ROME, mardi 8 novembre 2011 (ZENIT.org) – « La relation avec l’internaute doit être mise au premier plan de nos sites », indique Jean-Baptiste Maillard qui vient de publier « Dieu et Internet, 40 questions pour mettre le feu au web » : un guide pratique sur l’usage d’Internet pour rejoindre son prochain. Journaliste, animateur de nombreux blogs, il avait publié un premier essai sur la nouvelle évangélisation (1). Il présente son nouveau livre aux lecteurs de Zenit. Il affirme que « la seule vraie révolution, celle de l’amour, passe aussi par Internet ».
Zenit – Vous venez de publier « Dieu et Internet » (2) : comment le web peut-il, selon vous, servir la nouvelle évangélisation ?
J.B. Maillard – Rappelons que la nouvelle évangélisation n’est ni un mouvement, ni une mouvance, mais un appel de Jean-Paul II, pour une évangélisation « nouvelle dans ses méthodes, dans son ardeur et dans son expression ». L’évangélisation étant la mission première de l’Eglise, la nouvelle évangélisation est naturellement un « engagement premier qui concerne « tous les catholiques », comme nous le rappelle Benoît XVI. De plus, utiliser les nouveaux moyens de communication sociale comme Internet figure aussi bien dans la récente exhortation apostolique du pape sur la Parole de Dieu que dans les objectifs du nouveau dicastère pour la promotion de l’évangélisation nouvelle. En 2002, Jean-Paul II décrivait un nouveau ‘carrefour’ où faire apparaître le visage du Christ. Internet est aussi bien une nouvelle culture, un nouveau langage, un « continent à évangéliser », pour reprendre encore une expression du Pape. C’est donc à la fois une occasion formidable pour évangéliser de façon renouvelée et une invitation de l’Eglise.
Comment en êtes-vous venu à parler de Dieu sur le web ?
J’ai commencé en 1998, quand j’ai eu ma première connexion à Internet. Cela me paraissait logique d’aller dans les forums et les salons de discussion instantanée pour y parler de Jésus aux internautes. Aujourd’hui, j’y consacre en moyenne une heure de mon temps chaque mois, en allant pratiquer de l’évangélisation de rue dans l’univers 3D Second Life, ou plus simplement sur Facebook en envoyant des messages personnels à des personnes qui semblent, à première vue, éloignées de Dieu.
Quel regard ou attitude les catholiques devraient-ils développer selon vous avec Internet ?
De la bienveillance, en ne perdant pas de vue les risques, dont je parle aussi dans mon livre, car ils sont très nombreux. Internet est un univers que nous découvrons à peine, en perpétuelle mutation. Nous devons apprendre à appréhender de façon juste ses défis, ses écueils, ses enjeux, ses promesses, pour l’annonce de l’Evangile.
Faut-il avoir une foi à déplacer les montagnes pour parler de Dieu en ligne ?
Non, mais c’est normal d’avoir un peu peur, c’est même plutôt bon signe ! Il est permis de discuter avec toute personne, et, dès que possible, de proposer l’expérience d’une rencontre personnelle avec le Christ. En respectant ce qu’on appelle « les feux rouges et le feux verts » de chaque personne : proposer n’est pas imposer. C’est une ouverture et vous serez étonnés qu’un jour un internaute accepte de prier avec vous derrière son écran, de façon toute simple ! Ce n’est pas difficile, c’est à la portée de chacun.
Doit-on être expérimenté pour utiliser Internet pour l’annonce de la foi ?
Non, justement, à travers mon livre j’explique que cela peut être aussi facile qu’envoyer un mail avec une signature ou un message approprié, ouvrir un simple blog, contribuer à des sites comme Etanchermasoif ou Wikipédia, participer aux forums, commenter des articles, se connecter sur Facebook…
Que conseillez-vous à ceux qui débutent ?
D’aller là où nos contemporains sont : Facebook, justement : c’est une ville de 600 millions d’habitants ! Il est facile d’y trouver des multitudes de personnes qui se cherchent, par exemple dans les ‘apéros géants’ dont les groupes existent toujours, même si ces rassemblements ont été interdits. La plupart des personnes inscrites sur ces réseaux sociaux autorisent qu’on leur laisse un message, même sans être ‘amis’ avec eux. Profitons-en pour leur parler de l’amour de Dieu… ou de la soif, à partir d’un verset biblique ! Essayez ! On dit que ces réseaux sociaux ont joué un grand rôle dans le printemps arabe : la seule vraie révolution, celle de l’amour, passe aussi par Internet.
Comment rejoindre les internautes sur le web ?
Internet est un média de relation. Nous ne devons plus l’utiliser comme un simple tuyau où y diffuser nos informations (en mode ‘émission’), mais adopter une attitude de pleine écoute, comme dans toute évangélisation. Google révélait, il y a quelque temps, que les trois questions les plus tapées étaient : « Qu’est-ce que l’amour », « comment embrasser ? », « qui est Dieu ? ». Nous devons y répondre, les décliner pour toucher notre prochain. Cela demande de créer des ‘laboratoires d’Internet’ pour écouter et comprendre les aspirations et les tendances des internautes. Google fournit justement tous les outils nécessaires. Les agences professionnelles spécialisées dans le référencement naturel ou l’achat de mots-clefs s’en servent, pourquoi pas nous ?
