« N’économisons pas nos forces dans la formation des jeunes », exhorte le pape François, qui invite les évêques, prêtres et consacrés à « aider les jeunes à redécouvrir le courage et la joie de la foi », et à les éduquer « à la mission, à sortir, à partir », c’est-à-dire à ne pas les tenir « attachés comme une mère poule avec ses poussins », ni « enfermés dans la paroisse, dans les communautés, quand tant de personnes attendent l’Évangile ».

Le pape François a célébré la messe avec les évêques (plus d’un millier), les prêtres, les religieux, religieuses, et séminaristes présents à la XXVIIIe Journée mondiale de la jeunesse 2013, ce matin, samedi 27 juillet, à 9h, en la cathédrale Saint-Sébastien de Rio de Janeiro.

Le pape est déjà venu jeudi dernier, 25 juillet – pour la rencontre avec les jeunes Argentins - en cette cathédrale moderne (construite dans les années 60-70), en forme de pyramide maya, hommage aux peuples précolombiens.

A son arrivée en papamobile découverte – malgré la pluie – le pape a été accueilli par le recteur de la cathédrale, Mgr Aroldo da Silva Ribeiro. Sur le chemin de la sacristie, il a pris le temps de saluer des évêques venus des quatre coins du monde, qui l’attendaient en ornements blancs.

Mgr Orani João Tempesta, archevêque de Rio, a introduit la célébration en remerciant le pape : « c’est vous qui avez désiré cette rencontre, avec une petite partie des hommes et des femmes qui ont tout laissé derrière eux pour suivre Jésus-Christ ».

Lors de son homélie, le pape a invité à « penser à la pastorale en partant de la périphérie, en partant de ceux qui sont les plus loin, de ceux qui d’habitude ne fréquentent pas la paroisse. Ce sont des invités VIP, allez au carrefour des chemins, allez les chercher », sous les applaudissements de l’assemblée.

Il a également encouragé les consacrés à être « serviteurs de la communion et de la culture de la rencontre », dans une culture actuelle où les relations humaines « sont régulées par deux “dogmes” modernes : efficacité et pragmatisme » : « ayez le courage d’aller à contrecourant de cette culture ».

Au terme de la célébration, le pape a publié ce "tweet" sur son compte @Pontifex : "Les évêques sont les pasteurs du Peuple de Dieu. Suivons-les avec courage et confiance."

AK

Homélie du pape François :

Chers frères dans le Christ !

En regardant cette cathédrale remplie d’Évêques, de prêtres, de séminaristes, de religieux et religieuses venus du monde entier, je pense aux paroles du Psaume de la messe d’aujourd’hui : « Que les peuples, Dieu, te rendent grâce » (Ps 66). Oui, nous sommes ici pour rendre grâce au Seigneur, et nous le faisons en réaffirmant notre volonté d’être ses instruments afin que non seulement quelques peuples rendent grâce à Dieu, mais tous. Avec la même parresia [audace] de Paul et Barnabé, nous voulons annoncer l’Évangile à nos jeunes, pour qu’ils rencontrent le Christ, lumière pour la route, et deviennent constructeurs d’un monde plus fraternel. En ce sens, je voudrais réfléchir avec vous sur trois aspects de notre vocation : appelés par Dieu ; appelés pour annoncer l’Évangile ; appelés pour promouvoir la culture de la rencontre.

