Le Saint-Siège appelle à un arrêt « urgent » des violences en Syrie : il plaide pour « l’aide humanitaire », le « droit humanitaire » et le respect de « l’intégrité territoriale » du pays, avec une « place pour tous », notamment des Syriens chrétiens.
La diplomatie vaticane poursuit son action en vue de la paix en Syrie. Mgr Dominique Mamberti, Secrétaire pour les Rapports avec les Etats, évoque la conférence Genève 2 – fixée au 23 novembre puis repoussée – dans les colonnes de l’agence catholique italienne SIR, dans une interview de Daniele Rocchi. Si le Saint-Siège était invité comme « observateur » à la Conférence, il enverrait une délégation.
Selon Cor Unum, les organisations humanitaires avaient débloqué globalement, à la date du 9 octobre, une aide de plus de 53 millions d’euro pour les victimes de la crise syrienne.
Mgr Mamberti fait état de « développements positifs » ces dernières semaines quant aux armes chimiques, mais « tout est encore à résoudre » : « Les affrontements violents continuent de semer la mort et la destruction et la situation humanitaire déjà insoutenable continue de s’aggraver. Les prévisions indiquent que d’ici la fin de l’année, c’est la moitié de la population syrienne qui aura besoin d’une aide humanitaire. »
Unité et intégrité territoriale
C’est ce qui rend « encore plus urgente et nécessaire la cessation de la violence et la priorité de l’engagement pour l’assistance humanitaire ».
Il faut rappeler « l’exigence et l’urgence du respect du droit humanitaire » : « On ne peut pas rester inertes devant les continuelles violations du droit humanitaire, de quelque côté que ce soit ».
Il réaffirme : « Il n’y a pas de solution militaire au conflit. Et l’on ne pourra trouver une issue que par le dialogue et la négociation des parties en présence, avec le soutien de la Communauté internationale. Le fait que l’on ait trouvé un accord sur le thème délicat du démantèlement de l’arsenal chimique syrien indique que s’il y a une volonté politique, on peut trouver un accord sur les autres questions nécessaires à la résolution du conflit. »
Il considère que parmi les « principes généraux » devant présider à la négociation sont les efforts pour « la reprise du dialogue et la réconciliation du peuple syrien », la « préservation de l’unité du pays en évitant la constitution de zones différentes pour les diverses composantes de la société », la garantie de « l’intégrité territoriale ». Pour le ministre des Affaires étrangères du Saint-Siège il sera important en outre de « demander à tous les groupes, en particulier ceux qui voudraient assumer des postes de responsabilité dans le pays, d’offrir des garanties que, dans la Syrie de demain, il y aura de la place pour tous, en particulier pour les minorités, évidemment, y compris pour les chrétiens ».
Importer des idées de paix, pas des armes
La mise en oeuvre concrète de ses principes demandera, avertit Mgr Mamberti, « le respect des droits humains et en particulier de la liberté religieuse ». Il recommande aussi de prendre en compte la notion de « citoyenneté » qui reconnaît à tous les citoyens, « indépendamment de l’appartenance ethnique ou religieuse », la « même dignité » et leur « égalité » de droits et de devoirs.
Puisqu’il n’y a pas de solution « militaire » à ce conflit, Mgr Mamberti rappele que « continuer à fournir des armes aux combattants ne fait que contribuer au conflit, augmenter les victimes et les souffrances du peuple syrien».
« Si la violence continue, affirme-t-il, il n’y aura pas de vainqueurs, mais seulement des vaincus », avant de citer Benoît XVI lors de sa rencontre avec les journalistes sur le vol Rome-Beyrouth en septembre 2012 : « Que pouvons-nous faire contre la guerre ? Nous disons, naturellement, répandre toujours le message de la paix, rendre clair que la violence ne résout jamais un problème et consolider les forces de la paix. Ici est important le travail des journalistes, qui peuvent beaucoup aider à montrer comment la violence détruit, ne construit pas, n’est utile à personne. Ensuite, je dirais peut-être des gestes du peuple chrétien, des jours de prière pour le Moyen-Orient, pour les chrétiens et les musulmans, et montrer la possibilité de dialogue et de solutions. Je dirais aussi que doit enfin cesser l’importation des armes : parce que sans l’importation des armes, la guerre ne pourrait continuer. Au lieu d’importer les armes, qui est un péché grave, nous devrions importer des idées de paix, de créativité, trouver des solutions pour accepter chacun dans son altérité ; nous devons donc rendre visible dans le monde, le respect des religions les unes vis à vis des autres, le respect de l’homme comme créature de Dieu, l’amour du prochain comme fondamental pour toutes les religions. En ce sens, avec tous les gestes possibles, avec les aides matérielles aussi, aider pour que cesse la guerre, la violence, et que tous puissent reconstruire le pays. »
Face à la préoccupation devant la présence en Syrie de « groupes extrémistes », souvent issus d’autres pays, il préconise d’exhorter la population et les groupes de l’opposition à « pendre leurs distance » vis-à-vis d’eux, à les « isoler », à « s’opposer ouvertement et clairement au terrorisme ».
« Les meilleurs antidotes aux tensions confessionnelles et le risque de désagrégation sont le dialogue et la réconciliation », affirme le diplomate, qui rappelle l’insistance du pape François sur « l’éducation à la culture de la rencontre ». Il insiste particulièrement sur l’importance du dialogue interreligieux qui « n’est pas une question réservée à des spécialistes, mais le devoir de tous les fidèles ».
La contribution irremplaçable des Syriens chrétiens
Mais il affirme en même temps une « responsabilité particulière » des chefs religieux pour manifester que « la religion doit être au service de la paix et de l’unité et non pas au service de la guerre et de la division ». Là aussi l’éducation à un rôle à jouer.
« Les chrétiens veulent continuer, insiste Mgr Mamberti, à être des facteurs de réconciliation et d’unité et offrir leur contribution irremplaçable au bien commun de la société ».
« Le Saint-Siège souhaite et encourage la réalisation de la Conférence Genève 2, avec la plus grande participation possible », ajoute-t-il : « On en peut pas prétendre que la Conférence résolve d’un coup un conflit qui est particulièrement complexe et où tant d’intérêts divergents sont impliqués, avec des acteurs non seulement locaux mais régionaux ». Mais pas d’autre chemin que « la recherche d’un accord avec l’aide de tous ».
La conférence devra constituer un « premier pas fondamental pour au moins lancer le processus de paix qui sera évidemment douloureux » : « on ne sait pas encore quelle forme aura cette Conférence, ni si le Saint-Siège sera invité à y participer en tant qu’Observateur ». Si oui, il enverrait « une délégation pour manifester sa sollicitude pour le bien de la chère nation syrienne et pour offrir discrètement toute collaboration possible ».
Cependant, pour Mgr Mamberti, la grande contribution du Saint-Siège et de l’Eglise se situa « à un autre niveau qui touche le profond des cœurs » : il mentionne la Journée de jeûne et de prière pour la paix convoquée par le pape François, le 7 octobre dernier, et qui a été « bien accueillie au niveau mondial et a donné tant de fruits de paix ».
Car « l’arme principale » de l’Eglise, conclut le diplomate français, c’est « la prière et la charité » : « Sa
plus grande contribution est la vie de foi des croyants qui deviennent protagonistes, dans les différents milieux, de la vie sociale, à la recherche du bien de tous et de la paix ».