ROME, Lundi 20 juin 2011 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de l'homélie que le pape Benoît XVI a prononcée durant la messe qu'il a présidée dimanche 19 juin dans le stade de Serravalle, dans la République de Saint-Marin, à l'occasion de sa visite pastorale.

Chers frères et sœurs !

C’est une grande joie de pouvoir rompre avec vous le pain de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie et de pouvoir vous présenter, chers Saint-Marinais, mes salutations les plus cordiales. J’adresse une pensée particulière aux Capitaines Régents et aux autres autorités politiques et civiles, présentes à cette célébration eucharistique ; je salue avec affection votre évêque, Mgr Luigi Negri, que je remercie des paroles courtoises qu’il m’a adressées et, avec lui tous les prêtres et les fidèles du diocèse de Saint-Marin - Montefeltro ; je salue chacun de vous et je vous exprime ma vive reconnaissance pour la cordialité et l’affection avec lesquelles vous m’avez accueilli. Je suis venu pour partager avec vous les joies et les espérances, les difficultés et les engagements, les idéaux et les aspirations de cette communauté diocésaine. Je sais qu’ici aussi les difficultés, les problèmes, les inquiétudes ne manquent pas. Je veux tous vous assurer de ma proximité et de mon souvenir dans la prière, à laquelle j’unis l’encouragement à persévérer dans le témoignage des valeurs humaines et chrétiennes, si profondément enracinées dans la foi et dans l’histoire de ce territoire et de sa population, avec sa foi granitique dont a parlé Son Excellence.

Nous célébrons aujourd’hui la fête de la Très Sainte Trinité : Dieu Père, Fils et Esprit Saint, fête de Dieu, du cœur de notre foi. Lorsque l’on pense à la Trinité, ce qui vient d’abord à l’esprit c'est la dimension du mystère : ils sont Trois et ils sont Un, un seul Dieu en trois Personnes. En réalité Dieu ne peut pas être autre chose qu’un mystère pour nous dans sa grandeur, et toutefois il s’est révélé : nous pouvons le connaître dans son Fils, et ainsi aussi connaître le Père et l’Esprit Saint. La liturgie d’aujourd’hui, en revanche, attire notre attention pas tant sur le mystère, que sur la réalité d’amour qui est contenue dans ce premier et suprême mystère de notre foi. Le Père, le Fils et l’Esprit Saint sont un parce qu’ils sont amour et l’amour est la force vivifiante absolue, l’unité créée par l’amour est plus unie qu’une unité purement physique. Le Père donne tout au fils ; le Fils reçoit tout du Père avec reconnaissance ; et l’Esprit Saint est comme le fruit de cet amour réciproque du Père et du Fils. Les textes de la messe d’aujourd’hui parlent de Dieu et parlent donc d’amour ; ils ne s’arrêtent pas tant sur le mystère des trois Personnes, que sur l’amour qui en constitue la substance ainsi que l’unité et la trinité dans le même temps.

Le premier passage que nous avons écouté est tiré du Livre de l’Exode — je me suis arrêté sur celui-ci dans une récente catéchèse du mercredi — et il est surprenant que la révélation de l’amour de Dieu advienne après un très grave péché du peuple. Le pacte d’alliance sur le mont Sinaï vient tout juste d’être conclu que déjà le peuple manque de fidélité. L’absence de Moïse se prolonge et le peuple dit : « Mais où est passé Moïse, où est son Dieu ? », et il demande à Aaron de lui faire un dieu qui soit visible, accessible, manœuvrable, à la portée de l’homme, à la place de ce Dieu mystérieux invisible, lointain. Aaron accepte et prépare un veau d’or. En descendant du Sinaï, Moïse voit ce qui est arrivé et il brise les tables de l’alliance, qui est déjà brisée, rompue, deux pierres sur lesquelles étaient écrites les « Dix Paroles », le contenu concret du pacte avec Dieu. Tout semble perdu, l’amitié semble immédiatement, dès le départ, déjà brisée. Et pourtant, malgré ce très grave péché du peuple, Dieu, par l’intercession de Moïse, décide de pardonner et l’invite à remonter sur le mont pour recevoir à nouveau sa loi, les dix Commandements et renouveler le pacte. Moïse demande alors à Dieu de se révéler, de lui faire voir son visage. Mais Dieu ne montre pas son visage, il révèle plutôt son être plein de bonté par ces mots : « Le Seigneur, le Seigneur, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité » (Ex 34, 8). Et cela est le Visage de Dieu. Cette auto-définition de Dieu manifeste son amour miséricordieux : un amour qui l’emporte sur le péché, le couvre, l’élimine. Et nous pouvons être toujours sûrs de cette bonté qui ne nous abandonne pas. Il ne peut y avoir de révélation plus claire. Nous avons un Dieu qui renonce à détruire le pécheur et qui veut manifester son amour de manière encore plus profonde et surprenante devant le pécheur pour offrir toujours la possibilité de la conversion et du pardon.

