Lectures du rite romain:
Is 40,1-5.9-11; Ps 103; Tit 2,11-14; 3,4-7; Lc 3,15-16.21-22.
1) Encore une épiphanie.
Le jour de Noël et le 6 janvier, nous avons accueilli la manifestation (= épiphanie) de Jésus aux bergers et aux sages, les Roi Mages qui étaient allés chez Lui. Ils L’avaient reconnu et adoré, en se mettant à genou et en Lui offrant des cadeaux.
Les bergers – je pense – Lui apportèrent en hommage des dons blancs : du lait, du fromage, de la laine et, pourquoi pas, un agneau pour honorer la splendeur « blanche » de Dieu. De pauvres cadeaux ? Un cadeau est toujours de grande valeur s’il est donné avec joie et amour, L’amour n’est pas mesuré par « combien » nous donnons, mais par combien d’amour nous mettons dans le cadeau.
Les Mages aussi suivirent cette « loi du don » (Mère Teresa de Calcutta) : ils montrèrent leur amour respectueux en offrant de l’or à l’enfant Jésus en tant que vrai Roi des Rois. Il Lui donnèrent de l’encens en L’honorant comme vrai Dieu. Enfin, en reconnaissant en Lui le vrai Homme, ils Lui donnèrent de la myrrhe qui était utilisée pour les défunts : prophétie dramatique du destin du nouveau-né, qui était venu au monde pour donner sa vie, totalement. L’Homme-Dieu est né pour se donner à nous. L’Eternité, dont la porte est ouverte par la Croix, nous est donnée avec un enfant, avec cet Enfant.
Aujourd’hui, la Liturgie nous propose de célébrer la manière avec laquelle Dieu-même vit la « loi du don », en validant par son témoignage divin celui des bergers et des rois Mages. De cette manière, il nous est donné de participer à une autre épiphanie (= manifestation) de Jésus : Maintenant, Il est la Paix envoyée, donnée et présente, alors que pendant des siècles et des siècles, elle avait été promise, différée, prophétisée. Dieu manifeste sa Paix dans l’humanité de Jésus, comblée de grâce et de miséricorde.
La manifestation célébrée aujourd’hui nous pousse à contempler et à faire nôtre au moins trois choses :
1) L’humilitédu Christ, Homme-Dieu qui va chez un homme, Jean, pour se faire baptiser en signe de pénitence et conversion. Lui est l’Agneau innocent qui porte humblement le péché du monde. Avec l’incarnation, le Fils de Dieu, qui est infinie puissance devient l’humble impuissance : un petit enfant. Mais, dans son Baptême, Jésus descend encore plus en bas :il se constitue quasi pécheur. Il entre dans l’eau en se constituant comme « pécheur public », « pénitent ». Il nous aime d’un amour infini et il n’hésite pas descendre dans le fond le plus abyssal de notre pauvreté, de notre humiliation, de notre péché.
2) La solidarité du Christ : même s’Il est sans aucun péché, Il se met « dans la queue » avec ses frères les hommes pécheurs, pour partager leur souffrance et porter leur mal à leur place. Il prend sur Lui aussi le châtiment de chaque péché pour faire vivre chaque homme dans Sa vie, dans Sa sainteté. Rien ne montre plus la miséricorde divine que le fait qu’Il ait assumé notre misère-même. Et cette miséricorde n’est pas une faiblesse, elle est une passion d’amour qui récrée.
3) Le témoignage de Dieu le Père : Il ouvre le ciel de Son Cœur, Il envoie Son doux Esprit, délicat comme une colombe, et Il dit : « Ceci est mon Fils, le Bien-Aimé, écoutez-Le ». Maintenant, les hommes n’ont plus d’excuses pour ne pas croire que Dieu se fait entendre et que Son témoignage est crédible. Les Evangiles nous parlent de deux événements où le Père reconnait Jésus comme Son Fils : dans le Baptême et pendant la Transfiguration. Jean le Baptiste et la foule assistèrent au témoignage paternel lié au Baptême : ils virent Jésus descendre dans l’eau parmi tous les pécheurs, comme s’il était un d’eux. Cette foule vit les cieux s’ouvrir, écouta les paroles prononcées par le Père pour indiquer son Fils bien-aimé et elle fut éduquée à reconnaître la grandeur de Dieu et Sa suprême humilité qui se dépouille de tout : Jésus a voulu se mettre au-dessous de nous pour nous conduire au Père.
2) Toute la vie du Christ est une épiphanie de paradis.
Dans l’événement du Baptême au Jourdain, nous trouvons en germe la vie entière de Jésus, qui amène le Ciel sur la Terre. Dans notre baptême également, il y a le germe de toute notre existence chrétienne qui est une existence de Paradis.
