Brésil : Une Eglise qui fait « peau neuve »

Par José Correa

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ROME, lundi 7 novembre 2011 (ZENIT.org) – Quand les milliers de jeunes pèlerins se rendront au Brésil, en 2013, pour la Journée mondiale de la jeunesse, ils trouveront une Eglise qui fait peau neuve, malgré les grandes difficultés, estime M. Correa.

José Correa, directeur du bureau brésilien pour l’association catholique internationale Aide à l’Eglise en détresse (AED), a été interviewé pour le programme de télévision « Là où Dieu pleure » (« Where God Weeps »), du Réseau catholique de radio et de télévision (« Catholic Radio and Television Network », CRTN), en collaboration avec l’AED, sur la situation de l’Eglise catholique au Brésil.

CRTN – Quelle est la particularité du catholicisme au Brésil?

José Correa – Au Brésil, la foi revêt une forme particulière. Cela est dû aussi à la composition de la population, formée de trois grands groupes : les immigrés européens arrivés du Portugal et d’Italie, soit de la partie méditerranéenne de l’Europe ; les Africains, conduits au Brésil comme esclaves pour travailler dans les plantations de café et canne à sucre ; et enfin les ethnies locales de souche. Contrairement à ce qui s’est passé aux Etats-Unis, au Brésil ces trois groupes se sont mélangés, formant la population brésilienne actuelle. Et puis il faut ajouter aussi les immigrés arabes et les immigrés japonais. Le Brésil a les plus grandes communautés libanaises et japonaises en dehors de leurs pays d’origine respectifs. Le résultat est une population très variée.

La population est dans l’ensemble une population joyeuse, très musicale, qui extériorise ses sentiments de manière expansive, ceci se reflétant dans notre liturgie. Les messes, par exemple, sont très vivantes, très musicales, pleines de joie et de mélodie. C’est incroyable de voir, dans les quartiers les plus misérables de nos grandes villes, ces quartiers que l’on appelle les favelas, les bas-fonds, où la misère est très présente, des gens qui jouent notre musique nationale, la samba, des gens heureux. Il est difficile de trouver pareille chose dans le reste du monde.

Comment, selon vous, cela influence-t-il la croissance des vocations ? 

Les vocations sont en augmentation au Brésil. La croissance était plus grande il y a quelques années mais elle reste positive, enregistrant chaque année une hausse. Pour vous donner une idée, il y a 30 ans nous avions environ 900 séminaristes dans tout le pays ; aujourd’hui nous en avons plus de 9.000. Et dans certains diocèses, les séminaires sont pleins, malgré une plus grande sélection due au nombre des candidats. Par exemple, dans la ville de São Paulo, où je vis, cette année nous avons eu 55 candidats. Nous en avons fait entrer 15 au séminaire.

Le pape Jean-Paul II a demandé que l’Eglise au Brésil cherche de nouvelles façons de transmettre l’Evangile. Qu’entendait-il par là et quelle a été la réponse ?

Oui, le Saint-Père a demandé cela à l’Eglise au Brésil, car une grande partie de notre population n’a pas reçu une évangélisation adéquate. Le Brésil est encore un pays à majorité catholique – même si les chiffres sont en baisse chaque année, face à la montée surtout des nouvelles sectes pentecôtistes – mais les catholiques eux-mêmes n’ont pas reçu une évangélisation adéquate. La plupart d’entre eux ne va même pas à l’église et ne fréquente pas les sacrements. Si bien que le pape a encouragé l’Eglise à être plus créative dans sa manière de prêcher aux catholiques non pratiquants.

L’Eglise a répondu à ce défi, par exemple, en relançant des missions dites populaires : une forme d’évangélisation qui existait déjà au Brésil, pas seulement localement. Aujourd’hui, elle est pratiquée dans tout le pays. En quoi cela consiste-t-il exactement?

Des prédicateurs spécialisés vont de ville en ville, préparant des exercices spirituels particuliers, des sermons vivants, des processions, des pèlerinages et des rencontres pour les jeunes. Et cela plaît beaucoup aux gens. Les résultats sont excellents. Et puis il y a en même temps la distribution du catéchisme, des cours de catéchèse, des conférences pour les couples, et toutes sortes d’initiatives qui peuvent entrer dans le cadre de ces missions populaires.

Une autre façon d’arriver à la population est d’utiliser des médias…

Oui. Le Brésil a aujourd’hui 4 télévisions catholiques nationales et nous avons plus de 200 stations radiophoniques catholiques. Par ailleurs, l’utilisation des médias laïcs est en hausse. Par exemple, la matinale radiophonique la plus suivie est celle animée par le célèbre père Marcelo Rossi.

