Pour le Saint-Siège, la liberté religieuse est menacée par la tolérance érigée comme valeur suprême : cette dernière peut donner naissance à « une intolérance au nom même de la tolérance ».
Mgr Mario Toso, SDB, secrétaire du Conseil pontifical « Justice et Paix », est intervenu au cours de la conférence de haut niveau sur la tolérance et la non-discrimination, organisée par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), à Tirana, en Albanie, du 21 au 22 mai 2013.
Il a pris la parole lors de la 2e session plénière, sur le thème de la « Lutte contre l’intolérance et la discrimination contre les chrétiens et les membres d’autres religions ». Une réunion qui prenait un relief particulier en cette année, anniversaire des 1700 ans de l’édit de Milan, par lequel l’empereur Constantin garantissait la liberté religieuse sur tout l’Empire romain (313).
La tolérance intolérante
L’évêque a constaté que depuis la dernière Conférence de haut niveau sur la tolérance et la non-discrimination, à Astana (2010), l’intolérance et la discrimination contre les chrétiens « n’ont pas diminué, mais plutôt augmenté en divers endroits de la région de l’OSCE ».
Le Saint-Siège a donc appelé à « mettre fin à l’intolérance et à la discrimination contre les chrétiens », et à permettre aux chrétiens « de parler librement », y compris « sur des questions que le gouvernement ou d’autres peuvent trouver désagréables », et « d’agir selon leur conscience dans leur milieu de travail et ailleurs ».
La discrimination contre les chrétiens est en effet « une menace grave », tout comme « l’antisémitisme et l’islamophobie », a souligné Mgr Toso, pour qui « la question de la liberté religieuse ne peut pas et ne doit pas être intégrée dans celle de la tolérance ».
Au contraire, cette dernière peut donner naissance à « une intolérance au nom de la tolérance » : « si, en effet, la tolérance est la valeur humaine et civile suprême, alors toute conviction authentiquement vraie, qui en exclut une autre, reviendrait à l’intolérance ».
Par ailleurs, a mis en garde le Saint-Siège, la tolérance mène au relativisme : « si toute conviction est aussi bonne qu’une autre, on finit par être accommodant, même envers des aberrations ».
« Le droit de croire en Dieu et de pratiquer cette croyance est un droit humain fondamental » et l’intolérance envers ce droit doit être « publiquement condamnée », a insisté Mgr Toso.
La liberté religieuse limitée
« Dans la région de l’OSCE, a-t-il poursuivi, une ligne de démarcation nette a été établie entre la croyance religieuse et la pratique religieuse », et on rappelle souvent aux chrétiens « qu’ils peuvent croire ce qu’ils veulent dans leurs propres maisons, et adorer comme ils le souhaitent dans leur églises privées, mais qu’ils ne peuvent pas agir d’après ces croyances en public ».
Pour Mgr Toso, il s’agit d’une « torsion délibérée » qui « limite » le sens de la liberté religieuse : « Refuser à l’argument moral inspiré par la religion une place dans l’espace public est intolérant et anti-démocratique. Ou pour le dire autrement, là où il pourrait y avoir un conflit de droits, la liberté religieuse ne doit jamais être considérée comme inférieure. »
L’intolérance contre les chrétiens est clairement visible en deux domaines aujourd’hui, a-t-il estimé : d’une part, « l’intolérance envers les discours chrétiens ». L’évêque note « une augmentation significative des incidents où des chrétiens ont été poursuivis, pour avoir parlé en termes chrétiens », que ce soit dans des « discours de chefs religieux », des « conversations privées entre citoyens », ou encore des « opinions sur les réseaux sociaux ».
D’autre part, Mgr Toso a relevé « l’intolérance envers la conscience chrétienne », en particulier dans le milieu du travail : « partout en Europe, des chrétiens perdent leur travail » au motif qu’ils ont « agi selon leur conscience ». Certains d’entre eux ont porté l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Ces citoyens, a poursuivi l’évêque, « sont contraints de choisir entre deux scénarios impossibles : renoncer à leur foi et agir contre leur conscience, ou résister et risquer de perdre leur gagne-pain ».
Mgr Toso a aussi dénoncé « des actes de vandalisme généralisé ciblant les églises et les cimetières chrétiens », actes qui « ne sont pas seulement des incidents anodins commis par des adolescents irresponsables » mais sont souvent « le résultat d’un plan prémédité » et expriment donc « un message de haine » contre les chrétiens « qui s’identifient aux symboles de leur foi ».