« Comment cet enfant petit et faible peut-il avoir apporté dans le monde une nouveauté radicale au point de changer le cours de l’histoire ? N’y a-t-il pas quelque chose de mystérieux dans son origine ? », se demande Benoît XVI en contemplant l’Enfant Jésus. Il répond : « Il est le Fils unique du Père, il vient de Dieu ».
Le pape explique ainsi que « ce qui arrive à Marie, à travers l’action de l’Esprit divin, est une nouvelle création ».
Dans sa première audience générale de l’année, ce mercredi 2 janvier, le pape a repris ses catéchèses sur le thème de la foi en méditant le mystère de l’origine de Jésus, devant les milliers de visiteurs rassemblés dans la salle Paul VI du Vatican.
Catéchèse de Benoît XVI en italien :
Chers frères et sœurs,
La Nativité du Seigneur éclaire encore une fois de sa lumière les ténèbres qui enveloppent souvent notre monde et notre cœur, et apporte l’espérance et la joie. D’où vient cette lumière ? De la grotte de Bethléem, où les pasteurs trouvèrent « Marie et Joseph et le nouveau-né couché dans la crèche » (Lc 2, 16). Devant cette Sainte Famille surgit une autre question, plus profonde : comment cet enfant petit et faible peut-il avoir apporté dans le monde une nouveauté radicale au point de changer le cours de l’histoire ? N’y a-t-il pas quelque chose de mystérieux dans son origine, qui va au-delà de cette grotte ?
La question sur l’origine de Jésus émerge toujours à nouveau, c’est celle que le procurateur Ponce Pilate pose pendant le procès : « D’où es-tu ? » (Jn 19, 9). Pourtant son origine est bien claire. Dans l’évangile de Jean, quand le Seigneur affirme : « Je suis le pain descendu du ciel », les juifs réagissent en murmurant : « Celui-là n’est-il pas Jésus, le fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère ? Comment peut-il dire maintenant : Je suis descendu du ciel ? » (Jn 6, 42). Et un peu plus tard, les citoyens de Jérusalem s’opposent violemment devant la prétendue messianité de Jésus en affirmant que l’on sait bien « d’où il est ; tandis que le Christ, à sa venue, personne ne saura d’où il est. » (Jn 7, 27). Jésus lui-même fait remarquer combien leur prétention de connaître son origine est inadéquate, offrant ainsi une orientation pour savoir d’où il vient : « ce n’est pas de moi-même que je suis venu, mais il m’envoie vraiment, celui qui m’a envoyé. Vous, vous ne le connaissez pas » (Jn 7, 28). Certes, Jésus est originaire de Nazareth, il est né à Bethléem, mais que sait-on de sa véritable origine ?
Dans les quatre évangiles, la réponse à la question « d’où » vient Jésus émerge clairement : sa véritable origine est le Père, Dieu ; il provient totalement de lui, mais différemment de n’importe quel prophète ou envoyé de Dieu qui l’a précédé. Cette origine du mystère de Dieu, « que personne ne connaît », est déjà contenue dans les récits de l’enfance des évangiles de Matthieu et de Luc, que nous lisons pendant le temps de Noël. L’ange Gabriel annonce : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu » (Lc 1, 35). Nous redisons ces paroles chaque fois que nous récitons le Credo, la profession de foi : « et incarnatus est de Spiritu Sancto, ex Maria Virgine », « par l’Esprit-Saint il a pris chair de la Vierge Marie ». A cette phrase, nous nous agenouillons parce que le voile qui cachait Dieu est, si l’on peut dire, enlevé et son mystère insondable et inaccessible nous touche : Dieu devient l’Emmanuel, « Dieu avec nous ». Lorsque nous écoutons les messes composées par de grands maîtres de la musique sacrée, je pense par exemple à la Messe du Couronnement de Mozart, nous remarquons aussitôt que l’on s’arrête de manière particulière sur cette phrase, presque pour exprimer par le langage universel de la musique ce que les paroles ne peuvent pas manifester : le grand mystère de Dieu qui s’incarne, qui se fait homme.
Si nous considérons attentivement l’expression « par l’Esprit-Saint, il est né de la Vierge Marie », nous voyons qu’elle inclut quatre sujets agissants. De manière explicite, sont mentionnés l’Esprit-Saint et Marie, mais « il » est sous-entendu, c’est-à-dire le Fils qui a pris chair dans le sein de la Vierge. Dans la profession de foi, le Credo, Jésus est défini à travers des dénominations diverses : « Seigneur, … Christ, Fils unique de Dieu… Dieu né de Dieu, Lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu… de même nature que le Père » (Credo de Nicée-Constantinople). Nous voyons alors que « il » renvoie à une autre personne, celle du Père. Le premier sujet de cette phrase est donc le Père qui, avec le Fils et l’Esprit-Saint, est le Dieu unique.
