"Le Concile Vatican II et les Orientaux"

Analyse du card. Sandri

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« Que la croix nous unisse tous ! » : tel est le vœu du Concile Vatican II pour les chrétiens de toutes confessions, y compris « dans leurs rapports avec les autres religions et avec tout homme et femme de bonne volonté », rappelle le cardinal Sandri.

Le cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation pour les Eglises orientales, a inauguré un cycle de conférences pour l’Année de la foi organisé, le 18 avril, par le collège pontifical roumain de Rome sur le thème: « Le Concile Vatican II et les Orientaux ».

Ces conférences, a précisé le cardinal, aborderont largement l’« œcuménisme », même si le terme est « implicite dans l’énoncé » du thème : le Concile Vatican II a en effet contribué à souligner la « mission œcuménique » des Eglises catholiques orientales.

A la lumière du Concile, le cardinal a souhaité que « la croix unisse » tous les chrétiens : c’est « le vœu pascal et pleinement conciliaire » exprimé « pour les chrétiens de toutes confessions », a-t-il expliqué. Et cette affirmation vaut aussi « dans les rapports avec les autres religions et avec tout homme et femme de bonne volonté ».

L’Orient chrétien au Concile

A propos de l’Orient chrétien au Concile, il a précisé que quelques 200 orientaux – et plus de 2.000 latins – y ont participé.

Il a cité la constitution dogmatique Lumen Gentium (23) qui souligne l’origine apostolique des Eglises orientales, le décret Orientalium Ecclesiarum, entièrement dédié aux Eglises orientales catholiques y compris dans leurs rapports avec les orthodoxes (24-29), le décret Unitatis Redintegratio, sur l’œcuménisme, qui se réfère aussi aux catholiques orientaux (17).

Il a aussi cité le décret Christus Dominus, sur les évêques, et qui évoque la sollicitude pastorale demandée aux évêques latins vis-à-vis des catholiques orientaux (23 et 38), et le décret Presbyterorum Ordinis, sur la vie des prêtres et qui évoque le célibat et les prêtres orientaux mariés (16).

Il a cité parmi les textes ratifiés par des scrutins « éclatants » Orientalium Ecclesiarum qui a obtenu 2110 voix sur 2149 votants et Unitatis redintengratio en a obtenu 2137 sur 2148 votants.

Il y eut aussi, a poursuivi le cardinal, la « journée melkite » au Concile, la vocation melkite étant vue comme un signe pour l’œcuménisme : il s’agit de garder l’orthodoxie orientale « dans le cœur », tout en étant « en union avec le catholicisme ».

La « perle conciliaire »

Mais surtout il a évoqué un « perle conciliaire » que constitue la reconnaissance de l’origine apostolique des Eglises catholiques orientales, notamment dans Lumen Gentium (23) qui attribue leur origine à la « Providence » en disant: « La divine Providence a voulu que les Églises diverses établies en divers lieux par les Apôtres et leurs successeurs se rassemblent au cours des temps en plusieurs groupes organiquement réunis, qui, sans préjudice pour l’unité de la foi et pour l’unique constitution divine de l’Église universelle, jouissent de leur propre discipline, de leur propre usage liturgique, de leur patrimoine théologique et spirituel. ».

Pour le cardinal Sandri, la particularité de cette « perle » consiste dans « la pleine communion avec l’Eglise apostolique de Rome », exprimée dans Orientalium Ecclesiarum: « Entre ces Églises existe une admirable communion, de sorte que la diversité dans l’Église, loin de nuire à son unité, la met en valeur » (n.2).

En outre, dans Orientalium Ecclesiarum, l’Église catholique exprime son « estime » pour les Églises orientales en raison même de leur origine apostolique : « A cause de l’ancienneté vénérable dont ces Églises s’honorent, resplendit en elles la tradition qui vient des Apôtres par les Pères et qui fait partie du patrimoine indivis de toute l’Église et révélé par Dieu. »

Ainsi, la sollicitude de l’Eglise universelle pour les Églises orientales exprimée par le Concile n’est pas « un simple voeu sentimental » mais « une délibération théologique et juridique », qui « relie le Saint-Siège aux Eglises orientales catholiques, et les Eglises orientales catholiques ad intra et ad extra », a insisté le cardinal Sandri.

Une mission oecuménique

Le véritable message conciliaire pour les chrétiens orientaux souligne « la mission œcuménique des Eglise catholiques orientales », a estimé le cardinal : « La fidélité religieuse aux anciennes traditions orientales », en communion avec le siège romain, contribue à « promouvoir l’unité de tous les chrétiens » (OE 24).

