ROME, Vendredi 24 décembre 2010 (ZENIT.org) – Construire un avenir meilleur en faisant un « sérieux examen de conscience » et en tirant les leçons des cinquante années passées : c’est ce que souhaite la Conférence épiscopale du Tchad (CET) qui, en cette année 2010, centre son message de Noël sur « les ingrédients » qui peuvent faire de son pays « un Tchad nouveau », comme l’indique l’intitulé de ce message qui s’inscrit dans la perspective de la célébration du cinquantenaire de l’accession du Tchad à la souveraineté internationale.
Ce message renferme une série d’appels aux citoyens et citoyennes du Tchad à relever de « grands défis », pour « la promotion humaine et sociale de tous ».
Les questions de la terre et de la propriété foncière, celles d’une meilleure gouvernance, de l’éducation, de la santé, d’une justice équitable ainsi que la réconciliation des tchadiens, occupent une place de choix dans ce message qui stigmatise également le phénomène de la corruption, « un mal qui gangrène le Tchad », a souligné Mgr Bouchard, lors de sa présentation, le 13 décembre dernier.
« Certains tirent profit de la situation actuelle mais la majorité de la population en subit les conséquences et risque de sombrer dans le découragement le plus total. Est-ce cela que nous voulons ? », s’interrogent les évêques tchadiens.
Ils rappellent que la corruption « est criminelle » devant la loi, et qu’elle doit donc être punie, mais qu’elle est aussi « inconciliable avec la religion », ajoutant que la « piété » ne saurait se réduire « uniquement à la prière et au culte », mais « doit imprégner toute la vie ».
Les évêques tchadiens reconnaissent les apports de l’indépendance du pays, il y a 50 ans, tels que la prise de conscience de la citoyenneté tchadienne, l’émergence de la société civile, l’affirmation de la liberté d’expression, les efforts pour une plus grande démocratie et pour un mieux-être social, mais déplorent que ceux-ci aient très vite été assombris par « des abus de pouvoir » qui, provoquant rebellions puis guerres et fractures ethniques, ont favorisé « le repli sur soi, suscité des haines, et empêché le pays de progresser ».
La construction d’ « un nouveau Tchad », précisent-ils, doit passer par « une organisation politique respectueuse de tous les citoyens, quelle que soit leur ethnie ou leur région d’origine, et par la création d’un État avec des institutions fortes et respectées, donc par le respect du droit et de la justice, condition fondamentale pour vivre en société et construire un pays ».
Un des graves problème de droit et de justice, souligné par les évêques dans leur message, est actuellement celui « de la terre et de la propriété foncière » qui, selon eux, constitue « une bombe à retardement si on ne lui trouve pas des solutions équitables ».
Au Tchad, la terre est l’objet de nombreux conflits, par exemple entre éleveurs et agriculteurs : Certaines personnes plus fortunées ou jouissant d’un pouvoir quelconque s’emparent de terres ou de propriétés par la force ou les « achètent » auprès d’une soi-disant autorité villageoise sans que les premiers occupants ne soient au courant et sans tenir compte du droit coutumier et des lois foncières.
Autres priorités mises en avant par la CET, celle de l’éducation, « nécessaire pour l’épanouissement des personnes », et celle de la santé, où « l’Eglise catholique s’investit beaucoup », y compris dans la lutte contre le SIDA, mais où « il reste beaucoup à faire », relèvent-ils.
Au regard de tout cela, « Noël nous lance un appel particulier et nous offre une occasion unique de nous renouveler dans notre foi », soulignent les évêques aux chrétiens du Tchad, car, comme dit l’apôtre Paul aux Romains : « … l’heure est venue de sortir de votre sommeil… La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. Rejetons les activités des ténèbres, revêtons-nous pour le combat de la lumière… »
« Il ne faut surtout pas penser que la vie sociale, professionnelle, politique n’a rien à voir avec notre foi chrétienne », leur rappellent-ils.
Comme le suggéraient les évêques lors du synode pour l’Afrique, il faut, disaient-ils, que « la foi chrétienne imprègne tous les aspects et toutes les dimensions » de leur vie, en famille, au travail, dans la politique et dans la vie publique.
Après avoir rappelé l’encouragement des évêques du synode à ce que les chrétiens catholiques s’investissent en politique, pour le bien même de la politique et donc de la gouvernance, « une bonne gouvernance », les évêques du Tchad terminent leur message de Noël sur un appel à œuvrer en faveur d’une « vraie réconciliation nationale», en collaboration avec les autres confessions chrétiennes et les autres croyants, seule voie possible pour un Tchad vraiment en paix.
« Peuple tchadien, debout et à l’ouvrage ! », appellent-ils en reprenant l’invitation de l’hymne national.
Isabelle Cousturié