« Seul celui qui reconnaît sa propre fragilité, ses propres limites, peut construire des relations fraternelles et solidaires, dans l’Eglise et dans la société », estime le pape François.
Le pape a rencontré quelque 6.000 membres du « mouvement apostolique des aveugles » et de la « petite mission pour les sourd muets », hier, 29 mars 2014, en la salle Paul VI du Vatican.
« Laissez-vous rencontrer par Jésus : Lui seul connait vraiment le cœur de l’homme, Lui seul peut le libérer des contraintes et du pessimisme stérile et l’ouvrir à la vie et à l’espérance », les a-t-il exhortés.
Après son discours, le pape François a fait un bain de foule d’une demi-heure dans la salle, embrassant et bénissant les participants, sous les applaudissements et les chants de fête.
Allocution du pape François
Chers frères et sœurs, bienvenue !
Je salue le Mouvement apostolique pour les aveugles (Movimento Apostolico Ciechi) qui a organisé cette rencontre à l’occasion de ses « Journées du Partage » et je salue la « Petite mission pour les sourds-muets » (Piccola Missione per i Sordomuti), qui a touché la réalité de bien des sourds en Italie. Je remercie les deux responsables pour les paroles qu’ils m’ont adressées, et j’étends mes salutations aux membres de l’Union Italienne des aveugles et malvoyants qui participent à cette rencontre.
Je voudrais faire avec vous une brève réflexion à partir du thème « Témoignages de l’Evangile pour une culture de la rencontre ».
La première chose que j’observe c’est que cette phrase se termine avec le mot « rencontre », mais au départ elle suppose une autre rencontre, celle avec le Christ. En effet, pour être témoins de l’Evangile, il faut l’avoir rencontré Lui, Jésus. Qui le connait vraiment, devient son témoin. Comme la Samaritaine – que nous avons lue dimanche dernier – cette dame qui rencontre Jésus, qui Lui parle, et sa vie change ; elle retourne chez les siens et dit : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Messie ? » (Jean 4,29).
Le témoin de l’Evangile c’est celui qui a rencontré Jésus Christ, qui l’a connu, ou mieux, qui s’est senti connu de Lui, re-connu, respecté, aimé, pardonné, et cette rencontre l’a touché en profondeur, l’a rempli d’une joie nouvelle, d’un nouveau sens pour sa vie. Et ceci transparait, se communique, se transmet aux autres.
Je me suis souvenu de la Samaritaine parce que c’est un exemple clair du genre des personnes qu’aimait rencontrer Jésus, pour faire d’eux des témoins : des personnes marginalisées, exclues, méprisées. La samaritaine l’était en tant que femme et en tant que Samaritaine – les samaritains étaient très méprisés par les juifs. Mais nous pensons à tous ceux que Jésus a voulu rencontrer, surtout les personnes marquées par la maladie et par le handicap, pour les guérir et leur redonner leur pleine dignité. C’est très important que justement ces personnes deviennent témoins d’un nouveau comportement, que nous pouvons appeler culture de la rencontre. L’exemple typique est celui de l’aveugle de naissance, qui sera représenté demain, dans l’Evangile (Jean 9,1-41).
L’homme était aveugle de naissance et marginalisé en raison d’une fausse conception qui le considérait atteint d’une punition divine. Jésus réfute radicalement cette manière de penser – un vrai blasphème ! – et accomplit pour l’aveugle « l’œuvre de Dieu », en lui donnant la vue. Mais le point notable est que cet homme, à partir de ce qui lui est arrivé, devient témoin de Jésus et de son œuvre, qui est l’œuvre de Dieu, de la vie, de l’amour, de la miséricorde. Pendant que les chefs des pharisiens, du haut de leur assurance, jugent que c’est lui Jésus le « pêcheur ». L’aveugle guéri, avec une simplicité désarmante, défend Jésus et à la fin professe sa foi en Lui, et partage aussi son sort : Jésus est exclu, et lui aussi devient exclu. Mais en réalité, cet homme est entré pour faire partie de la nouvelle communauté, basée sur la foi en Jésus et son amour fraternel.
Voici les deux cultures opposées. La culture de la rencontre et la culture de l’exclusion, du préjugé. La personne malade ou handicapée, justement à partir de sa fragilité, de ses limites, peut devenir témoin de la rencontre : rencontre avec Jésus, qui ouvre à la vie et à la foi, rencontre avec les autres, avec la communauté. En effet, seul celui qui reconnaît sa propre fragilité, ses propres limites peut construire des relations fraternelles et solidaires, dans l’Eglise et dans la société.
Chers amis je vous remercie d’être venus et je vous encourage à aller de l’avant sur cette route, sur laquelle vous avancez. Vous, du Mouvement apostolique des aveugles, en faisant fructifier le charisme de Marie Motta, femme pleine de foi et d’esprit apostolique. Et vous de la Petite mission pour les sourds-muets, dans le sillage du vénérable Père Joseph Gualandi. Et vous tous, ici présents, laissez-vous rencontrer par Jésus : Lui seul connait vraiment le cœur de l’homme, Lui seul peut le libérer des contraintes et du pessimisme stérile et l’ouvrir à la vie et à l’espérance.
Traduction d’Hugues de Warren pour Zenit