Anne Kurian
ROME, jeudi 19 juillet 2012 (ZENIT.org) – Dix ans après le décès du cardinal Van Thuân, M. Waldery Hilgeman, postulateur de sa cause de béatification, fait le point pour Zenit sur la phase diocésaine du procès, promue par le Conseil pontifical « Justice et paix » et ouverte depuis le 22 octobre 2010 (cf. Zenit du 24 octobre 2010). Des propos recueillis par José Antonio Varela Vidal.
Le cardinal vietnamien François-Xavier Nguyên Van Thuân, décédé à Rome à l’âge de 74 ans, en 2002, a été vice-président du Conseil pontifical « Justice et Paix » de 1994 à 1998 puis président de 1998 à 2002.
Avant d’être accueilli à Rome en 1991 par Jean-Paul II, le cardinal a été évêque auxiliaire à Ho Chi Min Ville (Saïgon), où il a été arrêté par le régime communiste et a passé 13 ans en prison, de 1975 à 1988, sans aucun procès.
Le procès de béatification ayant été ouvert dans le diocèse de Rome, il se déroule au tribunal du vicariat de Rome. Etant donné que le cardinal a « beaucoup voyagé », sur tous les continents, le travail est « immense », affirme Waldery Hilgeman en évoquant les nombreux déplacements de l’enquête : en Australie, aux Etats-Unis, en Allemagne, en France.
Quelque 130 témoins ont déjà été auditionnés, indique-t-il, et le procès est « dans une phase très avancée ».
Déjà plusieurs miracles sont à l’étude avec l’assistance d’experts médecins. Une fois le cardinal déclaré « vénérable », la reconnaissance d’un miracle pourrait ouvrir la voie à une béatification.
Pour Waldery Hilgeman, le cardinal Van Thuân pourrait devenir le “saint de l’espérance” : dans ses écrits et ses livres, constate-t-il, le terme récurrent est « l’espérance », et l’invitation à « ne pas perdre l’espérance en Dieu ».
Le postulateur confie trouver dans ses recherches un « personnage extrêmement complexe ». Toute sa vie, affirme-t-il, a été « des gouttes d’évangile continuelles, une pluie incessante de sainteté ».
Dès les premiers instants de sa prison, poursuit-il, il a senti l’appel de Dieu à « tout donner, tout laisser et vivre pour Dieu ». Lorsqu’il était archevêque coadjuteur, « le cardinal Van Thuân vivait pour l’œuvre de Dieu » mais en prison, « il a senti que Dieu lui demandait de laisser son œuvre et de vivre seulement pour Lui », explique le postulateur.
Pour Waldery Hilgeman, l’aspect le plus frappant du cardinal est « la constance de son amour pour le prochain ». Même en prison, souligne-t-il, « il n’a jamais cessé d’aimer ceux qui étaient ses persécuteurs, des fonctionnaires du plus haut niveau jusqu’aux gardiens de prison ».
Par son « amour total » envers ces personnes, le cardinal a montré « ce qu’est l’amour du Christ, y compris envers son ennemi » et ce même « sans pouvoir prêcher, ni parler directement du Christ », estime le postulateur. Plusieurs gardiens chargés de le surveiller se sont convertis par « son exemple du Christ incarné ».
Si « le contexte politique rend très difficile le contact avec les gardiens convertis », cependant « de manière exceptionnelle », certains témoignages seront dans les documents juridiques de l’enquête, afin de « reconstruire la vie et les vertus héroïques » du cardinal, indique le postulateur.
Dès le début son ministère, le cardinal Van Thuân a été préparé pour le service qu’il rendrait plus tard dans la Curie romaine, notamment pour le Conseil pontifical pour les laïcs où il a été consulteur,estime Waldery Hilgeman. Dès jeune évêque en effet, il était très attentif au rôle des laïcs dans son diocèse et dans la société, les considérant comme « témoins directs du Christ dans la politique, dans la vie sociale, dans le travail ».
D’ailleurs, « il a réussi en peu d’années à doubler le nombre des vocations », rapporte le postulateur, non pas par une pastorale spéciale pour les prêtres, mais en prenant soin des laïcs, « qui pouvaient être appelés par le Christ ».
Ce n’est pas un hasard, souligne-t-il, si le cardinal a été « l’un des premiers à être appelé au Conseil pontifical pour les laïcs, alors qu’il était encore en phase de création » : même à l’autre bout du monde, « le Saint-Siège avait à l’œil les potentialités de cet homme », fait-il remarquer.
Par ailleurs, grâce à lui, le Conseil pontifical Justice et paix a évolué, explique Waldery Hilgeman : en effet, un président qui a « vécu dans sa chair l’injustice du monde pour le simple fait d’être chrétien » donne une dimension particulière à un dicastère « d’extrême sensibilité », qui « intègre toute la doctrine sociale de l’Eglise ».