recommencer à cheminer avec toute la communauté ecclésiale », a-t-il estimé, « de sorte qu’elles ne se sentent pas exclues de la vie de l’Église » : « tous sont et demeurent fils et sont aimés de Dieu Père et de l’Église mère ».

De même, « les divorcés remariés civilement appartiennent à l’Église. La pastorale de l’Église doit prendre soin d’eux de façon toute spéciale, en tenant compte de la situation de chacun », de la différence « entre ceux qui ont consciemment rompu le mariage et ceux qui ont été abandonnés ».

Le maître mot étant « la miséricorde », qui « ne signifie pas la justification du péché, mais la justification du pécheur, dans la mesure toutefois où il se convertit et se propose de ne plus pécher » : miséricorde qui « n’élimine pas la vérité et
ne la relativise pas », « n’élimine pas l’exigence de la justice » et n’annule pas « les engagements qui naissent des exigences du lien conjugal ».

Annoncer l’Évangile de la vie

Enfin, le cardinal a évoqué l’ouverture à la vie « de la conception jusqu’à la mort naturelle », qui constitue « une part essentielle, une exigence intrinsèque » du mariage, car « cet amour tend à la communion et la communion engendre la vie ». Cette ouverture n’est pas limitée « à la conception et à la naissance » mais elle englobe aussi « l’éducation des enfants, le soutien offert à leur croissance ».

Il a exhorté les communautés ecclésiales à « organiser les temps et les espaces de la pastorale à la mesure de la famille » : « L’Église ne se limite pas à dire aux fidèles et aux hommes de bonne volonté ce qu’ils doivent faire, mais elle se fait solidaire avec eux. Elle partage leurs espoirs, leurs désirs et leurs difficultés », dans l’esprit « du bon Samaritain ».

L’Eglise est invitée à « proposer à nouveau au monde d’aujourd’hui la fascination du message chrétien concernant le mariage et la famille », à « apporter des réponses vraies et imprégnées de charité aux nombreux problèmes » : « sans réduire la vérité, celle-ci doit être proposée en se plaçant aussi dans l’optique de ceux qui “peinent” le plus à la reconnaître comme telle et à la vivre ».

« Une attention particulière doit être destinée à l’éducation de l’affectivité et de la sexualité » et ce « en mettant en évidence le fait que la vraie liberté morale ne consiste pas à faire ce que l’on sent, ne vit pas seulement d’émotions, mais se réalise uniquement en acquérant le vrai bien », a souligné le cardinal.

« L’entière et claire vérité de l’Évangile apporte cette lumière, ce sens et cette espérance dont l’homme d’aujourd’hui a tant besoin… Le monde a besoin du Christ. Le monde a aussi besoin de nous, car nous appartenons au Christ », a-t-il conclu.

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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