« Le pape « total » a su surprendre tous ses frères » : c’est le résumé de la première année du pape François, dans l’éditorial de « Il Sole 24 Ore », du dimanche 9 mars, par Mgr Bruno Forte, archevêque de Chieti-Vasto :
« Une année avec le pape François : que nous a-t-il dit et que nous dit-il ? Le lendemain de son élection comme évêque de Rome, j’écrivais sur ces pages : « L’Église n’a pas fini de surprendre… en une journée à peine, voici le nouveau pape. Un signe fort d’unité, un message lancé au village global » (14 mars 2013). Et j’ajoutais : « L’attente du monde entier… les images, plus éloquentes que n’importe quelle parole, de la foule sur la Place Saint-Pierre et du nouveau pape se présentant avec simplicité et étonnement à la fenêtre donnant sur Rome et sur le monde, font comprendre combien ce qui s’est passé a une signification qui va au-delà de la communauté catholique et du peuple des croyants ».
Comme je l’ai fait alors, à une année de distance, je vais essayer de regarder l’actuel successeur de Pierre à partir de différents points de vue, et le premier ne peut qu’être celui de la foi : le pape François, Jorge Mario Bergoglio, s’est manifesté tel qu’il est, un homme dont la foi profonde s’exprime dans un style de vie simple, austère, proche des pauvres, capable de rayonner et de susciter l’amour. Ce pape, qui se présente avec un « bonsoir » désarmant, et qui demande au peuple de prier sur lui avant de donner la bénédiction « urbi et orbi », a su et voulu être avant tout l’évêque de l’Église de Rome qui annonce et nourrit la foi, en portant sur lui « l’odeur des brebis ».
Ses rencontres avec les prêtres et les habitants de la Ville éternelle, ses visites dans les paroisses, les groupes de fidèles des diverses communautés romaines qui vont à tour de rôle participer à l’eucharistie qu’il célèbre à Sainte-Marthe, donnent à son pontificat une extraordinaire épaisseur pastorale et font redécouvrir au monde ce qu’est avant tout le pape : l’évêque de l’Église de Rome qui, par dessein divin, préside dans la charité à toutes les Églises. Loin de diminuer son autorité, ce caractère fortement pastoral rend le ministère du successeur de Pierre plus incisif et attirant, y compris pour les autres confessions chrétiennes, et en général plus proche du cœur des femmes et des hommes de tous les coins de la terre.
Le pape François a tout autant su valoriser son identité de premier pape venu d’Amérique latine, le continent qui a le nombre le plus élevé de catholiques, mais aussi qui connaît des situations de pauvreté et d’inégalité dramatiques. Si, comme il l’a dit le soir de son élection, « les cardinaux sont allés chercher l’évêque de Rome au bout du monde », ce « bout du monde » n’a jamais été oublié par lui : le pape François s’est fait continuellement la voix de tous les pauvres de la terre, attirant l’attention sur toutes les situations qui attendent la justice et un chemin de libération. Il est perçu comme un père et un frère, un serviteur des humbles, un ami des petits, auxquels il exprime sa tendresse et un profond respect.
C’est un pape qui sait parler d’un Dieu qui est amour pour toutes les réalités marquées par la pauvreté et la souffrance, quelles qu’elles soient. C’est un évangélisateur infatigable de la miséricorde divine, en particulier à l’égard de ceux qui peuvent se sentir jugés ou exclus de ce regard d’infini amour. Son sourire et la simplicité de ses gestes réussissent à rappeler ou à faire découvrir à tous avec émerveillement que Dieu rejoint tous les cœurs et parle toutes les langues, et qu’il est proche de toute douleur, parce qu’il parle la langue de l’amour ! Ce pape annonce ainsi l’immense valeur et la dignité de la personne humaine sans avoir besoin de recourir à des expressions difficiles à comprendre (comme celle de valeurs « non négociables », qu’il n’aime pas parce qu’en réalité seules les valeurs du marché sont négociables !) ; il élève un hymne à la vie à travers l’éloquence de ses gestes et la proximité affectueuse dont il témoigne en tissant avec détermination et humilité, comme le Poverello dont il porte le nom, « des pactes de paix » entre les hommes.
La relation d’amitié entre le pape François et le peuple juif est aussi émouvante : dans la suite de tout ce qu’il avait déjà fait à Buenos Aires, il a montré combien les relations avec les enfants d’Israël étaient une priorité dans son cœur, une manière visible d’aimer Jésus de Nazareth, juif à jamais, dans le peuple élu et dans la mission que celui-ci, selon l’apôtre Paul, conserve jusqu’à la fin des temps.
Les chrétiens non catholiques aussi montrent qu’ils regardent le pape François avec une sympathie et un intérêt particuliers, parce qu’il se présente à eux comme un frère, l’évêque de l’Église qui préside dans l’amour, décidé à évangéliser avec un nouvel élan d’abord Rome, et à offrir précisément ainsi un service de témoignage et de charité à toutes les Églises. C’est ce que, depuis des années, le dialogue œcuménique et l’ecclésiologie de Vatican II demandaient, en pensant à un ministère universel d’unité pour tous les chrétiens. Et la prochaine rencontre à Jérusalem avec le patriarche de Constantinople, Bartholomaios (déjà présent à la célébration d’inauguration du pontificat), en sera certainement la confirmation. De leur côté, les héritiers de la Réforme le considèrent avec une communion particulière, pour ce souffle d’Évangile que l’on perçoit en tout ce qu’il fait et dit, et qui peut être la véritable source de l’unité entre tous les disciples du Christ.
Quant aux croyants des autres religions, le pape François leur propose la voie de la confiance mutuelle et de la fraternité universelle devant le Dieu unique. Sa franchise, son sens profond du divin ont déjà touché beaucoup de cœurs et ouvrent certainement la route à des rencontres jusqu’ici inédites. Ceux qui ne croient pas semblent eux aussi attirés par la façon d’être de ce témoin de Jésus, ami des hommes, qui ne veut justifier personne, qui respecte chacun et par qui chacun peut se sentir accueilli et aimé. Cette richesse de relations en mouvement aura une incidence sur l’Église elle-même, appelée à vivre un nouveau printemps de réformes et de renouveau au nom de l’Évangile.
Les peurs et les résistances, les incompréhensions et les retards ne manqueront pas. Le pape François ne semble pas s’en effrayer. Avec conviction et confiance, il montre qu’il pressent que l’Église et le monde ont besoin de ce nouveau courant, aussi ancien que la miséricorde divine, extrêmement nouveau comme la soif d’amour avec laquelle tous les êtres humains se réveillent tous les jours ! C’est pourquoi, croyants et non-croyants ensemble, les premiers en répondant à son invitation continuelle à prier pour lui, les seconds avec cette sympathie qu’il inspire à tous, nous pouvons lui dire du fond du cœur : Bon anniversaire, pape François ! »
Traduction d’Hélène Ginabat