Durant son pèlerinage en Terre Sainte (24-26 mai), le pape François a été accompagné par un franciscain argentin, fr Silvio de la Fuente, de la Custodie de Terre Sainte, qui lui a servi d’interprète pour l’hébreu, l’arabe, l’anglais…
Contacté par Zenit au téléphone, il confie ses impressions, évoquant notamment la visite surprisedu pape, qui a demandé à la dernière minute à partager le déjeuner de la communauté franciscaine – sans que rien ne soit changé au menu – , au couvent Saint-Sauveur de Jérusalem, lundi 26 mai.
Durant le repas, le pape a vivement remercié les frères pour leur travail, soulignant que « sans exagérer, on peut dire aujourd’hui que la Terre Sainte est vivante. S’il y a des communautés chrétiennes c’est grâce à vous ! »
Le P. Silvio de la Fuente se dit « impressionné par l’ouverture du pape et sa courtoisie à l’égard de tous », conjuguées avec des ressources physiques étonnantes : même après trois jours de marathon, dans l’avion qui le ramenait à Rome, le pape a consacré son temps aux journalistes et aux membres de l’équipage « en restant toujours chaleureux ».
Zenit – Quel souvenir gardez-vous de cette visite du pape en Terre Sainte ?
Frère Silvio – Il y a eu de très beaux signes de la part du pape, comme le fait qu’il soit venu déjeuner dans notre couvent. Cela a été un moment exceptionnel, en particulier parce qu’il est venu partager « ce qui se passe dans le monastère ». Ce n’était pas un déjeuner de luxe, il a mangé ce qui est généralement servi.
Mais cette visite n’était pas prévue car il y avait un autre déjeuner officiel ?
Ce jour-là, il devait aller au Centre Notre-Dame qui se trouve en face du couvent des frères, un très bel hôtel où vont de nombreuses personnalités. Mais après avoir parlé avec le nonce apostolique, qui lui a dit tout ce que nous faisions, il a désiré être avec nous, et nous avons donc eu le privilège de sa présence. Quelques membres de la délégation sont venus au monastère, parmi eux le patriarche latin, Mgr Fouad Twal, et le secrétaire d’État, le cardinal Pietro Parolin. Une partie de l’entourage du pape a déjeuné au Centre Notre-Dame et le pape a bien reçu les personnes et les communautés qu’il devait rencontrer. Il n’a abandonné personne.
Vous avez un rôle important Jérusalem en tant que Custodie de Terre Sainte…
Nous sommes au Moyen-Orient depuis 1217. Nous nous occupons de la majorité des sanctuaires de la région, par la volonté du Saint-Siège.
Parmi les grands moments, il y a eu l’accolade du pape François, du rabbin Skorka et l’imam Abboud devant le Mur Occidental…
C’était impressionnant de voir les trois fils d’Abraham ensemble, parce que les trois religions monothéistes reconnaissent en Abraham un Père commun. C’était très symbolique : nos frères aînés étaient au Mur des Lamentations ; nos jeunes frères étaient au-dessus de l’esplanade de la mosquée, et le pape François les a embrassé tous les deux.
Comment le dialogue interreligieux est-il vécu à Jérusalem ?
Il y a deux niveaux d’œcuménisme ou de dialogue interreligieux : le niveau théologique – c’est-à-dire plus scientifique – et le niveau de la coexistence quotidienne. Par exemple, quand on a besoin de pain et qu’on l’achète chez un commerçant musulman, ou quand on a besoin d’huile et qu’on s’en procure auprès d’un juif. Après tout, c’est cela aussi la coexistence interreligieuse, et l’on ne commence pas en discutant de théologie. Ces contacts quotidiens sont déjà ouverts au dialogue. Les gestes simples mais très importants que le pape François a posés affirment et renforcent quelque chose que les frères et de nombreuses personnes en Terre Sainte vivent depuis longtemps.
Je vais vous donner un exemple : quand j’étudiais l’hébreu à l’Institut Ulpan Milah, il y avait aussi des musulmans et des juifs. Parmi les exercices pratiques, il fallait prendre des photos de nos familles pour les présenter. Il était beau de voir comment chacun a présenté sa famille : comment un musulman barbu qui ne pouvait pas être plus orthodoxe a montré des photos de ses enfants et comment les juifs orthodoxes ont également partagé leurs photos. Puis nous avons pris un café ensemble, en posant des questions sur les membres des familles, dans une atmosphère de grande sérénité et amitié.
Qu’est-ce qui vous a le plus impressionné chez le pape ?
J’ai été très impressionné par l’ouverture du Saint-Père et sa courtoisie à l’égard de tous. A la fin du pèlerinage, nous avons prix l’avion [pour Rome] et les membres de l’équipage sont venus pour se faire prendre en photo un par un avec le pape, puis il a commencé à prier. Après cela, il est allé donner une conférence de presse. Puis à nouveau des membres de l’équipage lui ont demandé de parler avec eux. Il a accepté calmement, après trois jours de visites bien pleins – en restant toujours chaleureux. Il dit lui-même que, parfois, des gestes simples, comme un sourire, suffisent pour qu’une relation entre deux personnes puisse naître ou s’améliorer.
Vous avez vu le pape prier malgré son programme chargé ?
Quand nous étions en voiture, en hélicoptère ou en avion, il priait, le bréviaire ou le chapelet. Parfois, il me demandait quelque chose, ou bien c’est moi qui lui partageais quelque chose, mais d’autres fois, il priait simplement.
Traduction d’Anne Kurian