ROME, mercredi 30 novembre 2011 (ZENIT.org) – La supérieure d’un centre de Mère Teresa a été arrêtée au Sri Lanka pour « trafic d’enfants » sur dénonciation anonyme, déplore « Eglises d’Asie », l’agence des Missions étrangères de Paris dans la dépêche ci-dessous :
Sr. Mary Eliza, supérieure d’une maison pour enfants et mères célibataires dirigée par les Missionnaires de la Charité (M.C), plus communément appelées Soeurs de Mère Teresa, a été arrêtée par la police le 25 novembre sous l’accusation de « vente et trafic d’enfants ». La religieuse, qui a été relâchée hier soir sous caution, doit passer en jugement le 1er décembre prochain Lundi 28 novembre au soir, Yvonne Fernando, juge à Colombo, a accepté la libération sous caution (50 000 roupies soit environ 330 euros) de Sr. Eliza, Missionnaire de la Charité de nationalité indienne, supérieure du centre de Prem Nivasa, convoquant la religieuse à comparaître le 1er décembre prochain. Dans l’attente de l’audience, Sr. Eliza a été assignée à résidence dans un autre couvent, après la confiscation de son passeport et la signification d’une interdiction de sortie du territoire. A l’origine de cette arrestation – la première qui ne se soit jamais produite au sein de la congrégation des M.C depuis sa fondation par la bienheureuse Mère Teresa de Calcutta – , un appel téléphonique anonyme accusant les religieuses de se livrer à un trafic d’enfants.
C’est sur l’ordre de la National Child Protection Authority (NCPA), un organisme travaillant directement sous l’autorité du président, que Sr. Eliza a été arrêtée dans la nuit du 25 novembre à Prem Nivasa, l’établissement des Missionnaires de la Charité qu’elle dirige à Moratuwa, à quelques km au sud de Colombo. Sans avoir le temps de contacter un avocat, la religieuse a été emmenée de nuit devant un juge de Wennappuwa ( bien que son institution dépende de la juridication de Rawathawatta), juge qui a décidé de son emprisonnement immédiat dans le centre pénitentiaire de Welikada, rapporte le P. Sunil De Silva sur le site de l’archidiocèse de Colombo, soulignant les nombreuses irrégularités qui ont entaché l’arrestation de Sr. Eliza.
Quelques jours plus tôt, un interlocuteur anonyme sur la ligne d’urgence de la Protection de l’enfance, avait accusé les Sœurs de Mère Teresa de se livrer au « trafic et à la vente d’enfants » sous le couvert des activités de leur centre de Prem Nivasa. L’informateur inconnu aurait qualifié la maison d’enfants de “ferme à bébés”.
Le 23 novembre, la police faisait irruption dans l’établissement, soumettant tous les résidents à un interrogatoire sévère, fouillant l’ensemble des locaux et confisquant tous les registres. Lors de cette descente de police effectuée conjointement avec le NPCA, 75 enfants, 32 femmes enceintes et quelques étrangers (des volontaires assistant les religieuses et de futurs parents adoptifs), ont été recensés. La police a annoncé qu’elle diligentait une enquête afin de s’assurer que les étrangers présents n’étaient pas venus « enlever les enfants du centre ».
Sr. Eliza, qui nie formellement les accusations du NPCA, a expliqué devant le juge que le centre de Prem Niwasa, comme tous ceux des Missionnaires de la Charité dans le monde, fonctionne à la fois comme un lieu d’accueil pour les futures mères célibataires en difficulté, et comme un orphelinat pour les enfants en attente d’adoption, laquelle se fait toujours dans la plus stricte légalité et sans échange d’argent. « Nous n’avons jamais été impliquées dans un quelconque trafic d’enfants, c’est absolument incompatible avec notre foi ! Notre mission, c’est de prendre soin des enfants et des filles-mères”, a-t-elle déclaré.
