L’évangélisation en Asie « ne s’est pas réalisée à travers des missionnaires, mais parce que les laïcs mêmes « ont demandé que l’Évangile arrive jusqu’à eux », affirme le cardinal Filoni qui note chez eux « une conscience d’être les acteurs principaux de l’évangélisation en Asie ».
En résumé, ce n’est pas simplement l’Eglise qui s’intéresse à ce grand continent, « mais c’est avant tout l’Asie qui prend conscience d’elle-même. Et nous sommes à leurs côtés pour marcher ensemble ».
L’évangélisation en Asie a été ouverte, il y a plus de quatre cents ans, avec l’œuvre du missionnaire jésuite italien, le Père Matteo Ricci. Et avec lui, « l’ami », Xu Guangqi, laïc chinois converti au christianisme, homme de foi, de politique et de culture, qui a vécu en honnête homme et qui est mort comme un pauvre.
La figure peu connue du « docteur Paulus », comme l’appelaient ses contemporains jésuites, revit aujourd’hui à travers l’ouvrage « Un chrétien à la cour des Ming », sous la direction d’Elisa Giunpiero présenté le 22 octobre 2013 à Radio Vatican par le cardinal Fernando Filoni, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, le Père Federico Lombardi, directeur de la salle de presse du Vatican, Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté de Sant’Egidio, et le professeur Ren Yali, membre de l’Académie chinoise des sciences sociales.
Le cardinal Filoni fait le point sur l’évangélisation de l’Asie, en marge de la conférence.
Éminence, où en est aujourd’hui le dialogue entre l’Église et l’Asie ?
Card. Filoni – Lorsqu’il a convoqué le synode, le bienheureux Jean-Paul II avait déjà entrevu que l’Asie allait devenir, pas simplement pour des raisons industrielles ou commerciales, le lieu vers lequel l’Église devait braquer ses phares. Naturellement, il est bon de retrouver les grandes racines de l’immense présence chrétienne sur ce continent, parce que l’histoire des missions est très riche en Asie. En partant de ces racines, la question qui se pose est la suivante : « Que peut faire l’Église aujourd’hui ? ». D’ailleurs, ce n’est pas simplement l’Occident qui se tourne vers l’Asie, mais c’est l’Asie elle-même qui prend conscience de sa richesse. Je suis allé récemment en Corée et j’ai apprécié le fait que les laïcs affirment que la présence de l’Évangile ne s’est pas réalisée à travers des missionnaires, mais parce qu’eux-mêmes, à travers ce qu’ils ont étudié et vu, ont demandé que l’Évangile arrive jusqu’à eux. Ce n’est qu’au bout de 58 ans qu’ils se sont rendu compte qu’ils avaient aussi besoin de l’aide de la Propaganda Fide, et ils ont écrit pour avoir des missionnaires. Cette conscience d’être les acteurs principaux de l’évangélisation en Asie, nous ne la trouvons pas seulement en Corée. Aux Philippines aussi, par exemple, on se dit : « Nous autres, en tant que pays chrétien, nous avons un rôle à jouer en Asie ». Et donc, ce n’est pas simplement nous qui nous réveillons et qui nous intéressons à ce grand continent, mais c’est avant tout l’Asie qui prend conscience d’elle-même. Et nous sommes à leurs côtés pour marcher ensemble.
En Chine, il y a encore des divisions entre l’association patriotique et l’Église clandestine…
Ce qui est très intéressant, c’est que depuis un an, de ce côté-là, il n’y a pas eu de véritable dialogue, mais un travail d’étude. Mon intervention du 25 octobre 2012, cinq ans après la lettre de Benoît XVI aux catholiques chinois, a mis les nouveaux dirigeants face à la manière dont ils pourraient éventuellement être en relation avec le Saint-Siège. Nous avons éclairci notre point de vue et eux l’ont étudié, ils sont en train de l’étudier. Nous espérons que viendra bientôt le moment où le dialogue pourra reprendre.
La Chine était une priorité du pontificat de Benoît XVI. Peut-elle l’être pour le pape François ?
La question n’est pas de savoir si elle peut l’être, elle l’est déjà.
De nombreux mouvements laïcs travaillent à l’évangélisation sur le nouveau continent. Quelles sont les perspectives de ce point de vue ?
Il n’y a pas de doute que, depuis le concile Vatican II, le laïcat a assumé un rôle extraordinaire dans l’évangélisation. Ce n’est pas un hasard si, à l’angélus de dimanche dernier, le pape a voulu parler de la Journée missionnaire mondiale en citant une femme exemplaire qui n’était ni une religieuse ni une sœur, mais une laïque [Afra Martinelli, missionnaire depuis des années en Afrique, tuée la semaine dernière à la suite d’une demande de rançon au Nigéria, ndlr]. Alors tous les mouvements, surtout ceux qui sont nés depuis le Concile, ont et doivent avoir une perspective missionnaire. Nous croyons que ceci est un aspect nouveau qui peut apporter une plus grande contribution à une réalité où les missionnaires, au sens traditionnel (prêtres, frères, religieux etc.) diminuent du point de vue des vocations, alors qu’augmentent de façon exponentielle les laïcs qui s’engagent pour la mission. Parmi ceux-ci, je pense au Chemin néocatéchuménal, au mouvement des Focolari, à Communion et Libération. Tous ces mouvements jouent actuellement un rôle que nous considérons, à la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, comme extrêmement utile et nécessaire pour l’évangélisation en Asie.
Quels effets du pontificat du pape François avez-vous observés en Asie ?
Au début, le nouveau pape a suscité une immense curiosité. Tout le monde se demandait qui il était. Dès ses premières prises de parole, dès les premiers événements, il a montré ce qui se passe au-delà de Rome. À travers le pape François, tout le monde a remarqué que l’Église respire un air nouveau et vit une dimension nouvelle. Et ceci a suscité de l’intérêt, et même de l’enthousiasme. Le fait que les évêques, les représentants de la République demandent que « le pape vienne chez nous » veut dire qu’il se crée, autour de lui, y compris dans ces Églises, loin de Rome, une grande attente positive.
Traduction d’Hélène Ginabat