ROME, Dimanche 24 juillet 2011 (ZENIT.org) – La miséricorde, qui est le nom de Dieu, est un mot clé pour le dialogue entre chrétiens, juifs et musulmans, estime le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon.
Le primat des Gaules a présidé la messe ce dimanche dans la chapelle des Sept Saints, à Vieux-Marché, dans les Côtes d’Armor, dans le cadre d’un pèlerinage islamo-chrétien qui a lieu chaque année depuis près de 60 ans.
« Pourquoi le mot de miséricorde a-t-il déserté les lèvres des catholiques en France? s’est interrogé le cardinal dans l’homélie. Pourquoi est-ce que nous l’utilisons si peu ? Pourquoi est-ce que nous avons peur de l’utiliser ? J’en suis toujours surpris alors qu’il est partout dans la Bible, alors qu’il serait un lieu merveilleux pour le dialogue interreligieux ».
« Quand je pense au peuple juif par exemple et que je sais que la vocation, l’élection, le choix du peuple juif c’est justement d’être un serviteur de la miséricorde de Dieu dans toutes les nations ; quand je vois l’importance de ce mot dans chacune des sourates du Coran qui commence toujours par l’invocation à Dieu tout miséricordieux, très miséricordieux et quand je vois qu’il est partout présent dans l’Evangile aussi, je ne sais pas pourquoi on l’a un peu laissé de côté », a poursuivi le cardinal Barbarin.
« Peut-être que pour certains il paraît un peu vieillot… mais s’il sort des lèvres du Christ, s’il sort des lèvres de la Vierge Marie quand elle chante le Magnificat, ou du Cantique de Zacharie qui est notre prière de chaque matin, alors pourquoi ne l’utilisons-nous pas ? N’est-ce pas vraiment le trésor du coeur de Dieu pour nous ? » s’est interrogé l’archevêque de Lyon.
Puis le cardinal Barbarin est revenu sur la consécration du sanctuaire de la miséricorde par Jean-Paul II, le 17 août 2002.
« Je me souviens encore, pour y avoir participé, alors que je venais d’être nommé archevêque de Lyon, du dernier voyage du Saint-Père, le bienheureux pape Jean-Paul II dans sa ville de Cracovie où il était venu inaugurer le nouveau sanctuaire deLagiewnikiquiest le sanctuaire de la miséricorde, a-t-il raconté. Devant nous, il a médité sur la miséricorde. Je le dis parce que je la regarde comme la perle de l’Evangile. Et il a dit : ‘Miséricordieux, ce n’est pas seulement un adjectif que l’on peut accoler à Dieu. La miséricorde ce n’est pas seulement une des qualités de Dieu dont on va dire qu’il est créateur, qu’il est tout puissant. La miséricorde, a-t-il dit, c’est vraiment son nom’ ».
« Cette phrase pourrait nous être très utile pour entrer en dialogue profond sur le registre de l’amour de Dieu avec nos frères croyants des autres religions », a commenté le cardinal.
Le cardinal Barbarin a expliqué que les croyants des différentes religions peuvent aujourd’hui se rencontrer pour observer ensemble « la société contemporaine, la culture contemporaine » et voir ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. « C’est un travail de discernement, que nous faisons ensemble », nous qui vivons dans le même monde », « dans la lumière de Dieu, de sa miséricorde, dans la lumière de l’amour de Dieu », a-t-il dit.
Mais pour avoir un bon discernement, il faut « que l’amour de Dieu habite en nous, que nous écoutions sa Parole ; il faut que les hommes soient aimés, écoutés, compris, respectés profondément, a-t-il expliqué. Il faut contempler ce monde pour voir comment le Seigneur l’aime et pour voir comment, au nom du Seigneur, il doit être servi ».
En commentant la première lecture de la messe, le cardinal a souligné que « Salomon avait à peine 23 ans quand il est devenu roi à la suite de son père David ». Le cardinal Barbarin a expliqué que celui-ci a demandé à Dieu « un coeur attentif ». Le texte en hébreu dit : « Je voudrais avoir un coeur qui écoute », a-t-il souligné, en invitant les fidèles à faire cette « belle demande » à Dieu, pour eux-mêmes.
Le cardinal Barbarin a présidé la messe qui a été concélébrée notamment par l’évêque de Saint-Brieuc et Tréguier, Mgr Denis Moutel.
La chapelle où a lieu chaque année le pardon – célébration typiquement bretonne – est dédiée aux sept dormants d’Ephèse. On raconte qu’au IIIe siècle, l’empereur Dèce fit emmurer vivants sept jeunes chrétiens qui refusaient de renier leur foi. Ils restèrent endormis près de 200 ans et furent retrouvés vivants. C’est ce que raconte un chant populaire breton. On retrouve aussi ce récit dans la sourate 18 du Coran.
Ayant fait le rapprochement entre le chant et la sourate, Louis Massignon (1883-1962), un universitaire français spécialisé dans l’étude de l’arabe et de l’islam, décida d’inviter des musulmans au pardon du Vieux-Marché, en 1954, l’année où débuta la guerre d’Algérie.
Après la célébration de la messe, la sourate 18 a été lue devant la fontaine des Sept-Saints, non loin de la chapelle.
Gisèle Plantec