Le cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation pour les Églises orientales, a reçu le “Prix Ducci pour la paix 2014”, hier, 18 mars, à Rome.
Évoquant « les souffrances » des Églises orientales, en Ukraine, en Irak, en Égypte, en Éthiopie, le cardinal a dédié le Prix au « martyre du peuple syrien, au-delà des distinctions religieuses », avec une pensée spéciale pour les chrétiens pris en otage.
La récompense de la Fondation italienne Ducci étant destinée chaque année à trois représentants des religions monothéistes, pour leur engagement dans le dialogue interreligieux, il a également été remis à l’écrivain juive Manuela Dviri et à Ahmad Badr Al-Din Hassoun, Grand mufti de Syrie.
Pour la VIIe édition de cet événement, la Fondation Ducci avait organisé un congrès sur le thème “La crise éthique et les grandes religions”.
La crise actuelle, souvent comprise comme une crise économique et financière, est en réalité « une crise de l’éthique et de la vision de l’homme », a fait observer le cardinal Sandri : c’est « la personne humaine qui est en danger », comme le pape François l’a déclaré au cours de l’audience générale du 5 juin 2013.
Le 7 septembre suivant, lors de la veillée de prière pour la paix en Syrie, le pape avait mis en garde : « Le monde de Dieu est un monde dans lequel chacun se sent responsable de l’autre, du bien de l’autre… Quand l’homme se met à la place de Dieu, alors il abîme toutes les relations, il ruine tout ; et il ouvre la porte à la violence, à l’indifférence, au conflit. »
Le cardinal a souligné la contribution des grandes religions : face à cette crise éthique, elles sont appelés à « contester une vision de l’homme individualiste ».
En effet, « judaïsme, christianisme et islam, avec le principe de la Révélation, considèrent l’homme comme un “auditeur de la parole”, c’est-à-dire l’interlocuteur de Dieu mis au sommet de la création ».
Dans cette optique, « l’homme est relation, non pas solitude. Son identité est d’être en relation, ou de ne pas être », a insisté le cardinal : « La relation originelle ouvre chaque homme aux autres membres de l’humanité, considérés comme des compagnons de pèlerinage vers l’Absolu. »
Si l’éthique s’exprime « dans l’adhésion aux normes et aux valeurs », cependant elle deviendrait « moralisme abstrait » si elle n’était pas « animée de la perception de l’Autre et des autres ».
« L’économie a besoin d’une éthique, mais non d’une éthique quelconque ou de paramètres vertueux à respecter : plutôt d’une éthique amie de la personne », a ajouté le cardinal en citant Caritas in Veritate (45).
Témoignant de ses rencontres pleines de « respect » avec des représentants de différentes confessions religieuses, le cardinal a évoqué une anecdote vécue dans un camp de réfugiés syriens : « Je me souviens avec émotion d’un homme, de religion islamique, qui m’a pris le bras en marchant dans la boue et dans le froid de janvier, me faisant comprendre par gestes – car malheureusement je ne parle pas arabe – qu’il m’invitait à entrer sous sa tente. Il m’a présenté ses trois enfants, de 8, 12 et 15 ans, tous aveugles de naissance, et a voulu que je pose ma main sur leur tête en invoquant la bénédiction de Dieu. »
Pour le cardinal, cette expérience a illustré « toute la vérité des paroles du pape François », dans l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium: « Ce regard de Jésus s’élargit et se dirige, plein d’affection et d’ardeur, vers tout son peuple. Ainsi, nous redécouvrons qu’il veut se servir de nous pour devenir toujours plus proche de son peuple aimé… Nous devons reconnaître aussi qu'[…] au-delà de toute apparence, chaque être est infiniment sacré et mérite notre affection et notre dévouement. » (EG 268.274).
Le cardinal a conclu en encourageant à échanger un vœu de paix dans les trois langues symboliques des trois religions monothéistes : en arabe, « As-salam Alaykoum », « la paix soit sur vous », et sa réponse « Wa Alaykoum As-salam ! », « et avec toi la paix » ; en hébreu « Shalom ! », « paix ! », « U Vraka ! », « et bénédiction ! » ; enfin en latin « Pax Vobis », « la paix soit avec vous, » qui est « le salut du Seigneur ressuscité ».