L’Evangile complète cette révélation, que nous écoutons dans la première lecture, parce qu’il indique à quel point Dieu a montré sa miséricorde. L’évangéliste Jean rapporte cette expression de Jésus : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle » (3, 16). Dans le monde, il y a le mal, il y a l’égoïsme, il y a la méchanceté, et Dieu pourrait venir pour juger ce monde, pour détruire le mal, pour châtier ceux qui œuvrent dans les ténèbres. En revanche, il montre qu’il aime le monde, qu’il aime l’homme, malgré son péché, et il envoie ce qu’il a de plus précieux : son Fils unique. Et non seulement il l’envoie, mais il en fait don au monde. Jésus est le Fils de Dieu qui est né pour nous, qui a vécu pour nous, qui a guéri les malades, pardonné les péchés, accueilli chacun. En répondant à l’amour qui vient du Père, le Fils a donné sa propre vie pour nous : sur la croix l’amour miséricordieux de Dieu touche son point culminant. Et c’est sur la croix que le Fils de Dieu nous obtient la participation à la vie éternelle, qui nous est communiquée par le don de l’Esprit Saint. Ainsi dans le mystère de la croix sont présent les trois Personnes divines : le Père qui donne son Fils unique pour le salut du monde ; le Fils qui accomplit jusqu’au bout le dessein du Père ; l’Esprit Saint — répandu par Jésus au moment de sa mort — qui vient nous faire participer à la vie divine, qui vient transformer notre existence, pour qu’elle soit animée par l’amour divin.

Chers frères et sœurs ! La foi dans le Dieu trinitaire a caractérisé aussi cette Eglise de Saint-Marin-Montefeltro, au fil de son histoire antique et glorieuse. L’évangélisation de cette terre est attribuée aux saints tailleurs de pierre Marin et Léon, qui au milieu du IIIe siècle après Jésus Christ auraient débarqué à Rimini venus de Dalmatie. Grâce à la sainteté de leur vie, ils auraient été consacrés l’un prêtre et l’autre diacre par l’évêque Gaudence qui les aurait envoyés à l’intérieur des terres, l’un sur le mont Feretro, qui prit ensuite le nom de San Leo, et l’autre sur le mont Titano, qui prit ensuite le nom de Saint-Marin. Au-delà des questions historiques — qu’il ne nous appartient pas d’approfondir — il est intéressant d’affirmer que Marin et Léon apportèrent dans le contexte de cette réalité locale, avec la foi dans le Dieu qui s’est révélé en Jésus Christ, des perspectives et des valeurs nouvelles, en déterminant la naissance d’une culture et d’une civilisation centrée sur la personne humaine, image de Dieu et à ce titre porteurs de droits antécédents à toute législation humaine. La variété des différentes ethnies — Romains, Goths puis Lombards — qui entraient en contact avec eux, quelquefois aussi de manière très conflictuelle, trouvèrent dans la réf érence commune à la foi un facteur puissant d’édification éthique, culturelle, sociale et, en quelque sorte, politique. Il était évident à leurs yeux qu’un projet de civilisation ne pouvait pas être considéré comme achevé tant que toutes les composantes du peuple ne seraient pas devenues une communauté chrétienne vivante et bien structurée et édifiée sur la foi dans le Dieu Trinitaire. On peut donc dire à raison que la richesse de ce peuple, votre richesse, chers Saint-Marinais, a été et demeure la foi, et que cette foi a créé une civilisation vraiment unique. A côté de la foi, il faut ensuite rappeler l’absolue fidélité à l’Evêque de Rome, que cette Eglise a toujours regardé avec dévotion et affection ; ainsi que l’attention démontrée à l’égard de la grande tradition de l’Eglise orientale et la profonde dévotion pour la Vierge Marie.

