« Aux côtés des apôtres, Marie, dans un certain sens, redisait le ‘oui’ de l’Annonciation, se rendant présente comme la première évangélisatrice. Aucune des angoisses, des préoccupations, comme aucune des joies et des espérances de cette communauté ne peut lui être étrangère », affirme le cardinal Parolin.
Le cardinal Secrétaire d’État, Pietro Parolin s’est rendu le 8 mai dernier au sanctuaire de Pompéi à l’occasion de la « Supplique à la Reine du Rosaire », qui est traditionnellement récitée à midi en Italie, le 8 mai et le premier dimanche d’octobre (cf. Zenit du 6 octobre 2013 pour le texte de cette prière).
Il a présidé la messe à 10h30, et la récitation de la Supplique, à 12h, en union avec des personnes du monde entier (cf. Zenit du 7 mai 2014). La « Supplique à la Reine du Saint Rosaire » est une tradition mariale très vivante en Italie. Elle a été composée en 1883 par le bienheureux Bartolo Longo, fondateur de la nouvelle ville de Pompéi, près de Naples, à 250 km au sud de Rome.
« Nous sommes dans un lieu où la charité a planté sa tente », a déclaré le cardinal Parolin, pour qui la charité est « la révolution apportée par Jésus » et « l’essence même de son enseignement » : « La vie nouvelle du Christ consiste dans l’amour et se manifeste dans la charité ».
« L’amour entre les êtres humains est ce qui est le plus cher au cœur de Dieu, ce qu’il veut pour nous, parce qu’il est le Père de tous. En nous aimant les uns les autres, nous sommes donc plus proches de Dieu », a-t-il ajouté.
« La charité a ouvert les portes », a poursuivi le cardinal, invitant à « aider les hommes à croire en Jésus et en celui qui l’a envoyé, redonner l’espérance à l’humanité, parce qu’il n’est pas venu pour nous condamner, mais pour nous sauver. Notre engagement de chrétiens mûrs et courageux ne peut être que celui-ci. »
« Comme une mère pleine d’amour et d’attentions, Marie veille non seulement sur les événements de notre vie quotidienne mais aussi sur la solidité de notre foi », a aussi souligné le cardinal.
A.K.
Homélie du cardinal Parolin à Pompéi
Chers frères et sœurs,
Je remercie Mgr Tommaso Caputo, archevêque prélat de Pompéi, pour son aimable invitation à présider cette célébration, en ce jour de la Supplique à la Bienheureuse Vierge Marie de Pompéi. Je remercie Monsieur le maire et les autres Autorités civiles et militaires de leur présence, en témoignage de leur attachement au sanctuaire et de l’importance que celui-ci revêt pour la ville et pour la région, outre la dévotion de tous les fidèles catholiques qui viennent nombreux du monde entier pour remercier la Mère de Jésus de toutes les grâces dont elle se fait la bienveillante médiatrice et pour en demander de nouvelles. Je suis heureux d’être ici en pèlerin, avec vous, dans cette ville doublement célèbre dans le monde : pour les fouilles de l’antique cité romaine et pour la présence plus que jamais vivante et agissante de ce splendide sanctuaire de la Bienheureuse Vierge Marie, fondé par le bienheureux Bartolo Longo.
Les lectures, écoutées dans la « cité de Marie », l’autre nom de cette terre merveilleuse et si riche d’histoire, nous présentent des évocations que la proximité du temps pascal rend encore plus intenses et importantes. La liturgie de ce jour nous parle tout d’abord de l’Église naissante. Les apôtres, fortifiés par le don de l’Esprit-Saint, commencent leur mission d’annonciateurs de la bonne nouvelle. Pierre, désigné par Jésus comme pasteur du petit troupeau, proclame sa foi dans le Christ crucifié et ressuscité et invite les personnes présentes à se repentir de leurs péchés et à laver leurs fautes dans l’eau du baptême pour renaître à une vie nouvelle. Cela suscite une première question : en quoi consiste cette vie nouvelle ? Pour les chrétiens, il ne peut y avoir qu’une seule réponse : elle consiste dans l’amour et se manifeste dans la charité.
Nous sommes dans un lieu où la charité a planté sa tente, s’est établie comme un élément constitutif d’une histoire de foi qui continue à regarder vers l’avant, poussée par la force humble et puissante de son origine ; ici, la prière, la couronne du rosaire dont le fondateur Bartolo Longo s’est fait l’apôtre, s’est insérée dans une réalité qui parlait d’autre chose. Elle parlait de misère et d’abandon, d’injustice et de d’abus de pouvoir. La dignité de l’homme était piétinée et les pauvres, les derniers de la file, n’étaient quasiment pas considérés.