J’essaye de mieux m’expliquer : en se faisant solidaire de nous, le Christ nous a rendus unavec Lui : tous les êtres humains vivent dans le Fils. Le Père se communique à nous, les fils dans le Fils ; le Père nous donne son Esprit. Et si son Esprit est en nous, le Paradis est sur la terre et est ouvert pour nous et pour toute l’humanité. Le grand théologien Origène est allé encore plus loin et écrivit : « Voyant le Fils, la bienveillance du Père qui nous aime dans l’Aimé repose sur nous et nous sommes le Paradis de Dieu ». Donc le Baptême – celui du Christ et le nôtre – implique une mission de paradis :
– une mission à effectuer, comme dit le prophète Isaïe (cfr 1ère lecture de la Messe) dans la fermeté : « Il proclamera le droit avec fermeté », et dans la douceur : « Il ne brise pas le roseau froissé, il n’éteint pas la mèche qui faiblit ».
– une mission qui ne parcourt pas les chemins de la violence orgueilleuse, mais ceux de l’humble délicatesse: « Il ne crie pas, il n’élève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans la rue ».
– une mission qui donne espérance et salut aux malheureux : « Pour ouvrir les yeux des aveugles, pour extraire du cachot le prisonnier, et de la prison ceux qui habitent les ténèbres ».
– une mission, enfin, universelle: ses frontières sont la « terre » entière, « les nations », « les iles lointaines ».
Le Fils de Dieu est entré dans le monde non pas pour rester caché, mais, au contraire, pour se faire connaître et aimer, pour construire le monde nouveau et sauver l’homme. Même quand nous devenons mauvais, le Sauveur reste bon et pardonne nos méchancetés. Il ne veut pas détruire. Il aime reconstruire. Il est venu sur cette terre pour ouvrir le Paradis sur la terre avec sa bonté toute-puissante et inépuisable. Pour le Christ, sauver l’homme signifie le libérer du péché et des violentes misères qui en dérivent. Cela signifie aussi souder l’homme dans une communion avec Lui et avec les autres hommes de façon que le prochain devienne frère et sœur : ceci est une vie de paradis.
Nous ne devons pas oublier que ce salut ne concerne pas seulement la fin et l’au-delà de l’histoire : il la travaille de l’intérieur, il lui donne un sens. La vie éternelle est déjà commencée et germe sur la terre.
Le Royaume de Dieu est en chantier dans le cœur des hommes occupés à bâtir leur cité. Les chrétiens ne sont pas meilleurs que les autres, mais ils sont conscients d’être des pécheurs sauvés qui annoncent au monde que Jésus est le Seigneur. Par leur baptême, les chrétiens sont appelés à être le sel qui doit saler la terre, la lumière qui doit éclairer le monde, en apportant la joie du Paradis.
Le chrétien ne fuit pas du monde, il « travaille » pour le mettre de plus en plus dans les mains de Dieu, pour participer, de cœur et d’action, à la gestation du monde nouveau, où nous tous aurons
une demeure stable et heureuse.
3) La dimension féminine de l’épiphanie
Nous tous sommes appelés à ce « travail » qui réalise de plus en plus l’épiphanie de Dieu dans le monde. Cependant, je crois de ne pas me tromper si j’affirme que les vierges consacrées sont appelées à vivre cette épiphanie d’une façon particulière :
En les rencontrant le 2 juin 1995, le B. Jean-Paul II leur a dit : « Très chères Sœurs, Marie est votre mère, sœur et maîtresse. Apprenez d’elle à accomplir la volonté de Dieu et à accueillir Son projet de salut ; à en garder la parole et à la comparer avec les événements de la vie; à chanter Ses louanges pour Ses « grandes œuvres » en faveur de l’humanité ; à partager le mystère de la douleur ; à apporter le Christ aux hommes et à intercéder pour celui est dans le besoin.
Soyez comme Marie dans la salle des noces où l’on fait la fête et le Christ se manifeste à ses disciples comme Epoux messianique ; soyez comme Marie auprès de la Croix, où le Christ offre sa vie pour l’Eglise ; restez avec Marie dans le Cénacle, la maison de l’Esprit qui se répand comme le divin Amour dans l’Eglise Epouse ».(B. Jean-Paul II, Discours aux Participantes au Congrès international de l’ORDO VIRIGINUM dans le 25ème anniversaire de la promulgation du Rite, 2 juin 1995, n° 8).
Donc, je crois que la présence de la vierge consacrée comme femme est très importante, particulièrement dans le contexte actuel. Partout elle vit, travaille, parle, sert et prie, elle témoigne de la dimension nuptiale de son existence donnée et offerte. Elle est capable d’accueillir le Christ dans sa totalité, en chantant les louanges de l’Epoux et en élargissant son cœur à chaque fils et fille jusqu’à se sentir « corps » de l’Eglise, en devenant l’épiphanie de son Epoux par le don sincère et total d’elle-même.