A la nouvelle de l’arrestation de la religieuse, Sr Johannes, provinciale des Missionnaires de la Charité au Sri Lanka, a révélé que le Département d’Etat d’Aide à l’Enfance (Department of Probation and Child Care Services, DPCCS) collaborait étroitement avec la congrégation et qu’il avait officiellement reconnu le centre de Prem Nivasa en tant qu’établissement destiné à accueillir des enfants adoptables « dans le respect de la législation du pays», ainsi que de futures filles-mères. « Jamais nous n’avons monnayé les précieuses vies des enfants et jamais nous n’avons reçu d’argent pour notre travail » a-t-elle déclaré aux médias.
La maison de Prem Nivasa est une référence pour les associations qui oeuvrent dans le domaine de l’adoption d’enfants au Sri Lanka. Mais avec l’arrestation de Sr Eliza, toutes les adoptions en cours ont été stoppées et le centre est aujourd’hui sous surveillance judiciaire. Bien qu’aucun élément confirmant les allégations de trafic d’enfant n’ait été trouvé par les services de police, le NCPA persiste cependant à accuser les religieuses d’être en infraction avec la loi. « Prem Nivasa est enregistré en tant que centre d’accueil pour enfant au DPCCS, et non comme un lieu d’hébergement pour filles-mères”, assène, péremptoire, sa présidente Anoma Dissanayake.
Le 28 novembre, le commissaire Ajith Rohana a affirmé à son tour que « mettre enceinte une mineure était considéré comme un viol, et que par conséquent, ne pas informer les autorités de ce crime constituait une faute grave ». L’officier de police ajoutait avoir « découvert » deux adolescentes enceintes lors de la descente effectuée le 23 novembre à Prem Nivasa, un fait confirmé ouvertement par les M.C, qui ont expliqué ne s’être jamais cachées d’accueillir dans leur centre, non seulement des enfants, mais aussi des filles-mères en situation difficile.
Une jeune mère de 14 ans, qui a accouché le 2 novembre dernier, a témoigné auprès de l’agence Ucanews, du fait que, sans l’aide des soeurs de Moratuwa, elle n’aurait jamais pu s’en sortir, n’ayant personne vers qui se tourner. “Mon cousin m’a violée et je suis tombée enceinte. Mais [aujourd’hui] je veux continuer mes études et devenir médecin pour aider les autres”, a-t-elle raconté. Aux côtés des résidents de Prem Nivasa, d’autres voix se sont élevées pour défendre l’action des Sœurs de mère Teresa, y compris parmi les bouddhistes, celle de l’éminent penseur A.T Ariyaratne, fondateur du mouvement Sarvodaya. Exprimant son « indignation » que de telles accusations aient pu être proférées à l’encontre des religieuses, il a souligné « les soins donnés avec un immense amour par les sœurs aux enfants », ajoutant que « ce travail était bien connu de tous ».
Mais ces quelques déclarations n’ont pas suffi à contrebalancer l’acharnement médiatique autour de « l’affaire Prem Nivasa », la plupart des médias étant largement convaincu de la culpabilité de la religieuse, certains d’entre eux allant jusqu’à l’accuser de « vendre l’avenir du pays aux étrangers pour quelques milliers de roupies ». La Missionnaire de la Charité reconnaît être préoccupée par toutes ces fausses informations qui jettent le discrédit sur Prem Nivasa : « Les responsables du NCPA, les officiers de police et les médias se sont rués sur notre centre, enquêtant et interrogeant brutalement les mères célibataires(…) Et bien qu’aucun enfant n’ait été retiré de l’orphelinat, les médias n’ont pas hésité à dire que les enfants avaient été confiés au NCPA”, a-t-elle déploré.
Sr Prema, Supérieure Générale des Missionnaires de la Charité a quitté Calcutta le 27 novembre pour le Sri Lanka afin de plaider la cause de Sr Eliza. Elle a rencontré à Colombo les représentants du Haut-commissaire indien, Ashok K. Kantha, lequel a demandé des explications au gouvernement sri-lankais au sujet du « véritable motif de l’arrestation de Sr. Eliza » comme des éléments qui ont permis au NCPA de procéder à une fouille de Prem Nivasa puis d’e
ffectuer une arrestation sans aucune enquête préliminaire.
Notes
(1) Sur le NCPA, voir EDA 270, 538
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