« L’autorité et la liberté se rencontrent sur le chemin de dévouement » : le Doyen du Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, M. Jean-Claude Michel, Ambassadeur de la Principauté de Monaco, a cité cinq noms dans son discours de vœux au pape François, lundi, 13 janvier : le pape lui-même, ses gestes – dont Lampedousa et la prière du 7 septembre – et ses paroles – Lumen Fidei, Evangelii Gaudium -, Nelson Mandela, et cette expression du bienheureux Frédéric Ozanam. Il a rendu également hommage au pape émérite Benoît XVI, et il a cité l’engagement de Benoît XV pour la paix, au moment de la Première guerre mondiale dont c’est, en 2014, le centenaire.
De Mandela, il dit : « Modèle de courage dans l’adversité, il restera dans notre histoire contemporaine le symbole du pardon et de la réconciliation, la voix de la liberté, justement reconnus par le prix Nobel de la Paix 1993. »
Et il cite cette phrase d’Ozanam : « La charité rappelle aux dépositaires de l’autorité qu’ils tiennent ici-bas la place de cette providence qui n’use de sa puissance souveraine que pour le bien des créatures. Le pouvoir devient sacrifice comme l’obéissance, l’autorité et la liberté se rencontrent sur le chemin du dévouement. »
Au nom du Corps diplomatique, l’Ambassadeur a déclaré la disponibilité de tous : « Votre engagement pour un monde toujours meilleur, pour le respect de la dignité humaine et pour la liberté de religion trouvera toujours un interlocuteur attentif dans la riche diversité de notre communauté diplomatique. »
Voici le texte intégral du discours de l’Ambassadeur de la Principauté de Monaco.
A. Bourdin
Discours de M. Jean-Claude Michel
Très Saint-Père,
Je mesure avec gravité l’honneur qui m’est imparti, en ce début d’année, de présenter à Votre Sainteté, au nom du Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, nos vœux de santé et de bonheur pour Votre Personne et de rayonnement spirituel pour Votre Ministère pétrinien heureusement inauguré au mois de mars dernier.
Avant d’évoquer l’actualité des douze mois écoulés qu’il me soit permis d’ exprimer, en notre nom à tous, à Sa Sainteté le Pape Emérite Benoît XVI nos sentiments de gratitude pour le service de vérité et de charité qu’Il a assumé pendant Son Pontificat et de Lui témoigner notre respect et notre profonde sympathie.
Je veux aussi avoir une pensée émue pour mon prédécesseur au décanat, l’Ambassadeur Alejandro Valladares Lanza, que le Seigneur a rappelé auprès de Lui le 22 Octobre 2013.C’était un homme habité par une foi profonde. Très Saint-Père, souvenez-vous de lui dans vos prières.
A présent, nous sommes providentiellement invités à collaborer avec un nouveau Pasteur qui apporte dans son humanité franciscaine et sa spiritualité ignacienne une orientation prophétique à nos institutions séculaires.
« Le Successeur de Pierre hier, aujourd’hui et demain est toujours appelé à confirmer ses frères dans cet incommensurable trésor de la foi que Dieu donne comme lumière sur la route de chaque homme. »
Tels sont, Très Saint-Père vous le savez, les termes par lesquels s’ouvre votre première encyclique. « Lumen fidei ». Avec ce texte et Votre exhortation apostolique « Evangelii Gaudium » Vous nous avez offert des documents d’une haute valeur théologique et d’une grande profondeur au cœur même de l’année consacrée à la Foi.
L’année qui vient de s’achever a été émaillée d’épisodes trop nombreux pour être ici tous rappelés.
Mais comment ne pas souligner l’émotion ressentie au spectacle de ces milliers de jeunes rassemblés à Rio de Janeiro autour du Christ et de Son Vicaire dans une magnifique communion de fraternité priante et de témoignage chrétien?
La volonté de répondre aux questions existentielles de notre temps animera, à ne pas en douter, les travaux de la 3ème assemblée extraordinaire du Synode des Evêques sur la famille – réalité aujourd’hui tant controversée et pourtant combien fondamentale – que vous avez convoquée du 5 au 19 Octobre 2014.
2013 a malheureusement connu son cortège de jours assombris par un grand nombre d’évènements tragiques et de catastrophes.
Nous sommes encore meurtris par la vision insupportable de ces embarcations de fortune surchargées d’hommes, de femmes et d’enfants fuyant, au péril de leur vie, la violence et la détresse pour des rivages plus hospitaliers que beaucoup, hélas n’ont jamais atteints et par les images terribles du gigantesque typhon qui a ravagé les Philippines, de la puissance dévastatrice des tornades aux Etats-Unis, de la furie destructrice de l’eau en Italie et, particulièrement, en Sardaigne et en Calabre.