Cette affirmation du Credo ne concerne pas l’être éternel de Dieu, mais nous parle plutôt d’une action à laquelle prennent part les trois personnes divines et qui se réalise « ex Maria Virgine ». Sans elle, l’entrée de Dieu dans l’histoire de l’humanité n’aurait pas atteint son but et ce qui est central dans notre profession de foi n’aurait pas eu lieu : Dieu est un Dieu avec nous. Ainsi Marie appartient de manière indispensable à notre foi dans le Dieu qui agit, qui entre dans l’histoire. Elle met à disposition toute sa personne, elle « accepte » de devenir le lieu de l’habitation de Dieu.
Parfois, même dans notre cheminement et dans notre vie de foi, nous pouvons ressentir notre pauvreté, notre inadéquation devant le témoignage à offrir au monde. Mais Dieu a justement choisi une humble femme, dans un village inconnu, dans une des provinces les plus reculées du grand empire romain. Toujours, même au milieu des difficultés les plus ardues à affronter, nous devons avoir confiance en Dieu, renouvelant notre foi dans sa présence et son action dans notre histoire, comme dans celle de Marie. Rien n’est impossible à Dieu ! Avec lui, notre existence avance toujours sur un terrain sûr et elle est ouverte à un avenir rempli d’une ferme espérance.
En professant le Credo, « par l’Esprit-Saint il a pris chair de la Vierge Marie », nous affirmons que l’Esprit-Saint, comme force du Dieu très-haut, a opéré de façon mystérieuse dans la Vierge Marie la conception du Fils de Dieu. L’évangéliste Luc rapporte les paroles de l’archange Gabriel : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre » (1, 35). Deux rappels sont évidents : le premier est le moment de la création. Au début du Livre de la Genèse nous lisons que « un vent de Dieu tournoyait sur les eaux » (1, 2) ; c’est l’Esprit créateur qui a donné vie à toutes choses et à l’être humain.
Ce qui arrive à Marie, à travers l’action du même Esprit divin, est une nouvelle création : Dieu, qui a appelé l’être à partir du néant, donne vie, par l’incarnation, à un nouveau commencement de l’humanité. Les Pères de l’Eglise parlent souvent du Christ comme du nouvel Adam, pour souligner le commencement de la nouvelle création à partir de la naissance du Fils de Dieu dans le sein de la Vierge Marie. Cela nous fait réfléchir sur la manière dont, en nous aussi, la foi apporte une nouveauté si forte qu’elle produit une seconde naissance. En effet, au commencement de notre vie chrétienne, il y a le baptême qui nous fait renaître comme enfants de Dieu, nous fait participer à la relation filiale de Jésus avec son Père.
Et je voudrais faire remarquer que le baptême se reçoit, nous « sommes baptisés » – c’est un passif – parce que personne n’est capable de devenir par soi-même enfant de Dieu : c’est un d
on qui est conféré gratuitement. Saint Paul rappelle que les chrétiens sont enfants adoptifs dans un passage central de sa Lettre aux Romains, où il écrit : « tous ceux qu’anime l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu.Aussi bien n’avez-vous pas reçu un esprit d’esclaves pour retomber dans la crainte ; vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier : Abba ! Père !L’Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu » (8, 14-16), et non des esclaves. C’est seulement si nous nous ouvrons à l’action de Dieu, comme Marie, seulement si nous confions notre vie au Seigneur comme à un ami en qui nous avons totalement confiance, que tout change, notre vie acquiert un nouveau sens et un nouveau visage : celui des enfants d’un Père qui nous aime et ne nous abandonne jamais.
Nous avons parlé de deux éléments : le premier élément est l’Esprit au-dessus des eaux, l’Esprit créateur ; il y a un autre élément dans les paroles de l’Annonciation.
L’ange dit à Marie : « La puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre ». C’est un rappel de la nuée sainte qui, pendant le chemin de l’Exode, s’arrêtait au-dessus de la tente du rendez-vous, au-dessus de l’arche d’alliance, que le peuple d’Israël portait avec lui, et qui indiquait la présence de Dieu (cf. Ex 40, 34-38). Marie est donc la nouvelle tente sacrée, la nouvelle arche d’alliance : par son « oui » aux paroles de l’archange, Dieu reçoit une demeure en ce monde, celui que l’univers ne peut contenir prend sa demeure dans le sein d’une vierge.
Nous voici revenus à la question d’où nous sommes partis, celle sur l’origine de Jésus, synthétisée dans la question de Pilate : « D’où es-tu ? ».
Nos réflexions font apparaître clairement, dès le début des évangiles, quelle est la véritable origine de Jésus : il est le Fils unique du Père, il vient de Dieu. Nous sommes face au grand mystère, bouleversant, que nous célébrons en ce temps de Noël : le Fils de Dieu, par l’action de l’Esprit-Saint, a pris chair dans le sein de la Vierge Marie. C’est une annonce qui résonne, toujours nouvelle, et qui porte en elle espérance et joie pour notre cœur, parce qu’elle nous donne à chaque fois la certitude que, même si nous nous sentons souvent faibles, pauvres, incapables devant les difficultés et le mal qui est dans le monde, la puissance de Dieu agit toujours et opère des merveilles précisément dans la faiblesse. Sa grâce est notre force (cf. Co 12, 9-10). Merci.
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Traduction de ZENIT, Hélène Ginabat