. Aucun problème, aucune appréhension, si fort et si justifiés soient-ils, ne peut garder éloignée une espérance qui, justement en ce lieu se manifeste comme concrète, faite d’œuvres qui parlent le langage d’une charité qui transforme, construit et fait toutes choses nouvelles. Cela reste vrai même si, aujourd’hui, ce que nous vivons ne nous met pas à l’abri des difficultés et des angoisses, telles le piège d’une violence toujours latente, ou les rares et incertaines perspectives de travail pour nos jeunes ; pour eux en effet, la crise économique de notre époque, mais aussi des retards historiques et structurels rendent difficile de regarder l’avenir avec sérénité et confiance.
« Nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères », dit Jean dans sa première Lettre. Quelles réflexions pouvons-nous donc tirer de ces lectures ? Que veut nous dire le Seigneur aujourd’hui ? Je voudrais m’arrêter, avec vous, sur trois concepts en particulier : professer notre foi, la mettre en pratique par l’amour du prochain et être lumière pour le monde (mission).
Professer notre foi.
Pensons à Pierre, pauvre pêcheur de Galilée, entraîné par Jésus dans une aventure qui le dépasse. Le Seigneur lui donne les clés du Royaume, le met à la tête des apôtres, lui fait confiance. Et lui, que fait-il ? Au moment où Jésus a besoin de lui, il le renie trois fois. Mais la foi dans le Christ est plus forte ! Pierre « pleura amèrement », se repentit de ce qu’il avait fait et, après la résurrection de Jésus, rassembla ses frères. Mais il était encore peureux. Son humanité était fragile. Et voilà que Dieu envoie l’Esprit-Saint qui donne aux apôtres, réunis avec Marie dans le Cénacle, la grâce, la force d’annoncer le Royaume de Dieu. Comment ne pas noter la présence de Marie au Cénacle ? Aux côtés des apôtres, proche de chacun d’eux au moment où l’Esprit-Saint les poussait sur la voie du témoignage et de la mission, Marie, dans un certain sens, redisait le « oui » de l’Annonciation, se rendant présente comme la première évangélisatrice. Ainsi, Marie se mettait au service de Jésus et de l’Évangile, humble servante du Seigneur, mais aussi mère de notre foi. C’est avant tout cette dimension-là qu’elle nous offre, en particulier dans sa « belle demeure » de Pompéi, un sanctuaire posé au cœur d’une ville qui a grandi sous son ombre et sous sa protection. Aucune des angoisses, des préoccupations, comme aucune des joies et des espérances de cette communauté ne peut lui être étrangère. Comme une mère pleine d’amour et d’attentions, elle veille non seulement sur les événements de notre vie quotidienne mais aussi sur la solidité de notre foi. C’est elle qui nous invite à tourner notre regard vers son Fils. C’est elle qui continue d’assister les apôtres de notre temps pour qui le devoir du témoignage et de la mission n’a pas changé. Nous sommes tous baptisés et nous avons reçu, par la Confirmation, le don de l’Esprit-Saint. Faisons fructifier ce don. Professons notre foi c
omme saint Pierre. Même si cela doit nous coûter, comme ce fut le cas pour lui. Pensons aux milliers de chrétiens qui, aujourd’hui encore, au XXIe siècle, souffrent à cause de leur foi, sont persécutés, voient leurs droits piétinés. Prions pour eux et, surtout, comportons-nous comme eux, sans nous abaisser à des compromis, mais en vivant et en professant pleinement notre foi.
Mettre notre foi en pratique, c’est-à-dire aimer notre prochain
C’est précisément là que réside le cœur de notre foi. C’est celle-là, la révolution apportée par Jésus. L’amour mutuel, voilà le commandement qu’il a donné à ses amis, avant de mourir, en le définissant comme étant « sien » et « nouveau ». C’est par conséquent l’essence même de son enseignement. En effet, nous dit saint Jean, c’est seulement à travers l’amour pour nos frères, que « nous passons de la mort à la vie ». Cela signifie que nous renaissons à une vie nouvelle. La terre qui vous accueille aujourd’hui est un exemple de vie nouvelle, cette terre sur laquelle, aujourd’hui, j’ai pu faire l’expérience de la joie de la célébration eucharistique.