Enfin, une autre façon d’évangéliser les jeunes passe à travers les mouvements laïcs de l’Église. Il y a beaucoup de nouveaux mouvements nés au Brésil. Certains sont locaux, d’autres régionaux et nationaux. Certains d’entre eux comme « Shalom », « L’Œuvre de Marie » (Mouvement des Focolari) ou « L’Alliance de Miséricorde » attirent des dizaines de milliers de jeunes dans tout le pays.

Un dicton brésilien dit : « La faim a rencontré l’appétit ». Pourrait-on dire que l’Eglise catholique, à travers le nouveau phénomène ses prêtres chanteurs, a rencontré cet amour pour la musique au Brésil?

Oui, il y a plusieurs prêtres chanteurs qui sont très célèbres, surtout parmi les jeunes. Le père Marcelo Rossi de São Paulo a été le premier à devenir une star nationale et, en un certain sens, lui et d’autres comme lui, sont devenus une sorte de phénomène social au Brésil. Ses morceaux arrivent souvent en tête de classement et son dernier livre « Agape » a déjà été vendu à plus de 5 millions d’exemplaires au Brésil. Le père Fabio Melo lui aussi attire de grandes foules à ses messes et à ses spectacles musicaux catholiques.

Vous pouvez nous donner des chiffres ?

Il y a environ 30.000 ou 40.000 personnes à chaque messe célébrée par le père Marcelo à la fin de la semaine. Environ 60.000 personnes fréquentent les messes et les prédications du mouvement « Cancao Nova » : un mouvement de jeunes, proche de São Paulo, qui évangélise par la musique catholique. Ce mouvement a aussi une chaîne de télévision nationale et un vaste réseau radiophonique.

Malgré ces chiffres extraordinaires, l’Eglise catholique a un défi, une difficulté, qui vient des nouvelles Eglises à visée personnelle. Que pouvez-vous dire à ce sujet?

Effectivement, c’est un problème sérieux. Au Brésil nous avons une majorité catholique : 67% selon les dernières statistiques. La plupart d’entre eux ne sont pas pratiquants. Le nombre des catholiques pratiquants n’est pas connu, mais il est certainement inférieur à 10%. Le nombre des protestants issus des confessions traditionnelles (luthériens, presbytériens, etc.) est très mince et ne grandit pas.

Et puis il existe une minorité d’évangéliques pentecôtistes, qui appartiennent aux nouvelles églises fondées au Brésil, qui sont en forte croissance. Ils rongent ce grand bassin de catholiques non pratiquants qui ne vont pas à l’église. Les experts en religion attribuent à certaines de ces Eglises des visées personnelles.

Les Eglises « mainline » ne sont-elles pas les plus grandes?

Absolument pas. Je ne parle par des Eglises protestantes « mainline », qui sont des Eglises sérieuses. Je parle de personnes opportunistes qui démarrent une Eglise de rien dut tout, qui cherchent surtout à se faire de l’argent avec. Ce sont des gens très matérialistes. D’ailleurs le gouvernement a accusé certaines de ces Eglises d’être à l’origine de récents scandale
s financiers.

A propos des vocations, comment l’Eglise catholique se positionne-t-elle par rapport à cette floraison de la foi?

L’Eglise essaie de relever le défi du mieux qu’elle peut, en investissant surtout dans la formation des nouveaux prêtres, des religieuses et des laïcs. Je crois que l’une des meilleures réponses de l’Eglise a été celle des nouveaux mouvements. Je suis particulièrement enthousiaste du rôle de ces nouveaux mouvements pour l’avenir de l’Église au Brésil. Je crois qu’ils ont une influence très positive et je pense que cette influence est destinée à grandir au fil du temps.

L’Aide à l’Eglise en détresse a fait un gros travail, surtout pour la construction et reconstruction des séminaires. Pourquoi avoir donné autant d’importance à ces constructions?

En raison de l’augmentation du nombre des séminaristes. Comme je le disais, la croissance du nombre des séminaristes, ces dernières décennies, est de l’ordre de 700%. Les vieux édifices ne sont plus adaptés pour contenir le grand nombre de jeunes qui veulent devenir prêtres.

Quel avenir ont, selon vous, la foi et l’Eglise catholique au Brésil, étant donné son rythme de croissance, et aussi toutes les difficultés?

Malgré les difficultés considérables – et nous n’avons pas parlé des autres difficultés comme la pauvreté et l’instruction – je vois l’avenir avec optimisme. Je sens que la grâce de Dieu est à l’œuvre et touche nos gens, et je pense encore une fois que, comme cela est arrivé dans tant d’autres pays, la grâce de Dieu sera capable de vaincre les maux qui affligent la société.

* * *

Cet entretien a été réalisé par Mark Riedemann pour « Where God Weeps », un programme de télévision et radio, produit par le « Catholic Radio and Television Network » en collaboration avec l’Aide à l’Eglise en détresse (www.acn-intl.org), où Dieu pleure : www.wheregodweeps.org

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ZENIT Staff

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