Lundi 1er mars 1858, Lourdes: premier miracle

Douzième apparition

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Bernadette est venue à la Grotte, comme chaque jour durant cette quinzaine. Il a fallu deux vigoureux gaillards pour qu’elle puisse arriver là où elle se place d’ordinaire. Elle a vu la Dame, mais certainement pas un prêtre d’un village voisin, qui s’était glissé, non sans mal, tout près d’elle. Il faut dire qu’il était myope et qu’il voulait observer les choses de près, ne sachant que penser. Le curé de Lourdes avait interdit à ses vicaires de se rendre à Massabielle mais lui n’était pas de Lourdes. Il est le premier prêtre, semble-t-il, venu à la Grotte, entraîné par un groupe de paroissiens. 

Sa venue fit un certain bruit. Mais un autre fait retient notre attention aujourd’hui. Il passa inaperçu mais il a inauguré ce que les medias ont retenu de Lourdes : les miracles.
Loubajac est un village situé à quelques kilomètres de Lourdes. Une femme du village, Catherine Latapie, à la suite d’une chute, était handicapée du bras droit et deux de ses doigts avaient perdu toute souplesse. Pour une paysanne, mère de quatre enfants, c’est une calamité : qui fera son travail ? Depuis dix-huit mois, son état ne s’était guère amélioré. Une nouvelle naissance s’annonçait, qui ne ferait qu’accroître les difficultés.

Dans la nuit du 28 février au 1er mars, Catherine Latapie se sent appelée, ou poussée, vers Lourdes. L’eau coule depuis trois jours et beaucoup de Lourdais commencent à y voir un signe surnaturel. En pleine nuit, cette femme part donc pour Lourdes, malgré les objections de son mari. Elle emmène avec elle ses deux derniers, de tout jeunes enfants.

Arrivée à la Grotte, elle prie, elle qui n’était pas confite en dévotions. Elle monte vers le fond de la Grotte et trouve le petit bassin qui recueille désormais l’eau découverte quelques jours plus tôt. Elle plonge la main dans l’eau encore mêlée de terre. Les doigts retrouvent leur souplesse et Catherine peut joindre les mains pour rendre grâce.

La suite ne manque pas de pittoresque. Catherine Latapie était donc enceinte. Comme pour Marie à Bethléem, le temps de l’accouchement était arrivé. Pour un peu, l’enfant naîtrait à Massabielle. La première « miraculée » (comme on dira plus tard) demanda une seconde faveur à la Vierge : qu’elle lui donne le temps de rentrer chez elle. Les douleurs s’arrêtèrent et la femme put reprendre le chemin de Loubajac. Elle eut le temps de déposer chez une voisine les deux enfants qu’elle avait emmenés. Toutes choses étant désormais en ordre, l’enfant naquit enfin. Il reçut le nom de Jean-Baptiste, celui qui baptisait dans l’eau du Jourdain. Quelque vingt ans plus tard, Jean-Baptiste était ordonné prêtre.

Le cas de Catherine Latapie est un des sept qui ont été retenus par Mgr Laurence pour appuyer l’authenticité des apparitions de Lourdes. Un autre mériterait d’être raconté, car il s’agit d’un aveugle, comme le mendiant de Jéricho dont parlait l’évangile du dimanche 14 février : Louis Bouriette. La date de sa guérison, dans les premiers jours du mois de mars, n’est pas aussi précise que celle de Catherine Latapie : pour elle, l’état-civil ayant enregistré la naissance de son fils est formel.

Louis Bouriette travaillait dans les carrières, comme la majorité des hommes de Lourdes. Il a été blessé à un œil dans une explosion d’une mine. A brève échéance, cet œil est perdu. Sa fille va à la Grotte, en rapporte de l’eau. Elle lave les yeux de son père. Instantanément, il revoit la lumière et, très vite, recouvre complètement la vue. Son médecin, si l’on ose dire, n’en croit pas ses yeux.

Cette guérison de Louis Bouriette est très remarquable pour plusieurs raisons. Jésus lui-même a guéri bien des aveugles et « illumination » était un des noms du baptême, au temps des apôtres. La guérison fait intervenir une autre personne, la fille. Elle ne s’opère pas sur place mais à distance de la Grotte, le lien consistant dans l’usage de l’eau. Un médecin, par ses paroles pessimistes peu de jours auparavant, puis par le constat de la guérison, est un témoin irrécusable.

Lourdes est identifiée au miracle. Pour la plupart des gens, ces miracles sont aussi légendaires que le Père Noël mais l’association Lourdes-miracle fait partie de la culture populaire, au moins en France. De fait, les guérisons liées à Lourdes sont innombrables. Si peu d’entre elles ont été proclamées officiellement par l’Eglise, c’est parce qu’il y en avait trop et que cela ne servait à rien, les apparitions ayant été, une fois pour toutes, reconnues authentiques.

Le plus étrange, c’est que rien, dans le message de Lourdes, ne concerne les malades. Bernadette n’a jamais demandé sa guérison à Notre-Dame de Lourdes, même après la reconnaissance des apparitions. Elle mettait en garde contre un usage magique de l’eau de la Grotte. Elle exerça avec compétence la fonction d’infirmière, pesant avec soin la composition des remèdes que le médecin lui demandait d’administrer.

Nous aurions tort, cependant, de mépriser cet aspect de Lourdes. Ces miracles sont un signe d’espérance. A la Grotte, seule Bernadette voyait. Mais, « au ciel » comme l’on disait au 19ème siècle, nous sommes tous appelés à voir. Les apparitions sont un avant-goût. D’ailleurs, Bernadette elle-même était plus désireuse de revoir la Vierge au ciel que nostalgique des apparitions de Massabielle.

De même, nous sommes tous appelés à la vie, dans la résurrection. « Je crois à la résurrection de la chair », disons-nous dans le Credo. Les guérisons miraculeuses sont un avant-goût de la résurrection à venir. Elles sont provisoires, comme l’ont été les apparitions pour Bernadette. Mais elles ouvrent une brèche, en direction de Dieu, auteur de la vie et non de la mort.

Seigneur,
Tu as demandé à Marie d’être la Mère de ton Fils.
Elle lui a donné la vie
Et aujourd’hui, elle est près de toi, vivante, dans la gloire de son Assomption.
En priant Notre-Dame de Lourdes,
Beaucoup ont retrouvé la santé de l’âme et du corps.
Nous croyons et nous espérons en toi qui es l’auteur de la vie.
Nous te confions nos frères et sœurs malades
Au Nom du Père et du Fils, et du Saint-Esprit.
Amen !

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Jacques Perrier

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