Le cardinal a évoqué les positions des papes à ce sujet. Jean XXIII proposait, en ouvrant le concile, la « médecine de la miséricorde » pour rapprocher les chrétiens. Jean-Paul II, dans sa lettre apostolique Orientale Lumen, comme dans son encyclique Ut Unum Sint, parlait des chrétiens d’Orient. Benoît XVI, lors de sa visite à la Congrégation pour les Eglises orientales, soulignait que « le choix œcuménique opéré par le Concile est irréversible » et que les traditions de l’Orient chrétien sont le « patrimoine de toute l’Eglise » et une « référence pour l’avenir ».

Le pape François enfin, lors du Chemin de croix du Colisée, le 29 mars dernier, a rendu hommage au « témoignage » donné par les chrétiens d’Orient : « Nous l’avons vu quand le pape Benoît est allé au Liban : nous avons vu la beauté et la force de la communion des chrétiens de cette Terre et de l’amitié de tant de nos frères musulmans et de beaucoup d’autres. Ce fut un signe pour le Moyen Orient et pour le monde entier : un signe d’espérance. »

Une même dignité

Parmi les conséquences du Concile, le cardinal Sandri cite le Code de droit canonique des Eglises orientales, promulgué le 18 octobre 1990 par Jean-Paul II, et qui est « une des principales et formelles expressions de la « diversité dans l’unité », voulue par Vatican II ».

Ce Code marque un tournant dans l’histoire : en effet, a-t-il expliqué, jusqu’à Vatican II l’Eglise s’inspirait du principe de la « praestantia ritus latini », qui postulait « la supériorité de l’Eglise latine sur les Eglises orientales », notamment du rite latin.

Le Concile a instauré une perspective nouvelle : il a affirmé que « les Eglises, d’Orient comme de l’Occident, jouissent d’une même dignité, de sorte qu’aucune ne prévaut sur les autres en raison de son rite ».

Orientalium Ecclesiarum dit, par exemple: « Le Concile déclare solennellement que les Églises d’Orient, tout comme celles d’Occident, ont le droit et le devoir de se gouverner selon leurs propres disciplines particulières. Celles-ci, en effet, se recommandent par leur vénérable ancienneté, s’accordent mieux avec les habitudes de leurs fidèles et semblent plus adaptées pour assurer le bien des âmes » (OE 5).

En d’autres termes, « l’Eglise latine n’est pas synonyme d’Eglise universelle, et ses lois ne sont pas uniques dans l’Eglise. Elles n’obligent pas les orientaux, comme le droit oriental n’oblige pas les Latins ».

La spécificité des Orientaux

Le Concile a également souhaité que « l’identité ecclésiale et rituelle accompagne les catholiques orientaux où qu’ils soient » : « Que tous les Orientaux sachent en toute certitude qu’ils peuvent et doivent toujours garder leurs rites liturgiques légitimes et leur discipline, et que des changements ne doivent y être apportés
qu’en raison de leur progrès propre et organique » (OE 6).

Le « rite » est, selon le code de droit canon oriental, « le patrimoine liturgique, théologique, spirituel et disciplinaire, qui se distingue par la culture et les circonstances historiques des peuples et s’exprime selon le mode propre de toute Eglise de célébrer et de vivre la foi » (can. 27 et 28).

Aujourd’hui, en raison de l’émigration des fidèles orientaux, ces rites doivent être préservés avec une attention particulière, comme le souligne l’exhortation « Ecclesia in Medio Oriente » (32), signée par Benoît XVI le 14 septembre 2012 : le pape encourage à « entourer d’affection » les fidèles orientaux de la diaspora en les invitant « à rester en contact étroit avec leurs familles et leurs Églises, et surtout à garder avec fidélité leur foi en Dieu grâce à leur identité religieuse construite sur des traditions spirituelles vénérables ».

Pour Benoît XVI en effet, « c’est en conservant cette appartenance à Dieu et à leurs Églises respectives, et en cultivant un amour profond pour leurs frères et sœurs latins, qu’ils apporteront à l’ensemble de l’Église catholique un grand bénéfice », explique le cardinal Sandri.

En ce sens, les pasteurs des circonscriptions ecclésiastiques qui accueillent les catholiques orientaux sont exhortés à « donner la possibilité de célébrer selon leurs propres traditions et à exercer des activités pastorales et paroissiales, là où cela est possible », conclut le préfet de la Congrégation romaine pour les Eglises orientales.

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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