Déclaration de Mgr Bernard PODVIN
Porte-parole des évêques de France
Le Traité de l’Elysée de coopération franco-allemande a cinquante ans. Les Episcopats allemand et français publient la déclaration ci-jointe. Ils insistent sur l’amitié entre leurs peuples, comme irremplaçable service rendu à l’Europe. Cette commémoration ne fait pas que saluer la paix douloureusement acquise hier. Elle est un appel à s’entendre, aujourd’hui et demain, pour le bien commun.
Anniversaire de la signature du Traité de coopération franco-allemande
(Traité de l’Elysée-22 janvier 1963)
Déclaration commune des Conférences épiscopales française et allemande
C’est avec une grande reconnaissance que les évêques français et allemands commémorent le 50ème anniversaire du Traité de l’Elysée sur la coopération entre nos pays. Des images fortes nous viennent spontanément à l’esprit : Charles de Gaulle et Konrad Adenauer, le 8 juillet 1962, à la messe de réconciliation à la cathédrale de Reims, mais aussi Helmut Kohl et François Mitterrand, le 22 septembre 1984, main dans la main devant les tombes des soldats à Verdun. Plus que des mots, ces images symbolisent la réconciliation entre nos deux peuples. Avec la réconciliation, Français et Allemands ont tiré les leçons des guerres absurdes du passé et ont engagé leurs relations sur de nouvelles bases.
Le Traité de l’Elysée fut simultanément le sommet de la réconciliation des deux nations ennemies et le point de départ d’un approfondissement de ces relations d’amitié à travers des contacts politiques et sociaux à tous les niveaux. En tant qu’évêques, nous saluons tout ce qui s’est accompli et développé dans le cadre de ce Traité d’amitié. Aujourd’hui, l’amitié franco-allemande parait évidente et les responsables politiques tout comme les citoyens n’ont plus, au quotidien, conscience du caractère exceptionnel de ces relations. Et pourtant, l’amitié entre nos pays et nos peuples est aujourd’hui plus que jamais décisive pour surmonter la crise actuelle et façonner l’avenir de l’Europe.
L’amitié franco-allemande, qui se situe au cœur de l’unification européenne, a toujours été un service à l’Europe. Même dans une Union européenne élargie, le tandem franco-allemand n’a rien perdu de sa signification. Le rôle joué par l’Allemagne et la France pour essayer de sortir de la crise de l’euro l’a encore souligné récemment. C’est justement parce que la France et l’Allemagne sont, à beaucoup d’égards, très différentes qu’une entente entre les deux pays peut souvent constituer la base d’une entente en Europe. L’amitié franco-allemande conduit ainsi nos deux pays à prendre ensemble notre responsabilité dans et pour l’Europe.
La crise a révélé des comportements irresponsables à différents niveaux et met la solidarité entre les pays européens à rude épreuve. Solidarité et responsabilité doivent être plus étroitement liées pour l’avenir de l’Europe (cf. « Une communauté européenne de solidarité et de responsabilité », Déclaration des évêques de la COMECE, janvier 2012). A cet égard, la réconciliation franco- allemande reste un exemple de politique de responsabilité et de solidarité.
Konrad Adenauer et Charles de Gaulle, à la messe de réconciliation à la cathédrale de Reims, symbolisent la prise de conscience que la politique se construit sur des bases qu’elle ne peut édifier elle-même. L’amour des ennemis est une exigence évangélique forte, que ces deux hommes d’Etat ont réussi à mettre en œuvre. Depuis, l’Union européenne a apporté à ses peuples la paix et la prospérité. Mais avec la crise économique, nous voyons réapparaître le mépris et la méfiance entre peuples européens, le rejet de l’étranger, le refus de la solidarité. L’économie mondialisée et le brassage culturel et religieux font naître d’autres ennemis. Un peu partout en Europe, des mouvements populistes fleurissent et prônent le repli sur soi. La crise économique révèle ainsi une crise morale, où le sens de l’existence ne passe plus par le lien à autrui et l’exigence de la justice.
La France et l’Allemagne peuvent et doivent puiser dans l’histoire de leur réconciliation et de leur amitié la force pour tirer ensemble les conséquences des problèmes actuels. Elles peuvent aussi y puiser l’inspiration pour aider l’Union européenne à mettre en place des structures politiques solides sur le long terme et une véritable économie sociale de marché. Elles peuvent œuvrer pour que le respect de la dignité humaine, le souci du bien commun et les principes de solidarité et de subsidiarité guident toujours davantage la construction européenne.
L’intégration européenne est devenue une forme emblématique de la résolution des conflits, comme en témoigne l’attribution du Prix Nobel de la Paix à l’Union européenne. L’amitié entre nos deux pays, autrefois ennemis, peut également servir d’exemple pour la réconciliation dans d’autres endroits du monde. Cet exemple et cette amitié doivent, toujours et encore, être incarnés par des femmes et des hommes de notre temps. C’est justement pour cela que des initiatives toujours nouvelles sont indispensables pour revitaliser des contacts aux niveaux étatique, économique, social et culturel et qu’il est indispensable de promouvoir l’apprentissage réciproque de la langue.
L’Eglise a aussi apporté sa contribution au développement de l’amitié franco-allemande, notamment à travers le jumelage de nombreuses paroisses et les visites réciproques des responsables ecclésiaux. Dans le contexte actuel, ce 50ème anniversaire du Traité de l’Elysée est aussi pour elle l’occasion de rappeler, plus particulièrement aux jeunes générations, que la réconciliation n’est pas un vain mot, mais un chemin réel que nos pays ont déjà emprunté dans l’histoire et qui reste ouvert aux hommes de bonne volonté.
Cardinal André VINGT-TROIS
Archevêque de Paris, Président de la Conférence des évêques de France (CEF)
Mgr Robert ZOLLITSCH
Archevêque de Freiburg, Président de la Conférence des évêques allemands (DBK)