Un colloque de l’Observatoire Foi et Culture de la Conférence des évêques de France est organisé à Paris, samedi 7 décembre 2013: Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, président de l’Observatoire Foi et Culture, dégage la problématique de cette journée en répondant aux questions que posent, dans l’univers d’aujourd’hui, les relations pourtant multiséculaires entre le christianisme et la création artistique.
Le colloque aura lieu à la Maison des évêques de France, (58 avenue de Breteuil, Paris 7ème, inscriptions sur place ou par internet : ofc@cef.fr), avec la participation de Philippe Malgouyres, conservateur au Musée du Louvre ; Jean-Luc Marion, de l’Académie française ; Philippe Sers, professeur émérite à l’Ecole des Beaux-Arts, Michel Farin, s.j., cinéaste ; Mgr Jean-Michel di Falco Léandri, évêque de Gap et d’Embrun ; Laurence Cossé, romancière ; David Alan-Nihil, compositeur ; Matthieu Lehanneur, designer.
N’y a-t-il pas comme un divorce entre l’art contemporain et le grand public, qui n’y voit pas grand-chose de beau qu’on aurait envie d’avoir chez soi et peine à comprendre l’enthousiasme de critiques spécialisés et de riches investisseurs ? S’il en est ainsi, quelles raisons l’Eglise garde-t-elle de s’intéresser à l’art contemporain ?
Parler de divorce est excessif ; si une partie du public peine à comprendre les œuvres et à les apprécier, on constate que les musées et les expositions consacrés aux œuvres contemporaines attirent de nombreux visiteurs. La cote de ces œuvres est aussi un indice de l’intérêt des financeurs. La situation est paradoxale, on aime détester ce que l’on adore. Cependant, il semble que dans la suite des propos de Marcel Duchamp* « c’est le regardeur qui fait l’œuvre », nombre d’artistes et de leurs œuvres refusent tout critère extérieur à eux-mêmes. L’intérêt de l’Eglise catholique pour les arts, les artistes et les œuvres se situe dans une volonté de reprise d’un dialogue ; autrement dit, il est salutaire pour chacun, ici les artistes et les croyants, de pouvoir travailler ensemble, chacun dans son domaine bien entendu. L’histoire témoigne que les grands artistes d’hier ont réalisé leurs œuvres majeures en réponse à des commandes et avec un commanditaire souvent exigeant : l’Eglise catholique. Ceci fait sortir de l’idée romantique de l’artiste enfermé dans sa chambre et dans le seul dialogue intérieur.
Pourquoi l’Eglise, lorsqu’il lui arrive encore de commander des œuvres d’art, s’adresse-t-elle à des artistes qui ne sont pas nécessairement croyants ? Comment peuvent-ils répondre ce qu’elle attend d’eux ?
La contrainte est un stimulant. N’est-ce pas le chemin que Dieu lui-même a choisi d’emprunter ? (Je force le trait). Il s’est révélé dans l’histoire du peuple d’Israël et son Fils a assumé tout de la nature humaine. Les chrétiens vivent et disent dès lors leur foi dans les mots et les formes de l’époque et de la culture. Sans dénigrer l’œuvre des copistes, vingt siècles de christianisme expriment autant d’expressions artistiques rendant compte de la foi chrétienne. Il n’y a a priori aucune forme, aucune matière, aucun style, qui soit, par lui-même, propre ou impropre à rendre compte du mystère chrétien. Le programme ne porte pas sur ces éléments, mais sur ce qui est exprimé.
La plupart des artistes renommés semblent aujourd’hui avoir pris une autonomie quasiment totale par rapport à la foi chrétienne, qui a l’air de leur être indifférente. L’Eglise ne pourrait-elle pas développer une esthétique qui lui serait propre ?
Ce serait : « Les cathos parlent aux cathos » ! La logique du ghetto n’est guère celle que j’entends dans l’Evangile. Le récit de la Pentecôte montre les apôtres, sous l’action de l’Esprit Saint, s’adresser à toutes les nations qui sont sous le ciel, « chacun les entendant parler dans sa propre langue ». Une Eglise qui n’aurait aucune capacité à s’adresser à celles et ceux qui se sont pas déjà des fidèles verrait son avenir bien compromis. C’est bien en parlant les langues des hommes, c’est-à-dire leurs cultures, que la mission se poursuit.
*Marcel Duchamp (1887-1968), artiste peintre, plasticien, homme de lettres français – mort à Neuilly-sur-Seine – a été naturalisé américain en 1955. Il a bouleversé l’art du XXe siècle.