Vous êtes, à juste titre, fiers et reconnaissants de ce que l’Esprit Saint a opéré à travers les siècles dans votre Eglise. Mais vous savez aussi que la meilleure manière d’apprécier un héritage est de le cultiver et de l’enrichir. En réalité, vous êtes appelés à développer ce précieux dépôt à un moment parmi les plus décisifs de l’histoire. Aujourd’hui, votre mission être confrontée à de profondes et rapides transformations culturelles, sociales, économique, politiques, qui ont déterminé de nouvelles orientations et modifié les mentalités, les mœurs et les sensibilités. Ici aussi, en effet, comme ailleurs, difficultés et obstacles ne manquent pas, dus surtout à des modèles hédonistes qui obscurcissent l’esprit et risquent d’annihiler toute moralité. La tentation s’est insinuée de penser que la richesse de l’homme ne serait pas la foi, mais son pouvoir personnel et social, son intelligence, sa culture et sa capacité de manipulation scientifique, technologique et sociale de la réalité. Ainsi, sur ces terres, on a commencé à remplacer la foi et les valeurs chrétiennes par de présumées richesses, qui se révèlent, en fin de compte, inconsistantes et incapables de tenir la grande promesse du vrai, du bien, du beau et du juste que pendant des siècles vos ancêtres ont identifié avec l’expérience de la foi. Il ne faut pas non plus oublier la crise d’un grand nombre de familles, aggravée par la fragilité psychologique et spirituelle des époux, ainsi que la difficulté rencontrée par beaucoup d’éducateurs pour obtenir une continuité dans la formation des jeunes, conditionnés par de multiples situations de précarité, dont la première est celle de leur rôle social et de leurs possibilités de travail.

Chers amis ! Je connais bien l’engagement de chaque composante de cette Eglise particulière pour promouvoir la vie chrétienne sous ses divers aspects. J’exhorte tous les fidèles à être comme un ferment dans le monde, en vous montrant tant à Montefeltro qu’à Saint-Marin des chrétiens présents, entreprenants et cohérents. Les prêtres, les religieux et les religieuses vivent toujours dans la plus cordiale et la plus concrète communion ecclésiale, en aidant et en écoutant le pasteur diocésain. Chez vous aussi on ressent l’urgence d’une reprise des vocations sacerdotales et de consécrations particulières : je fais appel aux familles et aux jeunes afin qu’ils ouvrent leur esprit à une prompte réponse à l’appel du Seigneur. On ne regrette jamais d’être généreux avec Dieu ! A vous, laïcs, je vous recommande de vous engager activement dans la communauté, afin que, à côté de vos devoirs civiques, politiques, sociaux et culturels particuliers, vous puissiez trouver le temps et la disponibilité pour la vie de la foi, la vie pastorale. Chers Saint-Marinais ! Restez fermement fidèles au patrimoine construit au fil des siècles sur l’impulsion de vos grands patrons, Marin et Léon. J’invoque la Bénédiction de Dieu sur votre chemin d’aujourd’hui et de demain et je vous dis à tous : « La grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint Esprit soient avec vous tous ! » (2 Co 13, 13). Amen !

© Copyright du texte original en italien : Libreria Editrice Vaticana

Traduction : Zenit