Et, pourtant, nous sommes quelque peu réconfortés quand, en de pareilles circonstances, la communauté humaine apporte le témoignage de sa solidarité et se mobilise pour tenter d’alléger la souffrance de ces milliers d’êtres humains dépouillés, privés de tous leurs biens.
Si nous ressentons notre impuissance devant les déchainements de la nature, nous sommes davantage bouleversés par l’indifférence d’un certain monde devant les drames engendrés par les inégalités sociales, l’injustice dont sont victimes les plus démunis, l’égoïsme des nantis et autre dureté de cœur.
Nous avons écouté avec une attention extrême vos appels en faveur de la paix, pour que cesse la violence partout dans le monde et, en particulier, au Proche – Orient où des millions d’êtres humains sans défense, déplacés ou réfugiés, sont pris en charge au prix de grandes difficultés par les pays de la région qu’il est de notre devoir d’aider à affronter une situation d’une exceptionnelle gravité. Et je veux à l’instant souligner l’impact considérable de la Veillée de prières décrétée par Votre Sainteté le 7 septembre dernier.
Nous avons partagé votre indignation devant les tragédies de la faim, de l’exclusion sous toutes ses formes, de l’immigration – désormais phénomène mondial – de l’esclavage moderne et du trafic des êtres humains, des persécutions religieuses, notamment contre les chrétiens. Les prises de positions très fortes de Votre Sainteté en font, si j’ose dire, le « leader » de la lutte contre ces drames qui, témoignent, hélas, de l’indignité, de l’intolérance et de la cruauté dont peut s’emparer l’humanité. Dans ces douloureuses circonstances nous, Ambassadeurs, nous faisons toujours l’écho de vos messages, dans toute leur intensité, auprès de nos gouvernements.
Votre engagement pour un monde toujours meilleur, pour le respect de la dignité humaine et pour la liberté de religion trouvera toujours un interlocuteur attentif dans la riche diversité de notre communauté diplomatique. Permettez-moi de vous assurer de sa disponibilité totale à un dialogue qui permette au Saint-Siège de disposer du meilleur éclairage pour la pleine compréhension des positions de nos pays dans leur pluralité et leur différence.
En des temps où le recours à la force aveugle et sanglante souvent au nom même de la religion continue de bouleverser la vie d’une grande partie de l’humanité, nous saluons votre engagement personnel.
Et je tiens à dire ici combien nous avons été sensibles à Votre exhortation apostolique « Evangelii gaudium » et, en particulier, au développement que Votre Sainteté a consacré au dialogue interreligieux.
Nous rendons hommage à l’engagement actif de la diplomatie du Saint-Siège qui, l’année prochaine, célèbrera le 50èmeanniversaire de l’ouverture de sa mission diplomatique auprès de l’Organisation des Nations Unies.
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4 sera aussi l’année de la commémoration de l’un des évènements les plus meurtriers de l’histoire de notre monde: le 100ème anniversaire du début de la première guerre mondiale qui a envoyé à la mort des millions et millions d’hommes. Le souvenir de ce que l’un de Vos prédécesseurs, le Pape Benoît XV, a qualifié avec douleur de « massacre inutile » donne encore plus de poids aux exhortations de Votre Sainteté en faveur de la paix entre tous les peuples.
Au cours de cette année 2013, se sont allumés quelques lueurs d’espérance. Par exemple lorsque des hommes de bonne volonté s’efforcent de sauver la paix en détruisant un arsenal d’armes chimiques ou en signant aux Nations Unies un traité sur le commerce des armes conventionnelles.
Je ne peux pas conclure sans honorer la mémoire d’un homme d’exception qui nous a quittés, il y a peu: Nelson Mandela. Modèle de courage dans l’adversité, il restera dans notre histoire contemporaine le symbole du pardon et de la réconciliation, la voix de la liberté, justement reconnus par le prix Nobel de la Paix 1993.
Le bienheureux Frédéric Ozanam a écrit: « La charité rappelle aux dépositaires de l’autorité qu’ils tiennent ici-bas la place de cette providence qui n’use de sa puissance souveraine que pour le bien des créatures. Le pouvoir devient sacrifice comme l’obéissance, l’autorité et la liberté se rencontrent sur le chemin de dévouement ».
Puissent les mois à venir conforter l’humanité dans cette perspective et voir se réaliser ce qui, Sainteté, est le plus cher à votre cœur de Pasteur et au nôtre : la Paix et le bonheur pour tous et pour chacun dès ici-bas et pour toujours.
Bonne, heureuse et sereine année, Très Saint-Père!