C’était il y a vingt ans, le samedi 19 mars 1994. C’était sa fête, il s’appelait Giuseppe, Joseph. Don Beppe Diana était abattu par cinq coups de pistolet : deux à la tête, un au visage, un à la main, et un au cou. Il est mort sur le coup, à 7h 20, juste avant la messe qu’il allait célébrer dans sa paroisse de Saint-Nicolas-de-Bari, à Casal di Principe, sa ville natale, dans la province de Caserte, avec aujourd’hui quelque vingt-mille habitants.
Une messe a été célébrée en mémoire de lui, ce 19 mars 2014, à 7 h 30, dans cette même paroisse, en présence de milliers de jeunes.
Il avait incité les chrétiens à se rebeller contre la criminalité organisée locale, la « Camorra », à dénoncer les camorristes aux carabiniers. La Camorra a voulu a voulu le faire taire. Il disait justement ne pas vouloir se taire : « par amour de mon peuple ».
Le sacristain, présent, a couru, comme don Peppe l’aurait voulu, dénoncer l’assassinat aux carabiniers. Il a dû ensuite s’éloigner pendant quatre ans. Il n’est revenu qu’après arrestation de l’auteur matériel de l’assassinat.
La nouvelle a secoué toute l’Italie. Le pape Jean-Paul a dénoncé cet assassinat à l’angélus du lendemain, dimanche 20 mars 1994, en disant : « Je ressens le besoin d’exprimer une fois encore la vive douleur qu’a provoqué en moi la nouvelle de l’assassinat de don Giuseppe Diana, curé du diocèse d’Aversa, tué par des tueurs sans pitié alors qu’il s’apprêtait à célébrer la sainte messe. Déplorant ce nouveau crime odieux, je vous invite à vous unir à moi dans la prière pour l’âme de ce prêtre généreux engagé au service pastoral de son peuple. Daigne le Seigneur faire en sorte que le sacrifice de son ministre, grain évangélique tombé en terre et mort (cf. Jn 12, 24), produise des fruits de conversion sincère, de concorde active, de solidarité et de paix ».
Don Franco Picone, qui lui a succédé comme curé de Saint-Nicolas, a déclaré, ce 19 mars 2014, à la RAI que depuis « beaucoup de choses sont changées dans l’esprit des personnes, un printemps est en train de naître », pour que l’on ne dise plus « le clan des Casalesi » – le clan de ceux de Casal -, mais « le peuple des Casalesi »: « ces terres sont de don Diana et de ceux qui comme lui ont donné la vie pour elles ». Le « clan » est de la « Camorra », pas de Casal !
Pour le frère de don Diana, le sacrifice de don Giuseppe « n’a pas été vain » : « un peuple est en train de changer ». « Il avait 36 ans, c’était un type énergique, engagé pour les jeunes : il étaient des miliers dimanche et encore aujourd’hui, ce qui montre que les choses changent ».
Il y a des « vents de changements » (#ventidicambiamenti) déclare le Comité don Diana. La télévision italienne (RAI) a consacré un film, diffusé les 18 et 19 mars, en deux épisodes, à l’histoire du curé courage qui a laissé son empreinte, osant dénoncer la « terreur » imposée par la violence de la Camorra. Don Diana est interprété par Alessandro Preziosi, qui déclare être heureux d’avoir interprété le rôle du prêtre, au nom des « valeurs italiennes », de « nos valeurs en tant que chrétiens ».
Dans un manifeste intitulé « Par amour de mon peuple » diffusé à Noël, en 1991, dans toutes les églises de Casal di Principe, et de la région d’Aversa, don Goiuseppe Diana avait appelé à des plans pastoraux « courageux ».
Il disait notamment, en s’appuyant sur l’Ecriture où il puisait une grande force – il avait une maîtrise en théologie biblique -: « Dieu nous appelle à être des prophètes. Le prophète fait la sentinelle. Il voit l’injustice, la dénonce, et rappelle le dessein originaire de Dieu (Ezéchiel 3,16-18); le prophète rappelle le passé ou il s’en sert pour saisir la nouveauté du présent (Isaïe 43); le prophète invite à vivre et lui-même vit la solidarité dans la souffrance (Genèse 8,18-23); le prophète indique comme priorité la voie de la justice (Jérémie 22, 3 – Isaïe 5). Conscients que « Notre secours est dans le om du Seigneur », comme croyants en Jésus Christ qui « à la fin de la nuit se retirait sur la montagne pour prier », nous réaffirmons la valeur anticipatoire de la prière qui est la source de notre espérance ».
Il ajoutait à l’adresse de ses confrères : « Aux prêtres nos pasteurs, et confrères, nous demandons de parler clairement dans les homélies et dans toutes les occasions où il faut un témoignage courageux. A l’Eglise, de ne pas renoncer à son rôle « prophétique » afin que les instrument de la dénonciation et de l’annonce se concrétisent dans la capacité à produire une nouvelle conscience sous le signe de la justice, de la solidarité, des valeurs éthiques et civiles (Lam 3,17-26) ».