1. Appelés par Dieu. Je crois que c’est important de raviver toujours en nous cette réalité, que souvent nous tenons pour acquise au milieu de tant d’engagements quotidiens : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis », nous dit Jésus (Jn 15, 16). C’est un revenir à la source de notre appel. C’est pourquoi un évêque, un prêtre, un consacré, une consacrée, un séminariste, ne peut pas être sans mémoire. Il perd la référence essentielle au début de son cheminement. Demandez la grâce, la demander à la Vierge, qui elle, a une bonne mémoire, la grâce de se souvenir de ce premier appel. Nous avons été appelés par Dieu et appelés pour demeurer avec Jésus (cf. Mc 3, 14), unis à lui En réalité ce vivre, ce demeurer en Christ, marque tout ce que nous sommes et tout ce que nous faisons. Et c’est précisément cette vie en Christ qui garantit notre efficacité apostolique et la fécondité de notre service : « Je vous ai établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit demeure » (Jn 15, 16). Ce n’est pas la créativité si pastorale qu’elle soit, ce ne sont pas les rencontres […] ou les planifications qui assurent les fruits, mais le fait d’être fidèles à Jésus, qui nous dit avec insistance : « Demeurez en moi, comme moi en vous » (Jn 15, 4). Et nous savons bien ce que cela signifie : le contempler, l’adorer et l’embrasser. Dans notre rencontre quotidienne, dans l’Eucharistie. Notre vie de prière, nos moments d’adoration, et aussi le reconnaître présent et l’embrasser dans les personnes les plus nécessiteuses. Le fait de « demeurer » avec le Christ ne signifie pas s’isoler, mais c’est demeurer pour aller à la rencontre des autres.

Je veux rappeler quelques paroles de la bienheureuse Mère Teresa de Calcutta. Elle dit : « Nous devons être très fiers de notre vocation qui nous donne la possibilité de servir le Christ dans les pauvres. C’est dans les ‘favelas’, dans les ‘cantegriles’ [bidonvilles], dans les ‘villas miseria’ [quartiers misérables], que l’on doit aller chercher et servir le Christ. Nous devons aller chez eux comme le prêtre se rend à l’autel, avec joie » (Mother Instructions, I, p. 80). Jésus est le Bon Pasteur, il est notre vrai trésor, s’il vous plaît, ne le gommons pas de notre vie, cherchons à fixer toujours plus en lui notre cœur (cf. Lc 12, 34).

2. Appelés pour annoncer l’Évangile. Chers Évêques et prêtres, beaucoup d’entre vous, sinon tous, êtes venus pour accompagner vos jeunes à leurs Journées mondiales. Eux aussi ont entendu les paroles du mandat de Jésus : « Allez, de toutes les nations faites des disciples » (cf. Mt 28,19). Notre engagement de pasteur est de les aider à faire brûler dans leur cœur le désir d’être des disciples missionnaires de Jésus. Certes, face à cette invitation beaucoup pourraient se sentir un peu effrayés, pensant qu’être missionnaire signifie laisser nécessairement son pays, sa famille et ses amis. Dieu demande que nous soyons des missionnaires là où nous sommes, là où il nous met, dans notre patrie ou là où lui nous met.

Aidons les jeunes à se rendre compte qu’être des disciples missionnaires est une conséquence du fait d’être baptisés, fait partie essentielle de l’être chrétiens, et que le premier lieu à évangéliser est sa propre maison, le milieu d’étude ou de travail, la famille et les amis. Aidons les jeunes, tendons l’oreille vers eux pour écouter leurs rêves, ils ont besoin d’être écoutés, pour écouter leurs succès, écouter leurs difficultés. C’est-à-dire être ainsi en écoutant peut-être le même livret mais avec une musique différente, avec des identités différentes. La patience d’écouter, c’est ce que je vous le demande de tout mon cœur : au confessionnal, dans la direction spirituelle, dans l’accompagnement. Sachons perdre du temps avec eux. Ça peut paraître coûter et fatiguer, ça fatigue beaucoup. Cela fatigue énormément et c’est beaucoup plus gratifiant de jouir de la récolte, et tous nous réjouissons plus de la récolte. Mais Jésus nous demande de semer sérieusement.