Nous devons aussi nous adresser davantage aux non-croyants, pour éviter tout repli sur nous-mêmes et vulgariser au maximum les contenus, comme des ‘foires aux questions’ réutilisables par tous. Pour une évangélisation explicite, annonçant le kérygme (le cœur de la foi), nous devons ajouter de nombreuses références à la Parole de Dieu suivant les sujets traités, de façon variée, souple et agréable, voire ludique (vidéos, diaporama, etc.). Vivante, la Parole touche les cœurs !
« Le monde attend davantage des témoins que des maîtres », disait encore Paul VI. Il est donc tout aussi nécessaire d’associer aux différents contenus des témoignages de conversion pour toucher toutes les couches, toutes les cultures, toutes les générations, et tenter de répondre à la quête spirituelle du visiteur.
Enfin, pour mieux écouter les internautes, il est indispensable d’autoriser les commentaires sur tous nos contenus, non seulement pour collecter leur avis, mais aussi pour leur permettre de poser leurs questions et entamer un dialogue avec eux.
Attention ! On peut créer le meilleur site web, le plus professionnel possible, avec la meilleure technologie et le meilleur contenu, les meilleures réponses aux questions que se posent les internautes sur l’amour, Dieu, l’Eglise, la foi, ou les plus beaux témoignages, cela n’est pas encore suffisant pour une évangélisation efficace : « Les techniques d’évangélisation sont bonnes mais les plus perfectionnées ne sauraient remplacer l’action discrète de l’Esprit, écrivait Paul VI dans « Evangelii nuntiandi » (n°75). « Si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien », disait aussi saint Paul aux Corinthiens (1 Co 13).
Quel est l’enjeu de toute évangélisation par Internet ?
La rencontre ‘en vrai’. On le voit dans l’épisode de l’aveugle sur le chemin de Jéricho : Jésus demande à le rencontrer pour le guérir (Cf. Luc 18,35-44) ! L’objectif est donc de dépasser la barrière de l’écran et proposer cette rencontre avec un chrétien. Et peut-être, un jour, aboutir à une vie sacramentelle…
De plus, on est toujours trop seul derrière un écran. Il faut donc des médiateurs, pour que la grâce passe efficacement, par l’action de l’Esprit Saint. La relation avec l’internaute doit être mise au premier plan de nos sites (ce qui a fait le succès de Facebook, Twitter, etc), avec
la médiation de chrétiens missionnaires du web. Les chrétiens évangéliques l’ont bien compris avec leur portail Topchrétien.com. L’internaute est placé au centre de la relation, dès la page d’accueil. On lui propose progressivement, tout en douceur, une rencontre avec le Christ, par le biais d’un site satellite, appelé « ConnaîtreDieu.com », traduit en 16 langues. Ce site, qui a reçu depuis 2006 plus de 25 millions de visiteurs de 198 pays différents, fédérait en 2009 de plus 1200 missionnaires dans 62 pays. Rien qu’en France, il est partenaire de 274 églises locales et des parcours Alpha, vers qui sont redirigés les internautes ayant fait « une prière de conversion en ligne » à la suite d’un « parcours interactif ». Début 2011, ConnaîtreDieu annonce 2,5 millions de visiteurs ayant dit cette prière. En plus de recevoir gratuitement une Bible chez eux (ce qui permet de constituer une base de contacts), les internautes sont invités à rencontrer des chrétiens localement, ce qui se produit.
Que dites-vous aux responsables de sites Internet chrétiens ?
L’Eglise catholique a un défi à relever, si elle prend bien la mesure du rôle qu’elle peut jouer. Concrètement, tout site d’évangélisation se doit d’animer une communauté de missionnaires (prêtes, consacrés ou laïcs bénévoles) dédiés à différentes missions. Parmi elles, je citerais des parcours interactifs avec des réponses aux questions soulevées ; deuxièmement, l’accompagnement spirituel en ligne via des messageries ; troisièmement, la discussion en ligne portée vers la proclamation de la foi ; enfin, des propositions pour rencontrer des chrétiens ‘en vrai’, en lien avec des communautés locales (celles-ci se doivent d’être elles aussi accueillantes et évangélisatrices). Je pense à des évènements adaptés, comme par exemple un ‘service public de la prière’ dans une église, des concerts publics avec missionnaires de rue ou des veillées ‘j’ai soif’, comme celle organisée l’an dernier par une paroisse de Paris.
Les catholiques ont la capacité de se lancer dans cette nouvelle évangélisation par Internet. Tout comme Zenit assure sur le web une proposition d’information inégalée sur la vie de l’Eglise, nous avons besoin aussi de concevoir des sites qui puissent rejoindre les non-croyants, les chercheurs de sens et de vérité.
Dans mon ouvrage, j’ai justement voulu expliquer le potentiel du web, interroger de nombreux acteurs d’expériences réussies en France ou à l’étranger, offrir des pistes de réflexions, apporter des témoignages. Je propose aussi des outils très concrets pour ceux qui veulent être simplement des « chrétiens » sur le web, c’est-à-dire porteurs de la lumière du Christ pour nos contemporains.
(1) « Dieu est de retour », la nouvelle évangélisation de la France, Editions de l’Œuvre (Cf. Zenit du 12 octobre 2009).
(2) « Dieu et Internet, 40 questions pour mettre le feu au web », Editions des Béatitudes, octobre 2011.
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