Ce terme de « nouvelle » qui précède le nom de la ville de Pompéi n’indique pas simplement la grande distance dans le temps qui la sépare de la splendide ville antique des ruines, qui nous a été transmise dans un ensemble monumental unique au monde. La « Nouvelle Pompéi » évoque plutôt la distance qui la sépare de cette Vallée désolée qui s’offrait au regard d’un évangélisateur comme Bartolo Longo. C’était un laïc, qui avait eu une vie plutôt difficile et tourmentée, et qui a vu dans cette terre abandonnée et ravagée par la dégradation et par la pègre, non pas un lieu d’où se détourner mais le point de départ pour un « nouveau commencement ». Il y avait avant tout une espérance à reconstruire. Bartolo Longo considérait qu’il était nécessaire de mettre sa foi en pratique, c’est-à-dire d’aimer son prochain et de se confier dans la Providence et dans la miséricorde de Dieu. C’est la prière qui a été au centre du projet de la « Nouvelle Pompéi ». Les grains du rosaire, dont il fut un inlassable propagateur, sont devenus les véritables et les plus solides « pierres » pour l’édification du sanctuaire, maison commune de la foi et de l’espérance d’un peuple nouveau.
La foi vécue rend témoignage à l’expérience de Pompéi, elle devient notre force, elle unit et englobe toutes nos actions et nous conduit à Dieu. L’amour entre les êtres humains est ce qui est le plus cher au cœur de Dieu, ce qu’il veut pour nous, parce qu’il est le Père de tous. En nous aimant les uns les autres, nous sommes donc plus proches de Dieu. Et l’union avec lui est source inépuisable de lumière intérieure, source de vie, de fécondité spirituelle et de renouveau continu.
Être lumière pour le monde (mission)
Forts de notre foi, déterminés à aimer notre frère, tous nos frères, nous pouvons alors être vraiment lumière pour le monde, comme Jésus. Cette lumière, cette vérité, nous devons la porter au monde, en témoigner et l’annoncer à tous. Et le faire avec joie, comme y exhorte le pape François : « Ne soyez pas des hommes, des femmes tristes ; un chrétien ne peut pas l’être ! Ne vous laissez jamais prendre par le découragement ! Notre joie ne vient pas de la possession de beaucoup de choses, mais de notre rencontre avec une personne, Jésus ; elle vient de ce que nous savons qu’avec lui, nous ne sommes jamais seuls, même dans les moments difficiles, même quand notre chemin rencontre des problèmes et des obstacles qui semblent insurmontables, et il y en a beaucoup ! ». En ces temps difficiles, aider les hommes à croire en Jésus et en celui qui l’a envoyé, redonner l’espérance à l’humanité, parce qu’il n’est pas venu pour nous condamner, mais pour nous sauver. Notre engagement de chrétiens mûrs et courageux ne peut être que celui-ci. Nous ne pouvons pas garder pour nous cette joyeuse certitude, nous devons la communiquer aux autres, parce que, nous dit encore le pape François dans Evangelii gaudium : « Nous parvenons à être pleinement humains quand nous sommes plus qu’humains, quand nous permettons à Dieu de nous conduire au-delà de nous-mêmes pour que nous parvenions à notre être le plus vrai » (n.8).
Pensons à Marie que nous vénérons ici, à Pompéi, sous le titre de Vierge du Rosaire. Elle a accueilli le don que Dieu lui a fait et l’a apporté au monde. Dans le Magnificat, elle a professé sa foi, vivant en même temps l’amour concret du prochain. Elle a suivi Jésus jusqu’à la fin, sous la croix, étant, par son Stabat, le témoignage vivant de la lumière de la foi, et aujourd’hui encore elle se donne à ses enfants.
Le fondateur du sanctuaire de Pompéi, le bienheureux Bartolo Longo, a vécu lui aussi pleinement ces fondements de la vie chrétienne. Après sa conversion, il n’a pas hésité à professer sa foi, utilisant tous les moyens à sa disposition à son époque. Il fit de l’amour des frères, surtout des derniers et des personnes marginalisées, le but de sa vie. Il a rayonné la lumière de la foi dans le monde entier, par son inlassable action d’évangélisation, qui continue aujourd’hui grâce à l’engagement du sanctuaire.
Confions à Marie, Reine du ciel et de la terre, mais surtout notre très douce Mère, la « plus tendre des mères », toutes nos préoccupations, nos angoisses et nos besoins. Prions pour l’Église, prions pour le pape François qui m’a demandé que nous pensions particulièrement à lui en ce jour et en ce lieu, prions pour le monde entier et prions pour la paix. Que l’Enfant que nous voyons sur les genoux de Marie et la couronne mystique que nous apercevons dans sa main nous inspirent la confiance que nous serons exaucés. Ainsi soit-il.
Traduction de Zenit, Hélène Ginabat