« Défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation » : c’est le titre du document de travail de base du synode « extraordinaire » des évêques qui se tiendra à Rome du 5 au 19 octobre prochain et qui est publié par le Vatican ce 26 juin. Il manifeste une situation de crise et pourtant de désir de famille.
Il a été présenté ce 26 juin au Vatican par le cardinal italien Lorenzo Baldisseri, Secrétaire général du synode, le cardinal Peter Erdő, archevêque d’Esztergom-Budapest (Hongrie), Rapporteur général, le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris (France), président délégué, Mgr Bruno Forte, archevêque de Chieti-Vasto (Italie), secrétaire spécial et les époux Francesco Miano et Pina De Simone.
En 2015, un second synode sur la famille (4-25 octobre) aura pour thème « Jésus Christ révèle le mystère et la vocation de la famille ». Ce sera une troisième étape de cette réflexion de l’Eglise catholique universelle sur la famille.
Cet « instrument de travail » du synode a par définition pour objectif de donner une photographie de la situation, de façon à refléter de façon réaliste les situations signalées par les Eglises locales. Les interventions et les débats du synode s’appuieront sur ce diagnostic. C’est le résultat des réponses aux 39 questions du document préparatoire publié en novembre 2013. Le document de synthèse sera publié seulement après le synode « ordinaire » de 2015.
Un record unique
Le cardinal Lorenzo Baldisseri, secrétaire général du synode, a précisé, lors de la présentation, ce 26 juin au Vatican, que 85 % des 114 conférences épiscopales avaient envoyé des réponses au questionnaire de novembre 2013. Un complément des réponses est aussi parvenu des dicastères de la curie romaine, des patriarcats d’Orient, des religieux, plus 800 réponses individuelles ou d’associations, de communautés, qui ont été adressées directement au secrétariat du synode : soit 90 % de réponses, ce qui est dit-il un « record unique » de participation en préparation d’un synode.
Quant aux membres du synode, il a précisé qu’ils seront 188 en 2014 : les membres de droit comme les présidents des conférences épiscopales du monde, les patriarches et les archevêques majeurs des Eglises orientales catholiques, les chefs des dicastères romaines, et 3 représentants des religieux ; puis il y a les auditeurs, les experts, et les délégués fraternels d’autres confessions chrétiennes, peuvent s’exprimer mais non pas participer au vote ; enfin, il y a les membres de nomination pontificale. En 2015, il s’élargira à d’autres représentants des conférences épiscopales.
Le ton des réponses au questionnaire est, a noté l’archevêque de Chieti, Mgr Bruno Forte, « respectueux » et « attentionné » pour les cas délicats comme la question des unions des personnes de même sexe, reflétant une « attitude générale » de « recherche de dialogue ».
Cet « instrument de travail » se présente en 79 pages en français et en trois parties : « Communiquer l’Evangile de la famille aujourd’hui » (4 chapitres), « La pastorale de la famille face aux nouveaux défis » (3 chapitres) et « L’ouverture à la vie et la responsabilité éducative » (2 chapitres), une introduction et une conclusion.
Famille et migrations
La synthèse effectuée par l’Instrument de travail est sans complaisance, et aussi sans acception de personne : le regard du synode est universel et ne se cantonne pas à une radiographie de la situation du mariage te de la famille dans les sociétés occidentales mais signale les défis sur les cinq continents, les différentes cultures, et dans les cas de mouvements de populations, comme la famille des populations migrantes.
A ce propos, le cardinal Peter Erdö, archevêque d’Estergom-Budapest, a précisé, lors de la présentation à la presse que les migrations ont un impact particulier sur la famille dans l’Est-européen par exemple : « des mamans émigrent pour travailler, les enfants restent seuls à la maison ». C’est un « gros problème qui touche une partie très importante de la population ». On estime, a-t-il ajouté, que 5 millions de Roumains ont ainsi émigré ces dernières années, ou encore un tiers de la population de la Lituanie. Et cette émigration provoque un « vieillissement de la société ».
Vision biblique
Mais l’Instrument de travail part de la vision biblique et chrétienne de la famille et confronte la réalité au message du magistère de l’Eglise et du projet de bonheur pour la famille et grâce à la famille.
Les catholiques eux-mêmes, constate le document, ne connaissent pas suffisamment la définition biblique de la famille : « un mariage entre un homme et une femme, créés à l’image de Dieu et collaborateurs du Seigneur dans l’accueil et la transmission de la vie ».
