ROME, Mardi 15 mars 2011 (ZENIT.org) – « Le crucifix dans les lieux publics ne lèse pas la laïcité de l’Eat » : cette sentence de la Cour de Cassation italienne est saluée par L’Osservatore Romano en italien du 16 mars, veille de l’anniversaire des 150 ans de l’unité italienne.
« Le crucifix est l’unique symbole religieux admis dans les salles des tribunaux italiens et il ne lèse pas la laïcité de l’Etat. C’est ce qu’a répété la Cour de Cassation dans la sentence qui confirme la radiation de l’ordre judiciaire du juge de paix du tribunal de Camerino, Luigi Tosti, qui avait refusé de tenir une audience dans des salles où un crucifix était exposé. Selon la Cour suprême, pour exposer dans les bâtiments publics d’autres symboles religieux, il faudrait « un choix discrétionnel du législateur, qui, en ce moment, ne subsiste pas ». De la Cassation arrive donc un avis favorable au verdict disciplinaire émis par le Conseil supérieur de la magistrature qui, le 25 mai dernier, avait destitué le juge », explique L’Osservatore Romano.
Motivations de la sentence
Le quotidien de la Cité du Vatican fait observer que dans les motivations de la sentence, la Cour précise que « le principe de la laïcité de l’Etat » ne peut « absolument » pas être remis en question : la Cour constitutionnelle a en effet « reconnu dans la laïcité un principe suprême » de l’ordre constitutionnel italien.
Il s’agit d’un « principe qui n’est pas explicitement proclamé dans la Charte fondamentale », mais qui découle des articles 2, 3, 7, 8, 19 et 20 de la Constitution. Le principe de la laïcité, « riche en résonnances idéologiques et d’une histoire controvervée, mais assume une importance juridique – fait observer la Cassation – qui peut se déduire des règles fondamentales » de la législation italienne.
Un juge licencié
Mais en même temps, ajoute L’OR, la Cassation repousse la thèse de Tosti qui soutenait qu’il se battait au nom de la laïcité de l’Etat. A ce propos, les juges suprêmes expliquent que « la défense de la liberté religieuse et de conscience est un principe qui vaut pour toute la population et pas seulement un seul citoyen ». Ainsi, à partir du moment où « l’on a assigné à Tosti une salle sans crucifix pour qu’il y tienne ses audiences », il ne pouvait pas refuser d’accomplir son service, « en mettant en cause la présence du crucifix dans le reste des salles » d’audience des tribunaux italiens. La Cour a donc estimé qu’en agissant ainsi, le juge a provoqué un manque de service aux citoyens et à l’organisation du tribunal de Camerino et c’est pourquoi il a été « légitimement licencié ».
Une autre sentence sur la présence des symboles religieux dans les lieux publics en Italie devrait arriver le 18 mars lorsque la Grande Chambre de Strasbourg prendra une décision quant à la présence du crucifix en particulier dans les salles de classe. La Cour européenne se prononcera sur la question lancée le 27 mai 2002, lorsque le conseil de l’école Vittorino da Feltre, d’Abano Terme (Padoue) avait refusé d’enlever le crucifix des salles de classe, comme l’avaient demandé les parents de deux élèves.
Vingt pays soutiennent l’Etat italien
Soile Lautsi, citoyenne italienne d’origine finlandaise, avait demandé en 2002 à l’école publique de ses enfants, « Vittorino da Feltre » de Abano Terme (Padoue), d’enlever les crucifix des salles de classe. L’école avait refusé. Elle avait présenté un recours devant le tribunal administratif de la région de Venise (Veneto). De là une « longue série » de démarches en justice jusqu’à la discussion de trois heures à la Cour de Strasbourg, du 20 juin 2010, conclut L’OR.
Rappelons que c’est Joseph Weiler, professeur de droit de « l’University School of Law » de New York, qui a défendu la présence du crucifix, devant la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (ECHR).
Sa défense a été entendue par 17 juges dont Jean-Paul Costa, président de la Cour, lors d’une audience sur l’affaire « Lautsi v. Italy ».
Joseph Weiler, qui est également professeur honoraire de l’Université de Londres, représentait à l’audience les gouvernements de l’Arménie, de Bulgarie, de Chypre, de Grèce, de Lituanie, de Malte, de Monaco, de Roumanie, de la Fédération russe et de Saint-Marin, qui se présentaient comme des tiers intervenants. En effet, 20 pays ont apporté officiellement leur soutien à l’Italie.
Le professeur Weiler a expliqué qu’en Europe il n’existe pas de « modèle unique de relations Eglise-Etat ». Il suffit de voir les différences entre la laïcité en France et la laïcité en Grande-Bretagne où la Reine est chef de l’Eglise anglicane. La Suède, le Danemark ou la Grèce sont d’autres cas.
Une leçon de tolérance et d’histoire
Il a constaté que « dans beaucoup de ces Etats, des parties importantes de la population, voire même la majorité des habitants, ne se considèrent plus eux-mêmes religieux ». Et pourtant, l’utilisation de « symboles religieux dans l’espace public et par l’Etat, est acceptée par la population laïque comme appartenant à l’identité nationale et comme un acte de tolérance envers les autres citoyens ».
« Le message de tolérance envers l’Autre ne doit pas se traduire par un message d’intolérance envers sa propre identité », a-t-il ajouté.
Le 3 novembre 2010, la sentence de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, demandait pourtant d’enlever les crucifix des salles de classes en Italie.
Cette sentence a donné lieu à des réactions du Vatican, de la conférence des évêques italiens, d’associations catholiques, de la mairie de Rome. Elle contredisait ce que le Conseil d’Etat italien avait établi et a soulevé la protestation des Luthériens d’Italie.
« Si, juridiquement, l’Italie n’a pas encore gagné, politiquement, elle a de fait déjà remporté une victoire magistrale. En effet, à ce jour, pas moins de vingt pays européens ont apporté leur soutien officiel à l’Italie en défendant publiquement la légitimité de la présence de symboles chrétiens dans la société et notamment dans les écoles », commentait pour sa part, dans L’Osservatore Romano du 21 juillet 2010, Grégor Puppinck, directeur du « European Centre for Law and Justice » (ECLJ).
Anita S. Bourdin