N’épargnons pas nos efforts pour la formation des jeunes. S’adressant à ses chrétiens, saint Paul utilise une belle expression, qu’il a fait devenir réalité dans sa vie: « Mes petits enfants, vous que j’enfante à nouveau dans la douleur jusqu’à ce que le Christ ait pris forme chez vous » (Ga 4, 19). Nous aussi faisons-la devenir réalité dans notre ministère ! Aider nos jeunes à r edécouvrir le courage et la joie de la foi, la joie d’être aimés personnellement de Dieu, c’est très difficile, mais quand un jeune le comprend – un jeune le sent par l’onction que l’Esprit-Saint lui donne – le fait d’être aimé personnellement par Dieu l’accompagne ensuite toute sa vie. La joie que Dieu a donnée à son Fils Jésus pour notre salut. Les éduquer à la mission, à sortir, à partir, à être des « gens des rues » de la foi. Jésus a fait ainsi avec ses disciples : il ne les a pas tenus attachés à lui comme une mère poule avec ses poussins ; il les a envoyés ! Nous ne pouvons pas rester enfermés dans la paroisse, dans nos communautés, dans notre institution paroissiale, dans notre institution diocésaine, quand tant de personnes attendent l’Évangile ! Sortir, envoyer. Ce n’est pas simplement ouvrir la porte pour qu’ils viennent, pour accueillir, mais c’est sortir par la porte pour chercher et trouver ! Poussons les jeunes pour qu’ils sortent. Evidemment parfois il va y avoir de présomptueux. N’ayons pas peur, les apôtres l’ont fait avant nous. Poussons-les à sortir. Pensons avec décision à la pastorale en partant de la périphérie, en partant de ceux qui sont les plus loin, de ceux qui d’habitude ne fréquentent pas la paroisse. Ce sont des invités VIP, allez au carrefour des chemins, allez les chercher.

3. Appelés par Jésus, appelés à évangéliser et troisièmement appelés à promouvoir la culture de la rencontre. Dans beaucoup de milieux, et en général dans cet humanisme économiciste qu’on nous a imposée dans le monde, s’est développée une culture de l’exclusion, une « culture du rebut ». Il n’y a de place ni pour l’ancien ni pour l’enfant non voulu ; il n’y a pas de temps pour s’arrêter avec ce pauvre dans la rue. Parfois il semble que pour certains, les relations humaines soient régulées par deux “dogmes” : efficacité et pragmatisme. Chers Évêques, prêtres, religieux, religieuses et vous aussi séminaristes qui vous préparez au ministère, ayez le courage d’aller à contrecourant de cette culture. Ayez-en le courage. Souvenez-vous cela me fait du bien et je les médite fréquemment. Prenez le premier livre des Maccabées. Souvenez-vous quand ils ont voulu se modeler sur la culture de l’époque : mangeons de tout comme tout le monde. Bon, la loi oui mais sans exagérer. Et ils ont abandonné la foi pour se placer dans le courant de cette culture. Ayez le courage d’aller à contre-courant de cette culture de l’efficacité, de cette culture du rebut.

La rencontre et l’accueil de tous, la solidarité – qui est un mot qu’on cache dans cette culture, quasi comme un gros mot – la solidarité et la fraternité, sont les éléments qui rendent notre civilisation vraiment humaine. Être serviteurs de la communion et de la culture de la rencontre ! Je voudrais que vous soyez comme obsédés en ce sens. Et faites le sans être présomptueux. Sans imposer notre vérité. Mais au contraire guidé par la certitude humble et heureuse de celui qui a été trouvé, rejoint et transformé par la Vérité qui est le Christ et qui ne peut pas ne pas l’annoncer (cf. Lc 24, 13-35).

Chers frères et sœurs, nous sommes appelés par Dieu, chacun de nous par notre prénom et notre nom appelés à annoncer l’Évangile et à promouvoir avec joie la culture de la rencontre. La Vierge Marie est notre modèle. Dans sa vie elle a été « le modèle de cet amour maternel dont doivent être animés tous ceux qui, associés à la mission apostolique de l'Église, pour enfanter les hommes à une vie nouvelle » (Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 65). Nous lui demandons qu’elle nous enseigne à rencontrer Jésus chaque jour. Et quand nous faisons les distraits, que nous avons beaucoup de choses [à faire], que le tabernacle est abandonné, qu’elle nous prenne par la main, demandons-le lui. « Maman, quand je me disperse, prends-moi par la main ». Qu’elle nous pousse à sortir à la rencontre de tant de frères et sœurs qui sont aux périphéries, qui ont soif de Dieu et il n’y a personne pour le leur annoncer. Qu’elle ne nous ramène pas à la maison, mais nous pousse à sortir de chez nous. Et qu’ainsi nous soyons des disciples du Seigneur. Qu’elle nous accorde à tous cette grâce. Amen.