Il reconnaît aussi un manque de préparation chez certains prêtres « qui ne savent pas affronter de façon pertinente la question du mariage et de la famille ».
Il note aussi le peu de connaissance de l’enseignement de Paul VI dans « Humanae Vitae ».
L’urgence, pour les diocèses est donc de trouver de nouveaux langages pour transmettre efficacement l’enseignement de l’Eglise et éviter le phénomène de la « privatisation de la famille » qui n’est plus considérée comme la cellule de base d’une société.
Le document épingle aussi une culture dominante imprégnée d’hédonisme, visant l’épanouissement individuel, qui fait que « les enfants peuvent être vus, parfois, comme un obstacle au bien-être personnel ».
Il déplore en outre l’impact du stress du travail ou du travail trop envahissant sur la famille.
Les mères célibataires
Mais il ne cache pas non plus le « contre-témoignage » de l’Eglise comme les scandales sexuels, la pédophilie, l’incohérence des prêtres qui ont un train de vie facile, ou ont des attitudes d’exclusion face aux divorcés, ou des parents seuls, ce qui conduit à une « perte de crédibilité morale ».
Le document insiste sur les situations de souffrance, notamment des mères célibataires, ou des parents seuls, des familles séparées par la misère économique, les situations de violence de guerre.
Pour ce qui est des questions qui semblent avoir obnubilé l’opinion publique : communion des personnes ayant reçu le sacrement du mariage dans l’Eglise catholique, puis divorcées et puis remariées, le document y consacre une bonne partie de son analyse. Les réponses au questionnaire mettent en relief le fait que beaucoup ne se préoccupent pas de pouvoir accéder aux sacrements de l’eucharistie et de la confession. D’autres personnes se sentent au contraire « marginalisées » et se demandent pourquoi « d’autres péchés sont pardonnés et celui-là – adultère – non », elles ressentent l’interdiction d’accéder aux sacrements comme une « punition », ce qui conduit à une « mentalité de revendication » par apport aux sacrements.
Miséricorde, clémence, indulgence
Dans certains cas, les conférences épiscopales elles-mêmes appellent « à la miséricorde, à l’indulgence, à la clémence », et elles demandent de nouveaux instruments pour affronter ces situations pastorales difficiles. Dans certains cas d’autorisation des curés à accéder aux sacrements, ou devant la pratique des Eglises orthodoxes (qui acceptent des « secondes noces), les fidèles se sentent réadmis publiquement dans la vie de l’Eglise, mais les divorces ne disparaissant pas pour autant.
Un passage évoque la demande
de simplification des causes matrimoniales – demande de déclaration de nullité du sacrement du mariage – dans les tribunaux ecclésiastiques et invite à la prudence pour éviter « injustices » et « erreurs » et ne pas alimenter l’idée d’un « divorce catholique ».
Pour ce qui est des unions entre personnes de même sexe, le document constate que les conférences épiscopales disent « non » à l’introduction d’une législation qui permette une telle union: « Toutes les conférences épiscopales se sont exprimées contre une « redéfinition » du mariage entre un homme et une femme en introduisant une législation permettant l’union entre deux personnes du même sexe. »
Le document appelle à une attitude à la fois « respectueuse » et qui « ne juge pas » les personnes. Mais il souligne l’absence de plans pastoraux tenant compte de ces situations, récentes. Pour la possibilité d’adoption d’enfants par des personnes homosexuelles, l’IL y voit le danger pour le « bien intégral » de l’enfant qui a « besoin d’un père et d’une mère ». Mais si ces personnes demandent le baptême pour leurs enfants, le document recommande le même souci, la même bienveillance et tendresse que pour les autres enfants.
L’ouverture à la vie
Pour ce qui est de l’ouverture à la vie (troisième partie), le document constate la méconnaissance des positions de l’Eglise et recommande qu’on l’explique mieux pour éviter des présentations réductrices ou caricaturales et que l’on réduise à une question « technique » ce qui constitue des drames pour tant de personnes. Il invite à des réponses fondées à la théologie du « gender ». Il encourage l’engagement des chrétiens pour favoriser des lois et des structures qui soutiennent la vie naissante.
Il invite aussi à un accueil sans préjugés pour la catéchèse et la transmission de la foi aux enfants, en mettant en valeur le rôle des parrains e marraines.
La synthèse officielle en italien publiée par le Vatican conclut que l’esprit du document est celui d’une « mère qui accueille toujours ses enfants » et non d’un « juge qui condamne ».